Mort de George Floyd : à quel verdict s'attendre ?
Le procès pour meurtre intenté contre l'ex-policier Derek Chauvin a débuté à Minneapolis. Selon le Parquet, l'accusé a maintenu son genou durant neuf minutes et 29 secondes sur le cou du citoyen afro-américain George Floyd lors d'une intervention, entraînant la mort de ce dernier. Si le tribunal suit le réquisitoire de l'accusation, Chauvin pourrait encourir jusqu'à 40 années de prison. Les éditorialistes évoquent surtout l'énorme pression publique qui pèse sur ce procès.
La procédure montrera où en est vraiment le pays
Le sort de l'Amérique se joue à Minneapolis, assure Federico Rampini, correspondant de La Repubblica à Washington :
«Ce qui est en jeu, c'est l'Etat de droit, la crédibilité de la démocratie américaine vis-à-vis de ses propres citoyens, mais aussi vis-à-vis de ses amis ou ennemis étrangers. ... La nation entière tirera des conclusions, lourdes de conséquences, du verdict final : savoir si les Afro-Américains peuvent se fier à la justice pénale de leur pays ; si les forces de l'ordre doivent répondre de leurs actes devant la loi ; si la question raciale est un mal incurable car atteignant le cœur même des institutions - un péché originel inscrit dans l'ADN des Etats-Unis.»
Des attentes impossibles à satisfaire
La pression sur le jury et le juge sera énorme, souligne Der Tagesspiegel :
«Quel verdict pourra donc apaiser une Amérique bouleversée ? 10 ans, 25 ans, 40 ans ? Chauvin doit-il être explicitement condamné pour racisme ? Si seul son recours excessif à la force est sanctionné, sera-ce trop peu ? ... Pour la communauté afro-américaine, ce procès doit établir qu'il existe aux Etats-Unis un racisme structurel et une police qui constitue davantage une menace qu'un gage de protection pour les Noirs - un objectif quasi impossible à atteindre. ... L'issue de ce procès n'est pas écrite d'avance, comme cela doit être le cas pour tout procès dans un Etat de droit. Mais la crainte qu'un aussi grand nombre de personnes soient déçues à l'énoncé du verdict a rarement été autant tangible.»
Il ne faut pas intervertir les rôles
Dans The Independent, le chroniqueur Ahmed Baba s'insurge de la ligne de défense de l'avocat de Derek Chauvin, qui consiste à discréditer la victime :
«Même si tout que ce que débitent les pires commentateurs d'extrême droite s'avérait être vrai, cela n'aurait aucune importance. Avoir des défauts ne s'expie pas par une exécution. Aucun trait de caractère ne prive une personne de son droit à la vie et à un procès équitable. Rien de ce qu'a pu faire George Floyd, ou toute autre personne noire non-armée ne justifie une exécution extra-judiciaire. Rien. ... Cette stratégie est aussi vieille que le racisme et elle est accablante.»
Un verdict déjà acté
La société a déjà condamné l'accusé, déplore le politique populiste de droite Alain Destexhe dans Causeur :
«On espère que Chauvin aura droit à un procès équitable. Son acquittement ou une condamnation pour homicide involontaire ne semble pas incompatible avec les faits, mais susciterait l'indignation d'une grande partie de l'opinion pour qui la cause est entendue. Chauvin doit-il pour autant devenir le bouc émissaire, celui qui selon la théorie de René Girard apaise la colère de la communauté et canalise la violence, en l'occurrence empêche une nouvelle flambée d'émeutes à travers les Etats-Unis ?»