Coronavirus : le programme d'aide de l'UE suffira-t-il ?
Les ministres des Finances des pays de l'UE ont adopté vendredi 10 avril le plus gros programme d'aide de l'histoire de l'Union : 540 milliards d'euros doivent être débloqués sous la forme de crédits aux Etats et aux entreprises, ainsi que d'un fonds de soutien au chômage partiel. L'option des coronabonds, rejetés par certains Etats, a été écartée pour l'instant. Les chroniqueurs se montrent globalement sceptiques.
Des conditions trop vagues
Le programme de sauvetage de l'UE inspire au quotidien Bild des sentiments mitigés :
«On ne saurait qualifier de ciblées les aides promises par le gouvernement. Les cahiers des charges rigoureux pour l'octroi de crédits ont été remplacés par des pseudo-directives évasives. Les Etats lourdement endettés comme l'Italie ou la Grèce toucheront des milliards pour combattre les conséquences directes ou indirectes de la crise du coronavirus. Faut-il comprendre que l'argent du contribuable allemand servira bientôt à assainir la compagnie aérienne italienne Alitalia, en faillite bien avant la crise ? Qui veillera à ce que les crédits ne soient pas investis à perte dans des entreprises au bord du dépôt de bilan ? Les Allemands sont prêts à mettre la main à la pâte pour tirer l'Europe de la crise du coronavirus. Mais à condition que les mesures envisagées soient dignes de confiance.»
La solidarité s'est imposée
S'il ne permettra pas de surmonter les dommages causés par la crise du coronavirus, le programme de secours est un progrès louable, se réjouit Le Soir :
«En ces temps bien sombres, on se doit surtout de souligner le sursaut de ces 27 pays, la possibilité de ces 500 milliards d'euros voire plus, mais aussi la transgression de ces tabous qui tenaient du dogme : suspension du Pacte de stabilité, proposition de cofinancement du chômage partiel etc., le tout en à peine quinze jours ! Il faudra plus que ce qui se trouve dans l'accord pour qu'on croie à ses bonnes intentions, mais on notera que cette étape-ci a – à nouveau – fait pencher la balance européenne dans le camp de la solidarité, renvoyant pour le coup les populistes à leur désir de détruire l'UE et les Chinois à celui de n'en faire qu'une bouchée.»
De nouvelles mesures d'austérité
Des Etats surendettés bénéficieront d'un accès facilité au MES. Ce n'est pas une bonne solution à long-terme, assure Večer :
«Comme il n'y a pas de coronabonds qui permettraient une mutualisation de la dette au niveau européen, les pays les plus fortement touchés par l'épidémie demanderont de l'aide au Mécanisme européen de stabilité (MES). Alors les Allemands et leurs alliés envisageront d'autres conditions pour couvrir ces crédits, via de nouvelles négociations marathon et réunions nocturnes. Il s'agira de nouvelles mesures d'austérité, qui, une fois encore, frapperont durement les pays les plus affectés et les citoyens les plus vulnérables.»
Un problème complexe qui ne saurait être réduit à un simple duel
Le blocus néerlandais paraît tout à fait déplacé quand on se rappelle la politique fiscale laxiste pratiquée par les Pays-Bas, estime Massimo Riva dans sa chronique pour La Repubblica :
«Notre ministère des Affaires étrangères serait en train de préparer un grand dossier sur les paradis fiscaux qui prospèrent depuis des années dans l'UE, sans être inquiétés. Les résultats de cette enquête doivent être mis en avant dans les négociations sur la crise provoquée par l'actuelle pandémie. Il est clair que l'initiative vise surtout un pays : les Pays-Bas. ... Il serait toutefois souhaitable que l'offensive du ministère ne débouche pas sur un affrontement entre Rome et La Haye. La question du dumping fiscal au sein de l'Union est un problème trop sérieux et trop grave pour être réduit à un simple duel.»
Annuler une partie de la dette souveraine
Dans une tribune au Monde, les économistes Baptiste Bridonneau et Laurence Scialom appellent à miser politiquement sur la BCE plutôt que sur l'UE :
«Contrairement à l'instauration de bons européens communs, qui exige l'unanimité, des annulations de dette souveraine de la part de la BCE relèvent d'un arbitrage de politique monétaire pris à la majorité des deux tiers. … Ce ne serait pas la première fois que le Conseil des gouverneurs de la BCE prendrait une décision sans consensus : les 'opérations monétaires sur titres' de 2012 étaient passées outre l'assentiment de Jens Weidmann, président de la Bundesbank. ... Aujourd'hui, face à la crise économique et écologique, il peut être à nouveau nécessaire de faire pencher le rapport de force en faveur des partisans du changement politique plutôt que de ceux du statu quo. La BCE sauverait une fois de plus la zone euro de ses démons.»