France : les révélations accablantes du rapport Sauvé
Le constat est sans appel : depuis les années 1950, 330 000 enfants ont été victimes de violences sexuelles émanant de représentants de l'Eglise catholique de France. C'est le résultat de la commission d'enquête indépendante Sauvé, rendu public à l'issue de deux ans et demi de travail. Les médias disent ce qui, selon eux, doit impérativement changer après ce rapport.
It's a man's world
Les violences sexuelles sont inhérentes aux coteries masculines, analyse Público :
«L'Eglise a sombré dans un cirque de violence sexuelle. Car la violence sexuelle est l'aboutissement suprême du statu quo patriarcal et la hiérarchie de l'Eglise est un groupe fermé d'hommes, qui de surcroît se pensent investis d'une mission salvatrice (l'idée de grandeur et le narcissisme ne sont pas l'apanage des hommes politiques, ils habitent aussi les hommes de foi). Un groupe exclusivement masculin est toujours bienveillant à l'égard de la violence sexuelle, voire l'encourage. Perpétrer des violences sexuelles est le dernier bastion du pouvoir patriarcal : les hommes ont tous les droits, même celui d'envahir le corps des autres.»
Le Tchernobyl du catholicisme romain
Si elle ne se réforme pas en profondeur, l'Eglise catholique court à sa perte, met en garde Gino Hoel, auteur pour la revue catholique progressiste Golias, dans une tribune à Slate :
«Dans n'importe quelle autre institution, les dirigeants, après pareil rapport, remettraient leur démission. Nous n'en prenons pas le chemin et cela renforce le sentiment chez beaucoup de victimes de l'impunité et de l'irresponsabilité du clergé. … On peut néanmoins imaginer que d'autres rapports dans d'autres pays suivront. D'où l'urgence pour l'Eglise de se réformer profondément si elle ne veut pas être emportée par les agressions en tout genre, lesquelles apparaissent de plus en plus comme le Tchernobyl du catholicisme romain.»
Plus qu'une sortie de route, une véritable dérive
Un travail de repentance sera indispensable pour restaurer la crédibilité de l'Eglise, fait valoir le quotidien d'obédience catholique Avvenire :
«La question n'est pas de savoir comment demander pardon, mais comment expier. ... L'énormité des chiffres du dossier sur 70 ans d'abus dans l'Eglise française, rendu public hier, ne témoigne pas d'une Eglise ponctuellement sortie du droit chemin, mais d'une Eglise durablement engagée sur la mauvaise voie. La crédibilité de notre processus d'expiation exige une nouvelle donne. Nous devons éconduire les fausses vocations et exiger des candidats des preuves de probité.»
Le mea culpa ne suffit pas
The Irish Times somme l'Eglise catholique de France de réagir avec des réformes et une politique résolues :
«Le défi qui se pose désormais à l'Eglise française sera d'aller au-delà des abjects mea culpa qu'elle ressasse en boucle depuis deux jours. Elle devra mettre à la disposition des victimes les compensations recommandées par la commission Sauvé, et ce même si les crimes sont prescrits. En interne, l'Eglise doit se doter de règles rigoureuses pour le recrutement du personnel qui travaille avec les enfants ou sont en contact avec eux ; les prêtres devront suivre des cursus de protection des enfants et tout acte de pédophilie devra impérativement être reporté, que cela soit conforme au droit canonique ou non.»
Repenser le rôle de la sexualité
L'Eglise n'est pas la seule institution qui devrait se pencher sur les causes de ces abus, suggère Le Figaro :
«Depuis plusieurs années déjà, l'Église réfléchit à des réformes pour redevenir en urgence ce que le pape François a appelé une 'maison sûre' : le travail de la commission Sauvé va l'aider. Le chantier est vaste, il ne se limite pas à des mots lancés hâtivement, cléricalisme, mariage des prêtres, car la psychologie défaillante des coupables doit être étudiée bien sûr à l'aune de l'Église et de sa culture, mais aussi à celle de notre corps social, de la place que la sexualité a prise, avec son versant obscur, la pornographie.»
L'Eglise polonaise devrait en prendre de la graine
Gazeta Wyborcza commente :
«En Pologne, un rapport comme celui qui a été fait en France relève de la chimère. Une bonne mesure avait été adoptée, même si elle reste un cas isolé : la mise en place d'une commission d'enquête indépendante chargée de faire la lumière sur des exactions rapportées dans l'ordre polonais des Dominicains. Après avoir couvert pendant des années des manipulateurs et des violeurs, l'ordre s'est résolu à faire table rase en faisait appel au publiciste Tomasz Terlikowski pour les aider à constituer une équipe de spécialistes. ... Le rapport de 300 pages qui en est ressorti est un catalogue détaillé de mauvais traitements et de négligences. ... Un précédent qui prouve que les Polonais aussi, pour peu qu'ils le veuillent, sont capables de gérer ce genre de situation. Le problème, c'est l'absence de volonté en ce sens de la part des hauts responsables de l'Eglise polonaise.»