Commémorations du 9 mai 1945 : quel bilan pour la Russie ?
Le week-end dernier, la Russie a célébré la victoire de l'Union soviétique sur l'Allemagne nazie il y a 75 ans, en organisant le plus grand défilé militaire de son histoire. En raison de la pandémie, la manifestation avait été repoussée de quelques semaines et beaucoup des invités n'ont pas pu venir. En dépit d'une situation sanitaire qui reste critique, quelque 13 000 soldats ont défilé sans masque sur la place Rouge. Quel est le bilan de l'évènement ?
Les Chinois, seule ombre au tableau
Dans un commentaire sarcastique pour Ekho Moskvy, Anton Orech fait l'éloge d'un défilé réussi :
«Aucun grand dirigeant ne s'était déplacé pour assister à notre défilé, mais faut-il le déplorer ? Poutine était au rendez-vous sur la place Rouge, c'est l'essentiel. L'occasion pour le virus de faire un petit tour. Tous les autres indicateurs étaient au beau fixe, notamment une météo de rêve. Cette année, nous aurons eu droit aux avions dans le ciel de la capitale deux fois, en mai puis à nouveau maintenant. ... Ceux qui seront tombés malades recevront les soins appropriés. Certains en mourront, mais il faut bien mourir de quelque chose. Avec tant de joie et de patriotisme à la clé, le jeu en valait bien la chandelle ! La seule ombre au tableau : les Chinois. Nos soldats ont donné à voir un spectacle exemplaire, se tenant bien droits et réagissant au quart de tour, jusqu'au moment où les soldats chinois ont défilé devant eux.»
Un spectacle à l'attention des Etats-Unis
Ce défilé annuel a aussi pour rôle de démontrer la puissance militaire de la Russie, pointe Večernji list :
«Même si l'économie russe traverse de sérieuses difficultés, la Russie de Poutine reste une puissance militaire tout à fait respectable, la seule qui tente de tenir tête aux Etats-Unis et qui la devance, à en croire Poutine, concernant un nouveau type d'armes nucléaires stratégiques. La Russie demeure une puissance nucléaire mondiale, ce qui alimente une nouvelle course aux armements. Les Etats-Unis voient dans ce développement de nouvelles armes nucléaires une rupture du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), datant de la guerre froide - ce à quoi Moscou répond que ses armes ne constituent une menace que pour ceux qui veulent attaquer la Russie.»
L'histoire prise en otage
Zeit Online s'inquiète des libertés que Poutine prend avec les faits historiques :
«Non seulement parce que Poutine distille l'histoire pour en extraire ce qui l'arrange dans l'alambic de son agenda politique. Mais aussi parce que ses vues sont en passe de faire leur entrée dans la Constitution. Défilés, Histoire et Constitution se rejoignent pour devenir une question de pouvoir. La nouvelle Constitution russe comporte un article qui oblige la Fédération de Russie à 'garantir la vérité historique'. L'interprétation de la Seconde Guerre mondiale n'est donc plus du ressort de la recherche indépendante et du débat social, c'est un ordre venant d'en haut. L'histoire est laissée à la discrétion de l'Etat. ... Ce qui se passe actuellement est moins un scénario d'avenir qu'une façon de prendre l'histoire en otage.»