Procès en destitution de Trump : quel bilan ?
Après un procès en destitution de cinq jours, le Sénat américain a acquitté l'ex-président Trump. Si 57 des 100 sénateurs - dont sept républicains - se sont prononcés en faveur d'une destitution, une majorité des deux tiers de la chambre était toutefois nécessaire à une condamnation. Trump a aussitôt évoqué son retour au pouvoir. Les éditorialistes ne sont pas tendres avec le Parti républicain.
Le fossé n'avait jamais été aussi béant
Il est révoltant qu'une majorité de républicains aient voté contre une condamnation, s'indigne Irish Independent :
«Les procureurs de la chambre ont présenté leur réquisitoire devant le pays et pour l'histoire. Ce faisant, ils ont reconnu 43 républicains coupables de déloyauté vis-à-vis de la Constitution et d'extrême lâcheté. ... Force est de constater que le pays est doté d'un parti viable, pro-démocratie, et d'un autre parti acquis aux émeutiers du mouvement MAGA (Make America Great Again) et à l'origine d'une violente insurrection. Jamais le fossé entre les deux partis n'avait été si profond ; jamais la nécessité que l'un des deux ne l'emporte sur l'autre n'avait été aussi essentielle à la survie de la République. »
La 'trumpodépendance' des républicains
L'acquittement illustre avant tout la faillite morale du GOP, analyse De Volkskrant :
«Opportunisme politique et absence de convictions et d'intégrité - voilà ce qu'il subsiste du Parti républicain. Des principes fondamentaux, comme la défense de la démocratie et de l'Etat de droit, sont devenus des éléments tout à fait facultatifs pour le GOP ; le tout dans un climat politique polarisé à l'extrême, où démocrates et républicains sont devenus des ennemis mortels et excluent toute coopération mutuelle dans l'intérêt du pays. ... Il est clair désormais que le Parti républicain ne peut plus se passer de Trump, à moins que son aile modérée ne parvienne à un moment donné à rétablir un conservatisme de bon aloi - mais cet espoir semble vain.»
Toujours dans le collimateur de la justice
Trump est loin d'être tiré d'affaires, rappelle 24 Chasa :
«Le Parquet de Géorgie a ouvert une enquête pour tentatives de pression en vue de fausser le résultat des élections. Le Parquet de Manhattan, à New York, instruit une affaire de fraude fiscale. Et le Parquet général de Washington a annoncé son intention d'accuser Trump pour incitation à l'insurrection. ... A ce rythme, Trump va bientôt pouvoir se targuer d'avoir reçu des convocations dans chacun des 50 Etats fédéraux. Mais les démocrates veulent-ils maintenir les poursuites contre Trump jusqu'à ce qu'ils en aient fait un martyr populiste ?»
Un comeback improbable désormais
Malgré son acquittement, l'image politique de l'ex-président est écornée, assure De Morgen :
«Trump vient d'encaisser un revers indéniable, du moins auprès de ses anciens partisans à Washington. 'Il faut reconnaître qu'ils nous a laissés tomber', a estimé Nikki Haley, l'ex-ambassadrice de l'administration Trump auprès des Nations unies. Par ailleurs, l'ancien président est visé par d'autres procès. ... Cela ne dissuadera pas ses partisans fanatiques de poursuivre le combat, mais s'il veut faire son retour, Trump aura aussi besoin des électeurs modérés. Les démocrates espèrent avoir infligé suffisamment de dégâts à l'ex-président pour l'empêcher de briguer une nouvelle fois le pouvoir.»
La balle est dans le camp de Biden
Les sénateurs républicains rendent techniquement possible une réélection de Trump en 2024, prévient Roland Nelles, correspondant du magazine Spiegel à Washington :
«Le culte de Donald Trump a toujours un poids politique considérable aux Etats-Unis. Une condamnation au Sénat aurait empêché un comeback de l'ex-président en 2024. Or celui-ci reste possible. Joe Biden et les démocrates ne devront pas ménager leurs efforts pour préserver le pays d'un second mandat de Trump. S'ils réussissent - sur le plan économique, dans la lutte contre le Covid - Trump n'aura pas de nouvelle occasion de cracher son venin à la prochaine présidentielle. S'ils échouent, cette folie politique connaîtra une nouvelle phase.»
Trump n'est pas le seul péril
Une destitution a posteriori n'aurait pas changé grand chose, assure Novi list :
«Il est difficile de comprendre l'objectif des démocrates, qui consistait à écarter Trump de la vie politique. Même s'ils y étaient parvenus, cela n'aurait pas empêché l'émergence d'un nouveau Trump dans l'arène politique du pays. ... Avant sa présidence déjà, ces 20 dernières années, il y avait eu des responsables républicains et des candidats à la présidentielle, tel Pat Buchanan, qui parlaient comme lui. ... Comme les autres populistes, Trump n'est pas arrivé là par hasard. Il est l'expression d'un rejet croissant des Américains vis-à-vis de la mondialisation et de la libéralisation des marchés, qui ont entraîné la délocalisation de l'industrie et des emplois américains en Chine, au Mexique, etc. L'attaque portée contre le Congrès le 6 janvier dernier a constitué l'apogée de cette rébellion.»
Un signe de vitalité du Congrès
De l'avis de Financial Times, l'impeachment a été un véritable succès pour la démocratie :
«La procédure a en partie restauré l'image de la République américaine. Elle a été fluide, du début à la fin, contredisant ceux qui s'attendaient à ce qu'elle entame la patience des électeurs et prive le président Joe Biden de sa dynamique initiale. Mais bien que rapide, elle n'a pas été superficielle - sauf quand les avocats de Trump ont pris la parole. Le procès n'a pas non plus été marqué par un nouveau cycle très redouté de troubles civils. Tandis que le nouveau président, fort judicieusement, s'est tenu à distance, le Congrès, qui est apparu si faible ces derniers temps, est revenu au cœur de la vie démocratique du pays. L'assaut qui avait été lancé sur son intégrité physique a indirectement contribué à renouveler son rôle de contrepoids du pouvoir exécutif.»