Politique monétaire : comment réagir face à l'inflation ?
Par la voix de sa présidente, Christine Lagarde, la BCE a reconnu avoir sous-estimé la gravité de l'inflation. Mais tablant sur le ralentissement du taux d'inflation en 2022, Lagarde souhaite attendre les prévisions du mois de mars avant de réviser potentiellement la politique monétaire de l'institution de Francfort. Les éditorialistes font part de leur scepticisme.
Une complaisance déplacée
Christine Lagarde rejette trop catégoriquement l'éventualité de mesures contre l'inflation, juge Irish Examiner :
«Les chiffres de l'Office statistique irlandais montrent que les prix ont augmenté de 5,5 pour cent en décembre, soit la hausse la plus rapide depuis avril 2001. ... L'Allemagne, socle de l'économie européenne, a enregistré ce mois-ci une inflation à la consommation de 5,3 pour cent. ... Et les prix de l'énergie sont tributaires de ce qui se trame entre l'Ukraine, la Russie et l'OTAN. ... Il serait donc préférable que la BCE ne se montre pas aussi insouciante.»
Des banques centrales peu crédibles
Le Point doute de la détermination des banques centrales à lutter contre l'inflation :
«La vérité est que, au-delà des paroles de fermeté, les politiques monétaires vont rester dans les faits durablement très accommodantes, avec des taux d'intérêt réels, corrigés de l'inflation, largement négatifs. La pandémie a enterré le principe d'indépendance des banques centrales dont la mission prioritaire semble être désormais de protéger les Etats de la faillite en finançant leurs déficits plutôt que de protéger le pouvoir d'achat des citoyens en luttant contre l'inflation. Quitte, pour éviter une crise financière, à prendre le risque de provoquer une crise sociale.»
Tenir compte des spécificités de l'euro
La prudence affichée par la BCE, en dépit d'une inflation élevée, se justifie par la situation économique de la zone euro, analyse l'économiste Melvyn B. Krauss dans Le Monde :
«En faisant grimper le coût du crédit et en étouffant la reprise des pays membres surendettés comme l'Italie, l'Espagne et la Grèce, une hausse trop rapide des taux d'intérêt pourrait entraîner l'éclatement de la zone euro. Les économistes parlent de 'risque de fragmentation'. Cette fragmentation est un problème chronique pour la zone euro car, contrairement à la Fed et à la Banque d'Angleterre, toutes deux soutenues par une autorité budgétaire unique, la BCE fonctionne avec dix-neuf autorités budgétaires indépendantes.»
Elever les taux pour stabiliser les prix
S'il n'y a pas matière à paniquer, il faut néanmoins que la Banque d'Angleterre agisse, fait valoir The Times :
«Le niveau des taux d'intérêt est à un plus-bas historique. Ils n'ont pas été supérieurs à 0,75 pour cent depuis plus d'une décennie. Les relever légèrement n'impacterait pas outre mesure le service de la dette publique, ni le remboursement des prêts bancaires, mais cela permettrait d'envoyer un signal. ... L'inflation constitue de facto une taxe sur les entreprises et sur l'épargne. Le but d'une politique de lutte contre l'inflation, c'est de permettre aux consommateurs, aux entreprises et aux investisseurs de prendre des décisions à long-terme. S'ils peuvent avoir confiance dans la stabilité des prix, ils pourront éluder cette source de risques, en décidant d'acheter ou d'investir aujourd'hui ou ultérieurement.»