Tchéquie : le Premier ministre sous la pression de la rue
Des dizaines de milliers de manifestants ont réclamé mardi à Prague la démission du Premier ministre tchèque, Andrej Babiš. Un audit de l'UE de plusieurs mois venait de conclure à un conflit d'intérêt de Babiš, attendu que l'entreprise Agrofert dont il est propriétaire a perçu des subventions européennes à hauteur de plus de dix millions d'euros. Va-t-il plier sous la pression ?
Tandis que la rue rugit, la politique paresse
Les manifestations n'ébranleront pas l'indéboulonnable Babiš, juge Večernji list :
«Actuellement, il réfute résolument l'idée d'une démission. Le président tchèque Miloš Zeman n'a nullement l'intention pour l'heure de solliciter sa destitution, bien que Babiš ait officiellement été mis en examen. Les sociaux-démocrates, partenaires de coalition du parti de Babiš, ANO, ne sont pas disposés à lui retirer leur confiance au Parlement, car ceci compromettrait leur position sur la scène politique.»
Babiš le dos au mur
Pour Lidové noviny, qui fait pourtant partie du portefeuille du groupe Agrofert, Babiš sera obligé de jeter l'éponge :
«La question principale ne porte pas sur le remboursement par la Tchéquie de millions d'euros à Bruxelles, ni sur les moyens dont Agrofert dispose pour y procéder. Le problème ne réside pas dans le passé, mais dans l'avenir. Les entreprises du Premier ministre travaillent dans un secteur dépendant des subventions. Les concurrents de Babiš en sont eux aussi tributaires. Le rapport d'audit de Bruxelles n'a qu'une valeur provisoire. Si le rapport définitif confirme ce rapport provisoire, Babiš devra abandonner son poste de Premier ministre ou se séparer de tout son patrimoine. C'est le nœud gordien de l'affaire Babiš.»
Babiš s'écarte-t-il du chemin européen ?
Devant le Parlement, le Premier ministre Andrej Babiš a qualifié l'audit de l'UE d'attaque contre la Tchéquie visant à déstabiliser le pays. Le quotidien Právo craint que le dirigeant ne se détourne radicalement de l'UE :
«Les paroles que le Premier ministre a martelées plusieurs fois avaient de quoi vous donner des sueurs froides : 'Cet audit de l'UE est une atteinte à la République tchèque. Bruxelles, qui veut nous imposer des migrants, se permet désormais d'interpréter nos lois.' Le Premier ministre, soupçonné de conflit d'intérêt et de détournement de fonds publics, menace-t-il ses concitoyens et ses alliés de tourner le dos à l'UE au lieu d'assumer ses responsabilités ? Ce serait extrêmement préoccupant.»
Qu'Orbán et Kaczyński se le tiennent pour dit
La forte mobilisation en Tchéquie et ailleurs est une lueur d'espoir, lit-on dans Frankfurter Rundschau :
«Le vent de liberté et de démocratie qui soufflait sur l'Europe de l'Est il y a 30 ans est encore là. Les récentes évolutions en Slovaquie et en Roumanie le montrent autant que les manifestations monstres qui secouent actuellement la Tchéquie. ... Orbán et Kaczyński suivront de très près ce qui se passe chez leurs voisins. Ils y apprendront que dans les Etats de l'UE, il y a certaines limites que la politique ne peut pas franchir. C'est le secret des manifestants : ils savent que dans le doute, ils peuvent en appeler à Bruxelles et compter sur elle. C'est toute la différence entre la Tchéquie et la Turquie, ou entre la Roumanie et la Russie.»