Bélarus : qu'est-il advenu de Maria Kolesnikova ?
Après la disparition de la figure d'opposition bélarusse Maria Kolesnikova et de deux de ses compagnons de lutte mardi, des scénarios contradictoires circulent. Les autorités bélarusses déclarent qu'elle se trouverait en Ukraine, mais son entourage affirme qu'elle a été arrêtée. Quel sera l'impact de ce nouvel épisode sur l'opposition et le régime ?
La dynamique est bien installée
Deutschlandfunk gage que la disparition du trio féminin ne se traduira pas par un affaiblissement notable du mouvement d'opposition :
«Car depuis des semaines déjà, son organisation est décentralisée, presque toutes les manifestations se décident sur les réseaux sociaux, grâce à l'engagement d'activistes des différents quartiers ou d'autres petits groupes. Un mode d'action qui peut se poursuivre, même sans le sourire encourageant d'une Maria Kolesnikova, qui a toujours tenu des propos polis et modérés. On associe sa personne au cœur qu'elle formait avec les mains lors de ses interventions. Espérons que ce geste et ce qu'il véhicule, la non-violence et la bienveillance, reste la caractéristique du mouvement.»
Le stratagème du Kremlin contrarié
Le régime bélarusse s'est peut-être tiré une balle dans le pied, analyse le journaliste politique Arkadi Doubnov sur son blog hébergé par Ekho Moskvy :
«Ce kidnapping pourrait être un casus belli qui impulse un changement de cap dans la politique de Moscou envers Loukachenko. Jusqu'ici, on avait l'impression que Moscou cherchait à amener Loukachenko à s'accommoder en quelque sorte du mouvement 'Vmesté' [ensemble], autour du banquier emprisonné Viktor Babariko et de sa compagne de route Maria Kolesnikova. Moscou aurait ensuite proposé au pouvoir en place à Minsk ce mouvement comme partenaire de négociation, dans l'optique de diviser l'opposition en deux groupes : l'un suivant Babariko et l'autre suivant Tikhanovskaïa, figure pro-occidentale et donc antirusse aux yeux de Moscou. La disparition de Kolesnikova pourrait réduire ce plan à néant.»
La rue voudra la peau de Loukachenko
Lietuvos rytas estime aussi que l'enlèvement de Maria Kolesnikova pourrait porter préjudice au président bélarusse :
«A faire disparaître les leaders de la contestation, Loukachenko prend des risques inconsidérés. Ces personnes étaient prêtes à dialoguer avec lui, et même avec Moscou. Les nouveaux meneurs qui émergent de la mobilisation de la rue voudront désormais sa tête, au sens propre du terme. Du reste, on ne peut pas exclure que ce soit-là l'objectif du régime : plus la protestation se radicalisera, moins il aura de complexes à les réprimer dans la violence. Les dirigeants européens, qui ne savent toujours pas sur quel pied danser, pourront-ils empêcher un bain de sang ? Peut-être, mais uniquement s'ils signalisent clairement au Bélarus et à la Russie qu'ils sont unis et prêts à lancer le rouleau compresseur des sanctions.»
Une honte pour l'UE
C'est une honte que l'UE n'ait toujours pas réagi par des sanctions contre Minsk, écrit l'antenne roumaine de Deutsche Welle :
«Le dictateur du pays, protégé par son grand frère à Moscou, Vladimir Poutine, refuse de céder à la volonté du peuple de le voir quitter la scène, pourtant clairement exprimée aux élections et dans les rues. ... A la place, il ordonne l'arrestation massive de personnes et fait disparaître politiques, journalistes et manifestants pacifiques. Pour sa plus grande honte, l'UE refuse de prendre des sanctions contre Loukachenko, se heurtant aux réticences de l'Allemagne, de la France et de l'Italie, qui arguent qu'il faut éviter de 'fermer le canal de communication' avec le tyran. On voit mal à quoi peut servir un pareil canal, dans les circonstances actuelles.»