Allemagne : hostilités et menaces

Les journalistes bénéficient en Allemagne d’un environnement de travail globalement bon. Ils sont toutefois régulièrement intimidés et pris à partie, surtout quand leurs recherches portent sur les milieux d’extrême droite ou des « Querdenker » : un mouvement qui se dit « libre penseur » né en opposition aux mesures sanitaires pendant la crise du Covid. La radio-télévision publique est financée par redevances, mais de plus en plus de journaux luttent pour leur survie. La liste des journaux qui disposent d’une rédaction individuelle complète continue de se rétrécir.

De plus en plus de médias et de journalistes sont la cible d'attaques d'extrême droite en Allemagne. Ici, le siège de la rédaction du journal régional Lausitzer Rundschau, dans la ville de Spremberg.
De plus en plus de médias et de journalistes sont la cible d'attaques d'extrême droite en Allemagne. Ici, le siège de la rédaction du journal régional Lausitzer Rundschau, dans la ville de Spremberg.
Au classement actuel de Reporters sans frontières, l’Allemagne perd huit places en 2023 par rapport à 2021, occupant le rang 21. RSF justifie cette régression par une augmentation des agressions physiques de journalistes - 80 en 2021 et 103 en 2022 – un record absolu depuis qu’on a commencé à les comptabiliser en 2013. Deux tiers des agressions environ sont survenues dans le cadre de manifestations de « Querdenker », opposés aux mesures restrictives pendant la crise du Covid. Des néonazis violents et des groupements d’extrême droite avaient régulièrement rejoint ces mouvements. Les attaques verbales et les tentatives d’intimidation de journalistes, surtout le fait de groupes d’extrême droite, continuent de poser problème.

RSF juge en outre préoccupantes pour la liberté de la presse un certain nombre de lois récemment adoptées : notamment la loi dite BND, qui autorise le service fédéral de renseignement (BND) à surveiller des journalistes étrangers à l’étranger. Jugeant la version révisée de la loi toujours insuffisante pour garantir ses droits, RSF a déposé un nouveau recours devant le Tribunal constitutionnel début 2023.

Vérification des faits et dialogue, gage de confiance

Le terme de « Lügenpresse » (presse mensongère) avait déjà été élu « non-mot » de l’année 2014 en Allemagne. Cette année 2014 qui avait vu la guerre éclater en Ukraine orientale, l’hostilité à l’égard des journalistes avait connu un regain d’agressivité dans les commentaires en ligne et le courrier des lecteurs. Avec la crise des réfugiés à partir de 2015, l’entrée au Bundestag des populistes de droite de l’AfD à l’issue des élections de septembre 2017, et dans le sillage de la pandémie du Covid-19, les critiques de la couverture des médias ont redoublé d’intensité dans certains pans de la société.

Même si des études attestent qu’une majorité des Allemands continuent de faire confiance aux médias, beaucoup de rédactions essaient de gagner la confiance du public, par exemple en proposant le factchecking (contrôle de la véracité des faits), en apportant des correctifs ultérieurs ou en intensifiant le dialogue avec les lecteurs et les spectateurs. Les journalistes se voient par ailleurs confrontés au développement sur Internet d’une opinion publique parallèle.

Coopérations en vue d’investigations grand-angle

Dans les rédactions allemandes, Internet est devenu un outil déterminant. La gratuité de l'information sur la Toile étant considérée par beaucoup comme coulant de source, la question du financement des contenus journalistiques continue de préoccuper éditeurs et journalistes. Les médias sont nombreux à avoir adopté des éditions réservées aux abonnés et fusionné les rédactions de leurs versions papier et en ligne. Journalistes et rédactions déploient des trésors de créativité : ils fondent des plateformes de financement participatif, proposent des productions cross-media, exploitent les effets de synergie des réseaux et mènent des recherches communes avec d’autres canaux de diffusion. A titre d’exemple, les chaînes publiques NDR et WDR ont publié, en collaboration avec le quotidien Süddeutsche Zeitung, le fruit de leurs enquêtes d’investigation sur le scandale des moteurs diesel truqués chez Volkswagen ou encore sur celui des Panama-Papers (2016), des Paradise Papers (2017) et des Pandora Papers (2021).

Les éditeurs essaient de compenser les pertes de bénéfices en poursuivant la concentration, ce qui donne lieu, dans certaines régions, à l’absence de toute concurrence sur le marché papier. On assiste à des suppressions de postes, à la fusion de rédactions et à un recyclage des mêmes contenus sur différents canaux. En 2022, on dénombrait en Allemagne 318 journaux à diffusion nationale et régionale, 17 hebdomadaires et trois journaux du dimanche, majoritairement privés.

Le service de radio-télévision est en partie public et en partie privé, les antennes publiques financées par la redevance et soumises au contrôle des conseils de la radiodiffusion doivent garantir un service d’information et de divertissement de base de la population. Le dernier budget en date alloué aux institutions publiques de radio-télévision se chiffrait à 8,4 milliards d’euros. Leurs activités sur Internet et sur les appareils mobiles sont critiquées par les éditeurs de presse depuis des années. Le litige sur le nombre et la nature des textes financés par la redevance que l’audiovisuel public a le droit de mettre en ligne a été réglé en 2018. Pour se démarquer des offres des groupes de presse, la radio-télévision publique est tenue de se focaliser sur les contenus vidéo et audio, y compris dans leurs offres sur Internet. Un scandale impliquant l’ancienne directrice de la station régionale berlinoise RBB et présidente de la chaîne ARD a relancé le débat sur la nécessité de réformer le système de l’audio-visuel public.


Classement pour la liberté de la presse (Reporters sans frontières) : rang 21 (2020)

Mise à jour : avril 2023
Rechercher un média

Médias de Allemagne à euro|topics

Rechercher un média