France : le front républicain pourra-t-il empêcher la majorité absolue du RN ?

Le Rassemblement National (RN), parti populiste d'extrême droite, est arrivé largement en tête du premier tour des élections législatives en France, totalisant près de 33 pour cent des voix. L'alliance de gauche, le Nouveau Front Populaire (NFP), arrivée en deuxième position, et le camp Macron, arrivé en troisième position, se sont d'ores et déjà désistés dans 150 circonscriptions à triangulaires afin d'augmenter les chances de battre le RN au second tour, prévu dimanche 7 juillet.

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Krytyka Polityczna (PL) /

Des tiraillements qui profitent au RN

Krytyka Polityczna estime que la politique actuelle de Macron nuit au front républicain contre le RN :

«Depuis le début, la stratégie électorale des Macronistes a consisté à diaboliser le front de gauche et à convaincre les électeurs qu'il est aussi dangereux que le RN. ... Ce genre de déclarations a eu pour effet la démobilisation d'une partie de l'électorat de gauche, un léger renforcement du centre et un affaiblissement du front républicain dans son ensemble - l'alliance traditionnelle des partis démocratiques pour faire barrage à l'extrême droite. Ceci complique la tâche [pour l'arc républicain] de remporter les triangulaires opposant le RN, le NFP et un troisième candidat, macroniste ou républicain.»

Jornal de Notícias (PT) /

Mélenchon choque les électeurs modérés

Pour Jornal de Notícias, c'est plutôt la gauche radicale qui pose problème pour faire barrage au RN :

«Dans ce front républicain, beaucoup d'électeurs centristes et de la droite modérée pencheront davantage vers le vote pour l'extrême droite que pour une coalition qui tire vers la gauche. Mélenchon, leader de LFI, domine actuellement la gauche, ce qui ne plaît pas aux Républicains. Dans le cas de triangulaires avec Mélenchon et Le Pen, ils préfèrent donc ne pas se désister. Arrivé en troisième place, le président Macron a appelé à un 'large rassemblement clairement démocrate et républicain'. Mais il est vrai qu'avec son opposition destructrice, Mélenchon s'est attiré l'hostilité des électeurs les plus modérés.»

Les Echos (FR) /

La nécessité d'un programme et d'un dialogue ouvert

Un cordon sanitaire contre le RN ne suffira pas à rendre la France gouvernable, souligne le journal économique Les Echos :

«Pour mobiliser un électorat échaudé par les appels répétés au front républicain, il s'agit aussi d'apporter des perspectives, via l'ouverture d'un dialogue entre des hommes et femmes politiques allant, comme le préconise Edouard Philippe, 'de la gauche sociale-démocrate, écologiste et communiste à la droite libérale et conservatrice'. Mais ce n'est pas Emmanuel Macron qui pourra la faire émerger, tant le chef de l'Etat apparaît affaibli après cette dissolution risque-tout décidée en solo. S'il veut favoriser le rassemblement qu'il appelle de ses vœux, le président de la République devra commencer par s'effacer derrière les partis de gouvernement qu'il a cherché à éclipser depuis 2017

La Repubblica (IT) /

La démocratie en péril

L'arc républicain contre l'extrême droite commence à prendre forme, mais son issue reste incertaine, rappelle La Repubblica :

«L'urgence démocratique qui a gagné l'Europe se propage à la France. La victoire du parti d'extrême droite de Marine Le Pen au premier tour des législatives a amené la gauche et les démocrates centristes emmenés par Macron à appeler à un front républicain de désistement. ... Objectif : empêcher que les souverainistes europhobes et pro-Poutine ne remportent la majorité absolue à l'Assemblée nationale au second tour. Difficile à dire si le projet aboutira. D'après les premières projections, les forces de centre-gauche obtiennent ensemble cinquante pour cent des voix. Mais les aléas du système électoral à deux tours rendent toutes les prévisions hypothétiques.»

Le Figaro (FR) /

Un dilemme politique et moral

La France se trouve dans une impasse, déplore Le Figaro :

«Bien sûr, dans un scrutin à deux tours, la messe n'est jamais dite au soir du premier. Bien des choses peuvent encore advenir, et l'entre-deux-tours sera déterminant. Tout indique cependant que le cadre est fixé : la polarisation qui s'exprime à travers la multiplication vertigineuse des duels RN-LFI ou leur affrontement en triangulaire dessine à la hache un paysage politique radicalement nouveau. Il plonge les responsables publics, mais aussi les électeurs, dans les affres d'un dilemme politique et moral… C'est, au sens propre, une tragédie, où le destin, qui vous somme de choisir, ne vous offre que des mauvaises solutions.»

El País (ES) /

Tous contre l'extrême droite

El País appelle de ses vœux une large coalition contre le RN :

«La victoire du RN place les partis du soi-disant 'arc républicain' devant leurs responsabilités. Deux options se présentent à eux, s'unir ou prendre le risque de voir un gouvernement d'extrême droite arriver au pouvoir. ... Il semble heureusement qu'ils soient prêts à surmonter leurs divergences. Le président Emmanuel Macron a appelé à 'un large rassemblement clairement démocrate et républicain'. ... Le parti socialiste s'est quant à lui engagé à rassembler les voix anti-Le Pen. ... Mélenchon et d'autres partis se sont exprimés dans le même sens. ... L'enjeu exige des centristes et des conservateurs modérés qu'ils mettent de côté leurs différences et qu'ils soutiennent celui ou celle capable de battre l'extrême droite, quelle que soit son appartenance politique.»

The Spectator (GB) /

La défaite cinglante d'Emmanuel Macron

Pour The Spectator, Emmanuel Macron a perdu sur toute la ligne :

«Il a non seulement perdu le pari irréfléchi de la dissolution, mais également compromis sa carrière politique. Macron quittera la présidence comme il y est arrivé en 2017 : seul. La formation politique qu'il avait à l'époque mise sur pied en un clin d'œil et avec brio s'est effondrée. Il paie désormais le prix de son arrogance et de son mépris envers les citoyens de toutes classes. En 2017, en prétendant qu'il libérerait la France des raisons qui poussent les électeurs dans les bras de l'extrême droite, il n'a fait en réalité que renforcer ce parti, ainsi que la gauche radicale.»

Le Monde (FR) /

Un séisme qui rappelle la crise post-Brexit

Le Monde établit un parallèle entre la France aujourd'hui et la Grande-Bretagne au lendemain du référendum sur le Brexit :

«L'hostilité à l'immigration, perçue comme favorisée par l'appartenance à l'UE, a été l'un des facteurs les plus puissants du vote britannique, de même que le sentiment d'abandon lié au délitement des services publics et à la précarisation du travail. … Tout se passe comme si les huit dernières années du Royaume-Uni préfiguraient, en mode très atténué, ce qui pourrait attendre les Français après le 7 juillet : un pays déchiré, au bord de la crise de nerfs, au prestige international compromis, un bras de fer toxique avec l'UE, une instrumentalisation délétère de l'immigration et des promesses envolées alimentant les colères.»