Macron déclare la guerre au 'séparatisme islamiste'
Le président français, Emmanuel Macron, veut intensifier sa lutte contre le radicalisme islamiste en France. "Ce à quoi nous devons nous attaquer, c'est le séparatisme islamiste", a-t-il déclaré lors d'une visite aux Mureaux dans les Yvelines. Il a préconisé une interdiction des associations fondamentalistes qui bafouent les valeurs et les lois françaises. Mais il s'est aussi engagé à lutter contre la "ghettoïsation" et à "reconquérir" les quartiers à problème. Est-ce un pari jouable ?
On ne peut combattre la violence par plus de violence
Les mesures de Macron prévoient aussi d'interdire "l'instruction dans la famille". Une initiative tout à fait dévoyée, juge un collectif de pédagogues dans Libération :
«Nous voudrions évoquer la dérive sécuritaire d'une classe politique qui ne sait gérer la violence que par plus de contrôle, donc plus de violence. ... L'école est la principale cause de la réduction drastique du temps libre des enfants, dont de nombreux psychobiologistes, comme Peter Gray ou Hubert Montagner, ont montré les effets délétères. Elle exerce une emprise totale sur la construction des enfants et cause des ruptures affectives avec la famille. ... Tout cela au nom d'un leurre, peut-être d'un mensonge, celui de la sécurité. La sécurité a toujours été l'excuse de ceux qui veulent instaurer plus de contrôle, démanteler les derniers bastions de diversité et d'autonomie, plutôt que de réfléchir à des modes diversifiés, résilients, souples, non policiers et surtout collectifs de gestion des violences.»
Les divisions sont ailleurs
Macron occulte les véritables lignes de faille qui parcourent la société française, juge L'Opinion :
«La société française vit, depuis de trop nombreuses années, à l'heure de clivages qui la minent et l'affaiblissent, au moment même où les défis à relever exigent un effort de cohésion. Les Français s'interrogent sur le sens même du projet partagé qui doit servir de moteur à la Nation. En les opposant tour à tour sur le plan économique, social, politique ou des enjeux de société, nombreux sont ceux, parmi nos responsables politiques, qui ont pris le risque, en jouant aux apprentis sorciers, de provoquer des cassures qui pourraient, à terme, se révéler irréparables. Il est temps que le président de la République, après avoir affronté la crise des Gilets Jaunes, prenne la mesure de ces cassures profondes et du besoin de créer les conditions mêmes d'une réconciliation à laquelle les Français, dans leur ensemble, aspirent de manière intense.»
Un savant équilibre à préserver
El País souhaite beaucoup de diplomatie à ceux qui auront pour tâche la mise en œuvre de l'initiative :
«L'offensive juridique contre l'extrémisme islamiste lancée en France par le président Emmanuel Macron est une initiative importante, avec des objectifs louables, mais qui n'est pas dénuée de risques. D'une part, il s'agit d'imposer un Etat de droit viable sur tout le territoire national et de se donner les moyens d'en protéger les valeurs pour tous les citoyens. Mais en même temps, il faut éviter qu'il se traduise par une stigmatisation qui ouvre la voie à des attitudes islamophobes. Avec des nuances régionales, l'intégration des communautés musulmanes est une question qui concerne de nombreuses sociétés européennes, et l'initiative française présente donc un intérêt qui dépasse les frontières du pays.»
Macron veut un islam aux ailes rognées
La volonté d'intensifier le contrôle des mosquées et des associations musulmanes en France scandalise le quotidien islamo-conservateur Yeni Şafak :
«Macron s'imagine pouvoir consolider la France avec un laïcisme du XIXe siècle et une république étatiste. Il souhaite exercer le pouvoir de l'Etat français sur les corps des musulmans, sur ce qu'ils boivent et mangent, sur leur tenue vestimentaire, leur langue et leur système de valeurs. ... La vie musulmane sera observée, contrôlée, disciplinée et régie dans ses moindres détails. ... Le musulman se trouve ainsi condamné à se plier aux préférences occidentales classiques : la conversion ou l'exil - ou encore une nouvelle variante postmoderne : un islam réformé. Un islam aux ailes rognées et à l'âme castrée. Un islam vidé de sa conscience, de sa volonté et de sa personnalité.»
Une négation de la France
Dans l'hebdomadaire Causeur, Nicolas Bay, eurodéputé du parti d'extrême droite RN, critique l'initiative présidentielle :
«Les annonces d'Emmanuel Macron contre 'les séparatismes', en réalité exclusivement contre le 'séparatisme islamiste' comme il l'a reconnu lui-même lors de sa conférence de presse, ne sont pas anodines. On aurait tort de les traiter par le mépris et de n'en discuter que les détails de mise en œuvre. L'essentiel se situe malheureusement dans l'acceptation et la promotion d'une société multiculturelle qui n'aurait plus de France que le nom. ... Finalement, cette négation de la France ... ne peut que renforcer l'offensive islamiste. Cette république séparée de la France, telle que la propose Emmanuel Macron, n'est pas une digue, mais une autoroute pour le séparatisme.»