Pologne : nouvelles manifestations contre la loi interdisant l'IVG
Plusieurs jours d'affilée, les gens ont manifesté par milliers en Pologne contre un durcissement du droit à l'IVG et contre le gouvernement. Une décision de la Cour Suprême remontant à octobre 2020 avait été publiée au journal officiel mercredi. Elle prévoit que l'avortement ne sera dorénavant possible que dans les cas où la santé de la femme est en danger ou en cas de viol.
Une affaire tout ce qu'il y a de plus européenne
L'Europe ne semble pas avoir compris ce qui se passait en Pologne, déplore Népszava :
«La plupart des citoyens polonais [qui jusqu'à présent ne se sentaient pas concernés par les violations systématiques des droits fondamentaux] entendent désormais les choses d'une autre oreille. Peut-être parce que chacun d'entre eux a dans son entourage, qui une mère, qui une femme, qui une fille, susceptible d'être concernée par cette affaire. La Pologne se serait-elle retrouvée dans cette situation délicate si les autres membres de l'UE n'avaient pas considéré la loi comme une 'affaire de femmes' ? ... La loi polonaise contre l'avortement n'est ni une simple affaire de femmes ni une question purement polonaise, il s'agit d'une affaire européenne qui nous concerne tous.»
Le PiS essaie de diviser la grogne en plusieurs fronts
Gazeta Wyborcza estime que la date de publication du jugement est le fruit de considérations stratégiques :
«Il importe au gouvernement de bien faire la distinction entre d'une part l'opposition au durcissement du droit à l'avortement et de l'autre le mécontentement suscité par la mauvaise gestion de la pandémie. Ce dernier reprendra de plus belle dès que les cas de nouvelles infections seront en baisse. ... La séparation temporelle des deux problématiques est le seul moyen de limiter la vague de protestations croissante qui secoue la population à l'encontre du gouvernement et de son parti Droit et justice (PiS). ... Le PiS a certainement fait le calcul suivant : les opposants au jugement sur l'avortement vont se mobiliser ces prochains temps. Au printemps, la plupart d'entre eux y seront certes toujours opposés mais leur participation aux manifestations s'essoufflera quelque peu car ils se seront fait une raison et qu'ils attendront les élections de 2023.»
Beaucoup de bruit pour rien
Il n'y a vraiment pas de quoi fouetter un chat, fait valoir wPolityce.pl :
«La Cour constitutionnelle a arrêté que des conditions de vie difficiles pour la mère ne justifiaient pas que l'on tue un enfant. Les complications graves restent un motif à la décision médicale de procéder à des IVG. La Cour constitutionnelle a par ailleurs rappelé qu'aucune loi ne prévoyait d'engager la responsabilité au pénal d'une mère qui pratiquerait une IVG. ... Tout ceci mène à la conclusion que le tollé hystérique de l'opinion publique sur les sacrifices héroïques que l'on attend des femmes est sans fondement. Lisons attentivement la justification de la sentence. Elle n'est pas aussi manichéenne que certains veulent bien le laisser penser.»
Un dilemme pour les médecins
La marge de manœuvre que le jugement de la Cour prétend laisser est extrêmement problématique, écrit en revanche Gazeta Wyborcza :
«Dans son arrêté, la Cour constitutionnelle écrit qu'un avortement est légal dès lors qu'une malformation du fœtus est telle qu'elle risque de menacer la santé ou la vie de la femme. Le parti au pouvoir place ainsi les médecins dans une situation scabreuse sur le plan moral et juridique. ... Il oblige les femmes à des actes héroïques, mais aussi les médecins. Ils auront peur de prendre un risque. Car le ministre de la Justice, Zbigniew Ziobro, est assez fanatique pour aller débusquer un expert qui atteste que le fœtus ne mettait pas en danger les jours de la mère et pour accuser le médecin d'avoir procédé à un avortement illégal.»