Les écologistes en pleine ascension en Europe
Au Parlement européen, le groupe des Verts passe de la sixième à la quatrième place en termes d'effectif. Il comptera probablement 69 sièges, soit 17 de plus qu'au cours de la précédente législature. Environ un tiers des électeurs de moins de 30 ans a voté écologiste. Les chroniqueurs tablent sur un ascendant croissant des partis écologistes dans un proche avenir.
L'écologie investira la politique
Le succès des partis écologistes de centre-gauche vont amener un changement de paradigme au centre de l'échiquier politique, prédit The Irish Times :
«Deux approches fondamentalement opposées se font face : d'une part la conception du monde écologiste 'Nous sommes une planète'. De l'autre la vision nationaliste 'Nous sommes un pays'. Le centre de gravité de la politique jauge de quel côté se ranger. Ces dernières années, un certain nombre de partis de centre-droit se sont laissés gagner par les idées nationalistes pour tenter de couper l'herbe sous le pied de l'idéologie identitaire. ... Il y a fort à parier que dans les années à venir, les partis du centre - qui constituent encore la première force politique dans la plupart des pays - abandonneront le discours souverainiste pour embrasser davantage le message du mouvement écologiste.»
Des partis appelés à s'européiser
Après leurs bons résultats, en Allemagne et en France notamment, les partis écologistes vont devoir faire bouger les lignes, estime le journal Les Echos :
«Les élections européennes de mai 2019 peuvent marquer un virage. Les électeurs se sont mobilisés parce qu'ils ont compris que le climat comme la sauvegarde de la planète ne pourront pas se faire au seul niveau national. Ils demandent une écologie internationale, européenne pour commencer. Les partis 'verts' sont sommés de s'entendre pour trouver des réponses européennes. Ils deviendraient, s'ils y parvenaient, les premiers à établir ces partis transnationaux dont manque cruellement l'UE.»
Une double contestation
Dans La Stampa, Bill Emmott, ex-rédacteur en chef de l'hebdomadaire The Economist, explique la réussite des Verts par des facteurs autres que la peur du changement climatique :
«Ce score est d'autant plus étonnant qu'avant ce scrutin, rien ne laissait supposer une passion soudaine pour les questions écologiques en France, en Irlande, en Allemagne ou au Royaume-Uni. ... Les partis écologistes ont le mérite d'être tous résolument pro-européens et d'être ancrés à gauche. N'ayant pas été associés à des gouvernements, on ne peut pas leur reprocher la crise économique qui a suivi 2008, la crise migratoire ou d'autres maux encore. Ils sont donc l'expression d'une contestation idéale, non radicale, contre les partis traditionnels comme les sociaux-démocrates allemands ou les travaillistes britanniques, mais aussi contre les populistes nationalistes.»
Au prochain scrutin, la génération Greta votera
En Suède, pays de Greta Thunberg, les Verts ne sont pas aussi forts que dans d'autres pays. La question climatique n'en est pas pour autant une page tournée, rappelle Aftonbladet :
«Le groupe écologiste au Parlement européen a gagné 20 mandats. On notera que Greta Thunberg n'a donné aucune consigne de vote. Au demeurant, elle pèse de tout son poids pour que la question du climat soit placée à l'ordre du jour. ... Aux prochaines législatives en Suède, en 2022, elle aura le droit de vote, de même que beaucoup de jeunes de sa génération. Ce sang neuf affectera tous les partis : tant ceux qui s'occupent activement de la crise climatique que ceux qui font tout pour en minimiser l'importance.»
Une nouvelle génération d'agriculteurs pour sauver l'avenir
Dnevnik espère que quelqu'un se trouvera en Slovénie pour défendre la loi actuellement en pourparlers sur les exploitations agricoles avec autant de véhémence que Ska Keller, tête de liste des Verts aux européennes, s'est engagée pour la protection des abeilles :
«Les Slovènes devraient rendre hommage à Ska Skeller et prendre exemple sur elle. D'après un projet de loi, la taille maximale d'une exploitation agricole sera limitée à 100 hectares, pour les particuliers et les entreprises. Trop peu, vocifèrent les gros exploitants, qui craignent pour leurs subventions européennes - des subventions dont les petits exploitants ne peuvent que rêver. Au vu du taux de participation catastrophique aux européennes en Slovénie [à peine 29 pour cent], il est urgent qu'une nouvelle génération de paysans mette au placard les méthodes des géants de l'agriculture, et que l'on suive la voie qu'il nous montrent. L'avenir appartiendra aux jeunes agriculteurs, ou il n'y aura pas d'avenir.»
Les écologistes comprennent l'Europe mieux que quiconque
Cette fois-ci, les européennes ont fait honneur à leur nom, se réjouit le quotidien Berliner Zeitung :
«En tout état de cause, on pourra dire que pour la première fois, les élections dans les Etats membres de l'UE n'auront pas été exclusivement le porte-voix de questions nationales. En Allemagne, ce sont les Verts qui l'ont le mieux compris, ce dont ils ont été récompensés par un score nettement supérieur à 20 pour cent des suffrages. Ils sont bien partis pour porter leurs intérêts sur le devant de la scène européenne, une formation qui ne s'éreinte plus à souligner l'érosion idéologique des partis populaires. Si les Verts battent le SPD, c'est parce qu'ils conjuguent les technologies d'avenir performantes à l'obligation de préserver les ressources naturelles, et ils apparaissent aux jeunes électeurs comme des représentants d'une politique environnementale acceptables et crédibles.»
Le populisme au service de la protection du climat
The Irish Independent croit savoir pourquoi, dans beaucoup de pays, les partis écologistes ont amélioré leur score :
«Peut-être les autres partis politiques pourront-ils tirer des enseignements des Verts. Notamment que l'on peut prendre les outils des populistes pour en faire un usage à bon escient. Les Verts ont vraiment été le seul parti qui ait eu un message passionnant à faire passer lors de ces élections. Comme dans le cas du Brexit, il s'agit d'un scénario basé sur la crainte, la colère et la nostalgie. Mais leur discours s'appuyait avant tout sur quelque chose que beaucoup de partis politiques n'offrent pas aux jeunes - l'espoir en l'avenir. Et peut-être est-ce la raison pour laquelle les forces de l'ombre succomberont à leurs propres armes : celles des sentiments.»
Vaincre le nationalisme sans aller à la confrontation
Politiken appelle les Verts européens à faire corps contre le nationalisme en faisant preuve d'une prudence judicieuse :
«Au vu de la débâcle subie par la Grande-Bretagne, les nationalistes ont peut-être mis de l'eau dans leur vin s'agissant de leur revendication d'exits en tous genres. Il n'en reste pas moins qu'ils ont encore le vent en poupe dans de grands pays comme la France, l'Italie, la Pologne et la Hongrie. C'est le nouveau front de la politique européenne : d'une part une vague verte qui voit dans la coopération européenne la solution aux problèmes climatiques, de l'autre une aile nationaliste pour laquelle la collaboration est l'origine du problème. Le défi pour le Parlement européen consiste à éviter d'en arriver au conflit d'intérêts clivant auquel on assiste en France.»