Politique des sanctions : qui sera le premier à céder ?
Selon des économistes de l'Université de Yale, les sanctions contre Moscou auraient énormément nui à l'économie russe. Dans le même temps, l'hiver prochain, l'UE et tout particulièrement l'Allemagne risquent de souffrir de pénuries de gaz, ce qui aurait des conséquences économiques et sociales lourdes. La presse européenne n'est pas unanime quant aux gagnants et aux perdants de cette crise.
Sans la Russie, l'UE court à la catastrophe
Le quotidien Izvestia acquis au Kremlin prévoit deux scénarios pour les mois à venir :
«Soit nous rétablissons entièrement la coopération en matière de gaz naturel, y compris la mise en service du gazoduc Nord Stream 2. La Russie et l'UE auraient toutes les deux à y gagner. Soit des pans entiers de l'industrie européenne seront privés d'une ressource essentielle à leur survie, et la population sera mise à la diète énergétique. La Russie irait au devant de sérieuses difficultés, mais l'UE foncerait tout droit vers la catastrophe sociale et économique. Il va sans dire que nous chercherons coûte que coûte à éviter la seconde option, mais nous ne pouvons pas en exclure l'éventualité.»
Des alternatives ont été trouvées
Novaïa Gazeta Evropa a la conviction que l'Europe peut très bien se passer du gaz russe :
«Premier exportateur de pétrole et de gaz européen, la Norvège s'efforce de remplacer la Russie pour rétablir l'équilibre dans l'approvisionnement en énergie de l'Europe entière. ... D'autres sources d'énergie alternatives pour produire de l'électricité verte ne doivent pas être négligées. Un protocole récemment signé entre le vice-chancelier allemand, Robert Habeck, et le Premier ministre norvégien, Jonas Gahr Støre, mise sur une nouvelle forme d'énergie : l'hydrogène. A la conclusion du contrat d'approvisionnement, Habeck a déclaré que cette collaboration marquait le coup d'envoi de la mise en place d'une infrastructure paneuropéenne de l'hydrogène comme vecteur d'énergie.»
Absolument contre-productives
Sur son blog Jinov svet, Sašo Ornik fait part de l'étonnement que lui inspirent les sanctions :
«Cette guerre des sanctions est pour le moins étrange, et on a du mal à comprendre les politiques et les hommes d'affaires occidentaux. Que font-ils au juste ? Jusqu'ici, ils se sont causé davantage de tort à eux-mêmes qu'à leur adversaire. Même attitude illogique dans la persécution des oligarques russes. Ces trente dernières années, ces oligarques ont joyeusement saigné aux quatre veines leurs pays et placé leur argent dans les centres financiers d'Occident et du Proche Orient. Aujourd'hui, ils préfèrent toutefois garder cet argent, de peur qu'il leur soit confisqué, et investir en Russie.»
Ce pragmatisme qui sauvera l'Allemagne
Le Monde tire son chapeau à l'Allemagne et à sa culture du compromis :
«S'agissant des centrales nucléaires, la décision de les prolonger, si elle est adoptée, risque de provoquer de vifs débats, notamment chez les Verts. Mais plusieurs de leurs responsables ont déjà laissé entendre qu'ils ne s'y opposeraient pas par principe. Comme sur les 100 milliards d'euros pour la Bundeswehr, le gouvernement pourrait par ailleurs compter, une fois de plus, sur le soutien de la droite conservatrice. Que ce soit sur l'énergie ou sur la défense, l'Allemagne paie cher ses erreurs passées. ... Le pragmatisme de ses dirigeants ainsi qu'une solide culture du compromis lui ont toutefois permis, depuis le début de la crise, de prendre des décisions douloureuses en évitant les surenchères démagogiques.»