Des pétroliers attaqués dans le golfe d'Oman
Deux pétroliers ont prix feu dans le golfe d'Oman suite à des explosions. Les autorités maritimes norvégiennes ont confirmé qu'au moins un des deux navires avait été victime d'une attaque. L'incident s'est produit dans l'un des détroits les plus importants de la planète, qui relie les régions pétrolifères du golfe Persique aux mers ouvertes. Depuis des semaines, ce détroit est le théâtre de tensions croissantes entre les Etats-Unis et l'Iran. Quels sont les dessous de cet imbroglio, et quelles en seront les conséquences ?
Téhéran prend des risques calculés
Le ministre des Affaires étrangères des Etats-Unis, Mike Pompeo, a imputé à l'Iran la responsabilité des attaques. Une thèse à laquelle adhère le quotidien Die Welt :
«Les Iraniens ne sont ni sots ni suicidaires. Ils croient que le président Donald Trump, même s'il aboie beaucoup, veut à tout prix éviter une guerre. Et ils croient que les alliés des Etats-Unis en ont pleinement conscience. Il prennent donc un risque calculé et envoient au monde le message : comme vous le voyez, dans la région, c'est nous qui décidons. Composez donc avec nous. ... L'UE devrait condamner l'Iran pour sa sponsorisation du terrorisme d'Etat, mettre fin à la mascarade de l'accord sur le nucléaire qui ne profite qu'aux Iraniens et faire en sorte que le détroit d'Ormuz reste ouvert, par la force s'il le faut. Pour montrer au régime iranien que cette fois-ci, il a perdu son pari.»
Trump a fait le jeu des faucons iraniens
On va désormais au-devant d'une escalade militaire dont les Etats-Unis sont responsables, juge De Tijd :
«L'Iran est le dos au mur, en raison des sanctions américaines. Les exportations de pétrole sont de facto au point mort, tandis que les investissements étrangers se sont effondrés. Les Etats-Unis menacent de sanctionner de la même façon tous les pays ou toutes les entreprises qui commercent avec l'Iran. Cette intransigeance fait le jeux des partisans de la ligne dure en Iran. ... Lorsque Trump a annoncé le retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien l'année dernière, il avait assuré que cette décision bénéficierait à la sécurité dans la région. Force est de constater aujourd'hui que le contraire a prévalu. ... Une attaque contre l'Iran déclencherait une réaction en chaîne imprévisible dans l'ensemble de la région et peut-être au-delà. Un véritable scénario catastrophe.»
Tout a commencé en 1979
La crise actuelle est l'aboutissement d'une longue chronologie de tensions et de conflits, assure Federico Rampini, correspondant de La Repubblica à New York :
«Les tensions entre Riyad et Téhéran, qui se soldent par de sanglantes guerres par procuration en Palestine, au Liban, en Syrie et au Yémen, remontent à l'année 1979 - l'année zéro du fondamentalisme islamiste moderne. Il y a 40 ans, la révolution khomeiniste triomphait en Iran. La même année, des fondamentalistes sunnites prenaient la Grande Mosquée de La Mecque. La monarchie saoudite, par peur de connaître le même sort que le chah d'Iran, choisit de s'allier avec la partie la plus réactionnaire de son clergé et d'effectuer une volte-face obscurantiste. La féroce compétition entre Saoudiens et Iraniens dans l'exportation du fondamentalisme et du djihad a bien ses racines dans l'année 1979.»
La plus grande prudence est de mise
Les réactions qui ne vont pas dans le sens d'une désescalade sont irresponsables, critique El Periódico de Catalunya :
«Ni les accusations américaines contre l'Iran, par le biais du ministre des Affaires étrangères, Mike Pompeo - qui ne dispose pas de la moindre preuve pour les étayer - ni la position de ceux qui minimisent le danger fort élevé d'une escalade ne sont à la hauteur de la situation. Car tant que l'on ignorera ce qui s'est produit dans le détroit, l'unique réaction responsable consiste à appeler au calme - comme l'ont fait l'UE et le Japon - et à s'efforcer de rétablir la confiance ou le respect entre les adversaires, afin d'empêcher que cette région intrinsèquement instable ne le devienne encore plus, que le prix du pétrole n'augmente et que l'économie mondiale n'en pâtisse.»