Sommet extraordinaire de l'UE : Viktor Orbán cèdera-t-il ?
La tension montre avant le sommet européen extraordinaire qui se tiendra ce jeudi. La Hongrie donnera-t-elle son feu vert au programme d'aide de 50 milliards d'euros destiné à l'Ukraine ? Budapest a indiqué avoir fixé des conditions à Bruxelles pour donner son aval. Selon un document révélé par le quotidien Financial Times, l'UE envisagerait de sévir contre la Hongrie en cas de veto, ce que Bruxelles a démenti.
Décisif
L'heure de vérité approche, écrit Corriere della Sera :
«Il s'agit du sommet de tous les enjeux, d'un moment de vérité : pour Budapest, qui, selon le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Xavier Bettel, 'doit choisir de quel côté de l'histoire se placer' ; pour les 26 autres dirigeants, appelés à décider de s'affranchir ou non du chantage du tribun hongrois ; et enfin pour le gouvernement Meloni, confronté au dilemme de choisir entre sa vocation européiste et la tentation de 'sauver le soldat Orbán', qui reste l'ami et l'allié de la droite européenne.»
Des procédés inédits
Bruxelles pourrait recourir à de nouveaux expédients face à la Hongrie, fait valoir Večernji list :
«L'activation de l'article 7 du traité sur l'UE revient à priver la Hongrie de son droit de vote au Conseil européen, et certains Etats seraient prêts à transformer cette option théorique en menace réelle, afin de contraindre Orbán à céder lors du sommet de jeudi. Il semble que ce levier pourrait être combiné à un gel de tous les fonds européens destinés à la Hongrie, ainsi qu'à la volonté de provoquer une perte de confiance des marchés et des investisseurs dans le pays d'Orbán. L'UE n'avait encore jamais recouru à de tels procédés contre un Etat membre.»
Un avenir compromis
Le quotidien Kleine Zeitung juge la situation préoccupante :
«Il est assez rare, en général, que des documents confidentiels fuitent par magie. Cela vient de se produire avec un document du secrétariat du Conseil européen, qui, subitement, s'est retrouvé relayé par le Financial Times. On peut donc flairer une certaine stratégie voulue derrière cette action. Le texte en question est un signal adressé à Viktor Orbán. ... La Hongrie a le sentiment de faire l'objet d'un chantage, mais l'UE également. Une situation peu réjouissante.»
Orbán peut toujours compter sur Fico
Hospodářské noviny, rappelant qu'Orbán peut s'appuyer sur son allié slovaque, ne croit pas que la Hongrie soit prête au compromis :
«Le Premier ministre slovaque épaule la Hongrie et torpille l'aide occidentale à l'Ukraine pour des raisons de politique intérieure. Si elle ne s'est pas encore ralliée à Orbán officiellement, la Slovaquie, dans les faits, a déjà appuyé les exigences de la Hongrie vis-à-vis de l'Ukraine. Selon des sources diplomatiques, 'Fico accroît l'incertitude quant à l'issue du sommet'. ... Si Fico épouse la cause d'Orbán, les agissements du Premier ministre hongrois resteront impunis.»
Faire barrage à la Russie
Il ne faut pas que l'UE laisse tomber l'Ukraine maintenant, fait valoir Iltalehti :
«Le soutien à l'Ukraine s'avère crucial pour la Finlande également. ... Si le soutien à l'Ukraine marquait le pas, si la cohésion de l'UE s'affaiblissait et que la partie européenne de l'OTAN négligeait de renforcer sa propre défense, alors la Russie aurait tous les atouts en main. La seule chose qui manquerait, dès lors, ce serait un nouveau président américain qui, plutôt que de s'employer à défendre le flanc Est de l'OTAN en Europe, décidait de se focaliser sur la Chine. La Russie aurait alors le champ libre pour conquérir de nouvelles sphères d'influence. La Finlande et l'UE doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher ce scénario.»
Budapest cherchera à sauver la face
Pour Radio Kommersant FM, il est probable que la Hongrie finisse par approuver les aides à l'Ukraine :
«Budapest indique clairement qu'elle se laissera convaincre mais qu'elle ne veut pas capituler - elle entend obtenir des contreparties. C'est dans ce contexte que Péter Szijjártó s'est rendu à Oujhorod [en Ukraine]. Il a appelé à des négociations dans le conflit en Ukraine et s'est dit prêt à les organiser. Le deuxième point porte sur les droits des Magyars d'Ukraine. ... A son retour, Szijjártó affirmera probablement qu'il a su s'imposer et obtenir de Kyiv des garanties supplémentaires pour cette minorité malmenée, mais aussi des engagements en vue de négociations de paix, et même des livraisons de gaz. Il pourra ainsi sauver la face et donner son accord aux aides promises par l'UE à l'Ukraine.»
L'extorqueur extorqué
Bruxelles est prête à recourir à des mesures drastiques en cas de veto hongrois, souligne Népszava, relayant les conclusions d'un rapport confidentiel :
«Si affrontement il doit y avoir, eh bien allons-y ! Voilà, en somme, ce qui ressort du document divulgué par le quotidien Financial Times. L'UE en a plein les bottes des petits jeux de la Hongrie : si lors du sommet, Viktor Orbán mettait son veto au soutien à l'Ukraine, l'UE sévirait si fortement contre notre économie, par le biais des marchés, qu'elle mettrait le pays à genoux. ... L'action du gouvernement hongrois se solde ainsi par un résultat qui paraissait inconcevable : Bruxelles veut donner une leçon à un Etat membre, et dans ce dessein, elle ne se limite plus au simple gel des fonds de cohésion. Désormais, Bruxelles entend répondre au chantage par le chantage.»
Serrer la vis
La posture de la Hongrie menace l'Europe, fait valoir Rzeczpospolita :
«La Hongrie pourrait faire sauter le front européen de soutien à l'Ukraine et ouvrir grand les portes de l'Europe à l'impérialisme russe. ... Il ne semble donc y avoir que deux issues viables pour sortir de la crise hongroise. La solution la plus préférable serait de parvenir à contraindre Orbán à changer d'avis. Mais si cette voie échoue, alors la deuxième meilleure option consiste à marginaliser le pays dans l'UE. Continuer à procéder comme on l'a fait jusque-là ne peut que mener à la catastrophe.»