Roumanie : la 'Securitate' au coeur d'un nouveau débat
Le ministre roumain de l'Economie, Claudiu Năsui, veut que les noms des collaborateurs de l'ex-police politique du pays, la Securitate, ainsi que ceux des membres de leurs familles soient saisis dans un registre. Sous le dictateur communiste Nicolae Ceaușescu, la violence des méthodes de la Securitate a coûté la vie à environ 200 000 Roumains jusqu'en 1989. La presse du pays critique toutefois une initiative qu'elle juge dangereuse et hypocrite.
Ne pas revenir à la 'responsabilité du clan'
Pour l'antenne roumaine de la radio Deutsche Welle, ce projet rappelle de sombres souvenirs de l'époque communiste :
«'Le sang est plus épais que l'eau', avait coutume de dire la Securitate. En d'autres termes, les enfants étaient eux aussi responsables des 'cadavres dans le placard' de la famille, ils portaient le fardeau de leurs parents et de leur parentèle, même s'ils avaient personnellement choisi une autre voie. ... Dans une démocratie libérale, une personne n'a à répondre que de ses propres actes, et si des membres de sa famille ont collaboré avec la police politique, elle ne peut être poursuivie en justice à ce titre. Dresser une liste des indicateurs et des collaborateurs de la Securitate ne contribuera pas à établir davantage de clarté. Cela risque plutôt de nous détourner de ce qui est essentiel, et cette liste pourrait du reste être utilisée pour compromettre des personnes 'qui dérangent'.»
On ferait mieux d'enquêter sur les gros poissons
La proposition de Năsui est pour le moins impudente, fulmine Libertatea :
«C'est comme si la Securitate avait elle-même élaboré une loi contre les gens de la Securitate. Comment expliquer sinon la longue liste d'accusations lancées contre de petits sympathisants, contre des indics et des collaborateurs informels plus ou moins répugnants, tandis que toute la clique qui était jadis à la tête de la hiérarchie de la Securitate trône aujourd'hui sur une montagne de privilèges et de rentes spéciales ? ... Le ministre ne manque vraiment pas d'air : presque toute sa famille est l'illustration même de la bourgeoisie rouge, dont les membres se retrouvent dans le commerce extérieur et dans tous les secteurs lucratifs. ... Ce dont nous avons besoin, c'est d'un registre répertoriant les noms de ceux qui ont profité du 'capitalisme sordide' [de la transition démocratique], alors que tous ceux qui n'avaient pas de parents en haut lieu ont été les dindons de la farce.»