Estonie : un lanceur d'alerte limogé
Pour avoir informé le Parquet général de soupçons de corruption liés à son supérieur, le secrétaire général du ministère des Affaires rurales, Illar Lemetti, a été limogé par le Premier ministre, Jüri Ratas. Quelques heures plus tard, le ministre en charge de ce portefeuille, membre du parti d'extrême droite EKRE, a dû lui aussi faire ses valises. Les médias estoniens s'indignent de ce que le lanceur d'alerte ait été sanctionné.
Un signal funeste pour tous les serviteurs de l'Etat
Eesti Päevaleht n'est pas tendre avec le Premier ministre :
.«Il est déplorable d'affirmer que les hauts fonctionnaires sont tenus d'exécuter les ordres de ministres sans se poser de question. En vertu de la loi, il est évident qu'ils se doivent de refuser des ordres si ceux-ci enfreignent la loi ou s'ils sont en présence de corruption. Après la décision d'hier, on peut affirmer que la boussole morale du Premier ministre, Jüri Ratas, est irrémédiablement détraquée. Approuver le limogeage d'un serviteur de l'Etat parce que celui-ci aurait révélé une affaire de corruption, cela est honteux et borné. ... C'est envoyer un signal désastreux aux hauts fonctionnaires : 'Si vous osez formuler des accusations de corruption à l'intention de ministres ou de conseillers de ceux-ci, attendez vous à être limogés'»
L'honnêteté sanctionnée
Äripäev juge lui aussi injustifiable l'action du gouvernement :
«Äripäev ne veut pas d'un Etat de fonctionnaires et d'une bureaucratie toute puissante. ... Mais en l'occurrence, il en va de valeurs essentielles de la démocratie libérale comme la liberté, la transparence et l'Etat de droit. Si on met celles-ci dans la balance, on s'aperçoit que la décision du gouvernement, à savoir le limogeage du secrétaire général du ministère, Illar Lemetti, en plus de celle du ministre Mart Järvik, sape l'équilibre. Il s'agit d'un précédent dangereux et d'un signal funeste envoyé à la société : l'honnêteté est stigmatisée. Le Premier ministre, Jüri Ratas, a reproché à Lemetti son manque de coopération. Or la situation - le secrétaire général a choisi de s'adresser au Parquet en raison de soupçons de corruption - ne laisse pas vraiment de marge à la coopération.»