Entre l'Arménie et l'Azerbaidjan, un conflit à risque ?
Les combats qui ont lieu depuis la mi-juillet à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont fait au moins 17 morts - le plus lourd bilan dans la région depuis 2016. Le "conflit gelé" portant sur le Haut-Karabagh, une enclave majoritairement arménienne en Azerbaïdjan qui a fait sécession, est une source de contentieux militaire entre les deux pays depuis plus de 30 ans. Les accrochages actuels n'ont toutefois pas lieu dans cette zone.
Une haine assidûment entretenue
Suite à des affrontements violents survenus à Moscou entre Arméniens et Azerbaïdjanais, Radio Kommersant FM s'intéresse à l'éducation dans ces deux groupes ethniques :
«Dans les deux pays, le récit national repose sur l'antagonisme des deux nationalités. Dès leur plus jeune âge, on inculque aux enfants que le voisin - arménien ou azerbaïdjanais, c'est selon - est viscéralement mauvais. Un préjugé qui s'ancre dans leur conscience, et qui y reste quand ils deviennent à leur tour parents, enseignants ou politiques. Face à ce cycle infernal de la propagande qui incite à la haine, même un changement du pouvoir politique ne saurait constituer une véritable issue. Ainsi que l'illustre l'exemple du Premier ministre Nikol Pachinian, de nouveaux dirigeants ont beau avoir une autre vision de l'économie et de la politique sociale, la question centrale fera toujours consensus. S'aventurer à vouloir pacifier le conflit peut mettre une fin abrupte à leur carrière, voire même leur coûter la vie. La rhétorique guerrière, en revanche, peut facilement résoudre n'importe quel problème interne, que ce soit la crise du coronavirus ou la chute du taux du pétrole.»
Les conflits ne "gèlent" pas
Attribuer au conflit du Haut-Karabagh la désignation de "conflit gelé", sans régler la question de son statut, ne résout rien, met en garde la correspondante de RBK-Ukraina Marianna Prysiazhniuk :
«Le plus grand obstacle à une pacification est le projet de la communauté internationale d'organiser un référendum sur le statut du Haut-Karabagh, après sa démilitarisation. ... Malgré les tentatives de la communauté mondiale, représentée par le groupe de Minsk, aux yeux duquel une 'paix imparfaite' est encore préférable à une 'guerre favorable', la situation est de plus en plus instable à cause du nombre important d'impondérables. Le Haut-Karabagh illustre on ne peut mieux que le terme de 'conflit gelé' est un leurre. Et si la diplomatie refuse de l'accepter, tôt ou tard, l'artillerie parlera.»
De l'importance d'entretenir les hostilités
Ekho Moskvy ne croit pas que le conflit s'aggravera :
«Bakou accuse Erevan de vouloir provoquer une ingérence de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC). Car l'Arménie est membre de cette alliance militaire placée sous l'égide de la Russie, et attaquer l'un de ses membres revient théoriquement à attaquer l'ensemble du bloc. ... Mais le bellicisme des deux camps semble s'être passablement estompé. Personne ne veut se battre. Tout le monde fait preuve de réalisme, car depuis des décennies, tous les protagonistes profitent de ce conflit gelé. On peut sempiternellement brandir la menace d'une guerre, capitaliser sur cette menace pour se maintenir au pouvoir et menacer l'ennemi d'anéantissement. Mais ceci suppose aussi de bien 'gérer', d'entretenir cet ennemi - de le provoquer mais aussi de le ménager.»
Un dérivatif
Les actuels affrontements tombent à point nommé pour les deux camps, analyse Ukraïnska Pravda :
«L'Arménie comme l'Azerbaïdjan souffrent des conséquences du coronavirus et ont besoin d'un dérivatif. Le fait que la société détourne son attention des problèmes économiques et sanitaires pour la reporter sur la question de la sécurité est avantageuse pour les deux pays. Un constat qui nous fait espérer que le regain de tensions à la frontière ne dégénèrera pas en véritable conflit - ou, du moins, qu'il ne s'agit pas là du dessein des dirigeants azerbaïdjanais.»
Que l'Arménie renonce au Haut-Karabagh
Il revient en premier lieu à l'Arménie de faire des compromis, juge Hürriyet Daily News :
«C'est sûrement difficile à accepter, mais si l'on ne trouve pas d'issue diplomatique à l'occupation persistante de la zone azerbaïdjanaise du Haut-Karabagh et de la région environnante, les deux pays pourraient tôt ou tard se livrer une guerre frontale. On ne peut manifestement pas s'attendre à ce que l'Azerbaïdjan, confronté à l'occupation durable de son territoire par un pays, l'Arménie, soutenu par l'Ouest et par la Russie, reste les bras croisés. ... Bakou a affirmé à plusieurs reprises par le passé que si elle n'était pas disposée à faire de compromis territoriaux dans le Haut-Karabagh, elle était prête en revanche à accorder une large autonomie à la région.»