Allemagne : l'extrême droite prévoit des expulsions massives
Il est ressorti de recherches menées par le média d'investigation Correctiv que des politiques AfD, des personnalités de l'extrême-droite allemande et des entrepreneurs triés sur le volet, entre autres individus, se sont retrouvés dans un hôtel près de Potsdam en novembre 2023. A l'ordre du jour : des projets d'expulsion de millions de citoyens allemands issus de l'immigration. Bronca dans la presse européenne, toutefois rassurée par l'importante mobilisation contre l'extrême droite.
Le vrai visage de l'AfD
La dangerosité de l'AfD est révélée au grand jour, souligne Il Fatto Quotidiano :
«Des députés comme Matthias Helferich insistent de manière quasi obsessionnelle sur le concept de 'remigration'. Ils postent sur les réseaux sociaux des affiches propagandistes, générées par IA, d'une esthétique vaguement néonazie, ainsi que des topos présentant les avantages de déportations de masse - les économies potentielles au niveau des dépenses sociales ou encore la baisse des prix de l'immobilier liées à une réduction de la population. ... Les fantasmes de nettoyage ethnique de l'Allemagne diffusés par l'AfD révèlent le sombre visage du parti, placé depuis mars 2021 sous l'observation du renseignement intérieur allemand, car soupçonné de constituer une menace pour l'ordre démocratique.»
On repousse les limites de l'indicible
taz pense que c'est une grande réussite pour l'AfD et le militant d'extrême droite Martin Sellner que cette rencontre ait été dévoilée au public :
«L'écho qu'elle a eu dans la presse contribue sans le vouloir à ce que le néologisme de 'remigration' soit sur toutes les lèvres. C'est en effet le but déclaré de Martin Sellner et de Götz Kubitschek [chroniqueur proche de l'AfD] que de porter ce concept dans le débat public pour repousser les limites de l'indicible et le dédiaboliser. Ils ont réussi leur coup. ... Ce qui était jusqu'ici impensable est désormais perçu comme une idée certes extrême, mais du même coup envisageable. Les critiques sont contraints de la prendre au sérieux et d'y réagir, ce qui fait apparaître la proposition comme une éventualité concevable.»
Des ramifications qui remontent à la CDU
Gazeta Wyborcza se demande dans quelle mesure les idées de l'AfD commencent à être acceptées dans les milieux centristes :
«Avaient été conviés à cette rencontre de hauts responsables et des militants du parti d'extrême droite AfD, mais aussi des sympathisants affiliés à la CDU. La révélation a été un choc politique pour les Allemands. ... La présence de membres de la CDU ainsi que d'associations de sensibilité chrétienne-démocrate telle que la Werteunion [collectif fondé par l'aile droite de la CDU] et le Verein Deutsche Sprache [association de défense de la langue allemande] pourraient indiquer que la CDU compte dans ses rangs des éléments qui approuvent la politique migratoire propagée par l'AfD.»
La conséquence d'une opposition dysfonctionnelle
Lidové noviny explique pourquoi l'AfD exerce selon lui une influence croissante :
«A l'origine des problèmes de l'Allemagne, on trouve une opposition dysfonctionnelle depuis plusieurs années. Au cours des 16 ans passés par Angela Merkel à la tête du pays, la différence entre gouvernement et opposition s'est estompée. L'une des expressions qu'elle affectionnait le plus était 'il n'y a pas d'alternative'. A ceux qui ne voulaient pas de migrants, pas de sortie du nucléaire, pas de transition écologique, il ne restait d'autre choix que l'AfD. Même si cela impliquait de voter pour des radicaux aux tendances sinistres. ... Quelle est l'alternative désormais ? Une interdiction du parti ? Ou bien la nécessité pour les partis traditionnels de proposer de véritables alternatives au programme du gouvernement ?»
Une interdiction serait contreproductive
Interdire le parti n'est pas la solution, estime The Guardian :
«Compte tenu des obstacles juridiques élevés, cela devrait être compliqué. Chose peut-être plus importante encore, la procédure pourrait avoir un effet contreproductif, au sens où elle pourrait apporter de l'eau au moulin de la posture anti-establishment cultivée par l'AfD, qui a déjà le vent en poupe. ... L'AfD est devenue une soupape de sécurité populiste permettant d'évacuer un sentiment de crise généralisé. Pour parer le coup, la classe politique mainstream devra redoubler d'ambition et se montrer plus inventive.»
Un filon à exploiter
Le scandale pourrait porter un rude coup à l'AfD, analyse The Spectator :
«Les nouvelles de la semaine passée semblent avoir dessillé les yeux de beaucoup d'Allemands, qui se rendent compte que l'AfD est plus qu'un refuge pour des électeurs droitisant mécontents, et qu'il est aussi un parti qui a le souhait - et peut-être bientôt aussi le pouvoir - de renverser les fondements démocratiques du pays. ... Si Olaf Scholz, ou le dirigeant d'un autre parti, réussissait à tirer parti du tollé suscité en Allemagne par cette rencontre secrète, cela pourrait mettre un terme à l'inexorable ascension du parti.»