Moscou coupe les ponts avec l'OTAN
La Russie a décidé de fermer, jusqu'à nouvel ordre, sa représentation au siège de l'OTAN. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a par ailleurs annoncé la fermeture de la représentation de l'OTAN à Moscou à compter du 1er novembre. Raison invoquée par le Kremlin : la décision de l'alliance de retirer leur accréditation à des diplomates russes soupçonnés d'espionnage. L'inquiétude domine dans la presse.
Un mutisme dangereux
Silke Bigalke, correspondante de Süddeutsche Zeitung à Moscou, craint des répercussions concrètes :
«Le mutisme est particulièrement dangereux, surtout dans le domaine militaire. Les conflits diplomatiques, c'est une chose. Mais c'en est une autre quand des armées échangent via leurs canaux de communication, s'informent mutuellement des exercices prévus et calment le jeu quand un avion de combat est passé trop près de la frontière d'un pays. Car le dialogue permet d'éviter des conflits bien réels. Or il n'existe plus de canaux officiels entre l'OTAN et la Russie pour assurer ce dialogue.»
Coup de froid sur les relations avec Moscou
Jyllands-Posten n'est pas moins pessimiste :
«Si l'on connaît Poutine un tant soit peu, on ne peut escompter un retour aux temps où, après la chute du mur et la dislocation de l'Union soviétique, les relations entre la Russie et l'OTAN s'étaient lentement réchauffées. Au lieu d'exploiter les possibilités de coopération pacifique, Poutine a fait le choix résolu d'exacerber les tensions. Des tensions qui ont culminé avec l'annexion de la Crimée, la température descendant alors à son plus bas niveau. ... Avec le Kremlin, il ne faut pas mâcher ses mots. Mais la guerre froide a montré que si l'on ne veut pas complètement perdre le contrôle, il faut maintenir le dialogue. La Russie le sait elle aussi. Mais elle ne fait rien pour apaiser les tensions.»
La phobie antirusse pousse Moscou dans les bras de Pékin
Pour Radio Kommersant FM, la rupture du contact annonce un problème stratégique pour l'OTAN :
«En tant que membre le plus puissant de l'alliance nord-atlantique, Washington reconnaît actuellement que dans les décennies à venir, son principal adversaire sera la Chine. Il en découle que l'on aurait tort de causer encore plus de problèmes à Moscou, car cela ne ferait que la pousser dans les bras de Pékin. Dans l'hypothèse d'une confrontation avec la Chine, une Russie neutre serait le cas de figure idéal pour les Etats-Unis. Mais les complexes et les phobies tenaces que nourrissent envers Moscou les membres de l’alliance situés en Europe de l’Est et dans l’ex-espace soviétique font obstacle à cette stratégie. ... Tant que des Etats importants (Etats-Unis, Allemagne, France, Italie) seront obligés de composer avec les phobies de leurs partenaires juniors au sein de l'OTAN, tout dialogue entre Moscou et cette organisation restera absurde.»
L'enjeu : l'Europe de l'Est
Les accusations d'espionnage ne sont qu'un prétexte, estime Corriere del Ticino :
«Le Kremlin reproche surtout à l'alliance atlantique de vouloir étendre son influence en Ukraine et en Géorgie, que la Russie considère toujours comme son pré carré. Le moment choisi par Moscou pour couper les liens avec l'OTAN n'est pas une coïncidence : lundi, le ministre américain de la Défense, Lloyd Austin, est arrivé en Géorgie et il se rendra également en Ukraine et en Roumanie, pays riverains de la mer Noire que Moscou met sous pression. En effet, les forces aériennes et navales russes défient de plus en plus les membres de l'OTAN dans cette région. ... La présence du chef du Pentagone en Géorgie, en Ukraine et en Roumanie ces derniers jours ne peut donc qu'irriter davantage le Kremlin.»