Quelles conséquences en cas d'alternance en Turquie ?
Deux jours avant les élections présidentielles et législatives turques de dimanche, la course reste très serrée entre le président sortant Recep Tayyip Erdoğan, au pouvoir depuis vingt ans, et son rival Kemal Kılıçdaroğlu. Les chroniqueurs s'interrogent sur les répercussions qu'aurait sur l'Europe une victoire dans les urnes de l'alliance d'opposition face à Erdoğan et son AKP.
Une élection tournant
Politiken espère que le candidat d'opposition l'emportera :
«Une alternance serait de bon augure pour la Turquie, mais pas que. Pour l'UE et pour le monde occidental aussi, ce serait une bonne nouvelle que les Turcs mettent Erdoğan à la porte. La Turquie cessera de bloquer l'entrée de la Suède dans l'OTAN et Kılıçdaroğlu a promis que le pays respecterait à nouveau les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. D'une manière générale, un changement de majorité contribuerait grandement à améliorer les rapports tendus de la Turquie avec l'UE et avec les Etats-Unis. Une chute d'Erdoğan serait une victoire pour la démocratie.»
Des relations qui resteront compliquées
Une défaite d'Erdoğan n'implique pas nécessairement une amélioration des relations de la Turquie avec l'Occident, rappelle Handelsblatt :
«Kemal Kılıçdaroğlu a ... déjà annoncé qu'en cas de victoire, il maintiendrait la ligne d'Erdoğan en politique extérieure. Comprendre: pas de sanctions contre la Russie et pas de ralliement au camp occidental. Il veut renvoyer au plus vite les quelque quatre millions de migrants syriens réfugiés en Turquie ; un sort auquel beaucoup préféreront un départ vers l'UE sur une embarcation de fortune. Les relations resteront donc compliquées, même en cas de changement de gouvernement. Une politique turque cohérente de la part de l'Occident, qui brille par son absence jusqu'ici, semble donc plus importante que jamais, et ce, quel que soit le nouveau dirigeant du pays.»
La promesse d'un pays transformé
Une victoire de Kılıçdaroğlu dans les urnes engagerait la Turquie dans un tournant historique, souligne De Standaard :
«S'il devait être élu, on se rendrait sans doute rapidement compte que même le vénérable Kılıçdaroğlu a des faiblesses et de mauvaises habitudes. Le fait est que la politique envisagée par le leader de l'opposition transformerait la Turquie, pour en faire un pays plus respectueux de la diversité de sa propre population, plus crédible aux yeux de l'UE et moins susceptible dans ses rapports avec elle. Ce qu'il promet n'est rien de moins qu'un véritable tournant.»
Consensus sur les réfugiés
Aktuality.sk redoute un afflux de réfugiés vers l'UE à l'issue des élections turques :
«Si les deux favoris de ce scrutin ont des avis divergents sur presque tout, il est un dossier sur lequel leurs avis convergent. Tous deux veulent renvoyer les réfugiés syriens dans leur pays au plus vite. ... Ceci suscite le mécontentement des réfugiés syriens qui, peu disposés à rentrer chez eux, vont multiplier les tentatives pour rejoindre l'UE. Si le vainqueur des présidentielles traduisait dans les faits ses annonces sur le retour des réfugiés syriens, la situation pourrait dégénérer en un exode vers l'Europe. En définitive, l'Union européenne pourrait être la grande perdante de ces élections turques.»
L'UE face à un problème
En cas d'alternance au pouvoir, la question de l'adhésion à l'UE pourrait être remise sur le tapis, explique The Irish Times :
«Ces derniers temps, le bilan de l'AKP et celui du président Erdoğan posent problème : répression politique, inflation galopante, effondrement de la lire turque et lenteur des secours après le séisme catastrophique de février. Une victoire de Kemal Kılıçdaroğlu serait dans l'ensemble accueillie positivement en Europe. Il reste cependant un risque d'émeutes dans le cas où l'AKP refuserait d'accepter le verdict des urnes. Une victoire de l'opposition pourrait en outre remettre à l'ordre du jour le sujet de l'adhésion de la Turquie à l'UE - une évolution qui ne serait pas acclamée à l'unisson par tous ses membres actuels.»