Paris interdit les trottinettes électriques en libre service
Les électeurs parisiens ont massivement voté contre les trottinettes électriques en libre service dans leur ville. Les utilisateurs de ces deux-roues sont accusés d'être régulièrement à l'origine d'accidents et de "nuisances". Toutefois, seuls 7,45 pour cent des électeurs ont participé au vote. La presse européenne débat du sens et de la légitimité de l'interdiction.
Une victoire contre le capitalisme effréné
Libération analyse le résultat :
«Il montre que la démocratie est plus forte que l'argent, les opérateurs ayant tenté d'influencer le vote avec des pratiques frisant l'achat de voix. Certes, les jeunes utilisateurs de trottinettes ne se sont pas déplacés en masse, mais dans les bureaux de vote, il n'y avait pas que des vieux cons. … Depuis son élection, Anne Hidalgo a mené une politique courageuse pour réduire la place de la voiture, qui occupe 80 pour cent de l'espace public alors qu'elle ne représente plus que 20 pour cent des modes de transport. Lutter contre le développement anarchique des trottinettes s'inscrit dans la même vision : refuser le poids des lobbys et la brutalité du capitalisme. Et surtout, défendre les plus faibles : en l'occurrence, les piétons.»
Un recul démocratique et écologique
Ce référendum était inopportun, déplore Le Point :
«Selon les journalistes présents dans les bureaux de vote dimanche, ce référendum 'en présentiel' a surtout mobilisé une population âgée, très peu utilisatrice de ces services. De quoi de donner de l'eau au moulin des pourfendeurs de la gérontocratie, à savoir le gouvernement par les vieillards. … Le résultat de la votation apparaît enfin en contradiction avec la politique menée par Anne Hidalgo depuis son élection en 2014. La maire de Paris a réduit la place dévolue à la voiture et encouragé le développement des mobilités douces. Or, en convoquant aux urnes les Parisiens sur une question qu'elle savait tranchée, la socialiste se prive d'une alternative aux véhicules à moteur thermique.»
Fixer un seuil de participation
Les votations citoyennes ne sont pas la panacée, souligne El Periódico de Catalunya :
«La maire de Paris, Anne Hidalgo, souhaiterait étendre ce type de scrutin à d'autres sujets. Le résultat a été sans appel : 89 pour cent des 103 000 votants ont approuvé l'interdiction des trottinettes. ... 103 000 c'est beaucoup, mais cela ne représente que 8 pour cent de l'électorat parisien environ. ... Les référendums sont des outils controversés. Et lorsqu'ils portent sur des questions fondamentales et clivantes, ils peuvent s'avérer risqués. Le référendum écossais, qui a débouché sur le non à l'indépendance, n'a pas résolu le problème. Et une majorité de la population regrette le Brexit aujourd'hui. ... Sur des problématiques locales et réversibles, ils sont intéressants. ... Mais pour qu'ils soient efficaces, il faudrait fixer un taux de participation minimal.»
Responsabiliser les opérateurs
Der Standard se penche sur un cas similaire dans un autre pays :
«A Vienne, les trottinettes électriques représentent également une source intarissable de conflits. ... Un nombre excessif de conducteurs ne respectent pas les règles, roulent à fond de train sur les trottoirs, ou garent leur engin en plein milieu du passage. ... Durcir la loi, par exemple en interdisant le stationnement sur les trottoirs, et en appeler au bon sens des conducteurs, serait un bon début. Mais en fin de compte, ce sont les opérateurs tels que Lime et Tier qui sont en position de force. Ils disposent des moyens techniques de ralentir la vitesse des trottinettes aux endroits stratégiques. Et ils ont aussi la possibilité de gratifier les conducteurs respectueux des règles et de sanctionner les utilisateurs imprudents. Ils feraient bien de s'y mettre s'ils veulent éviter la même débâcle qu'à Paris.»
Un échec politique
Pour The Independent, la démarche référendaire privilégiée par la maire de Paris est tout à fait erronée :
«Si les trottinettes électriques énervent les Parisiens, c'est que la politique de la municipalité s'avère défaillante. Celle-ci aurait dû agir pour qu'il soit plus difficile de les abandonner, de les jeter dans les cours d'eau, ou pour empêcher les touristes de devenir des menaces ambulantes en les utilisant. La mobilité emprunte une direction claire aujourd'hui. L'automobile, une invention réellement formidable, est une menace pour la vie urbaine contemporaine. ... Ce n'est pas en posant une question simple à la population et en obtenant une réponse simple qu'on pourra résoudre des questions politiques infiniment complexes. La maire de Paris a-t-elle totalement omis de prêter attention à la politique britannique ?»