Malte : journalistes d’investigation, un métier dangereux

Après l’odieux assassinat de la journaliste d’investigation Daphne Caruana Galizia en octobre 2017, le journalisme maltais s’est trouvé sous le choc. Les révélations de la journaliste sur la corruption politique et économique lui avaient valu une renommée internationale.

Rassemblement à la mémoire de la journaliste d’investigation Daphne Caruana Galizia, victime d’un attentat à la voiture piégée, cinq ans après son assassinat, en octobre 2022. (© picture alliance / AP Photo / René Rossignaud)
Rassemblement à la mémoire de la journaliste d’investigation Daphne Caruana Galizia, victime d’un attentat à la voiture piégée, cinq ans après son assassinat, en octobre 2022. (© picture alliance / AP Photo / René Rossignaud)
Caruana Galizia enquêtait entre autres sur les implications du Premier ministre maltais Joseph Muscat et de son épouse dans les Panama Papers et les accords obscurs passés avec l’Azerbaïdjan sur un projet de centrale électrique. La pression sur Muscat était devenue telle qu’en janvier 2020, il avait été poussé à la démission.

Les lacunes dans l’élucidation de ce meurtre commandité continue d’être montrées du doigt. Si deux frères ont été condamnés à 40 années de prison chacun en octobre 2022 pour avoir exécuté la journaliste dont la tête avait été mise à prix, les véritables commanditaires n’ont pas eu à répondre de leurs actes.

Reporters sans frontières reproche au gouvernement maltais de traîner des pieds dans la mise en application des réformes recommandées pour renforcer la liberté de la presse. En janvier 2022, il avait annoncé la mise en place d’un comité d’experts des médias chargé d’analyser le paysage médiatique, d’en faire ressortir les faiblesses et de soumettre au gouvernement des propositions de projets de loi.

Au moment de son assassinat, 42 plaintes en diffamation avaient été déposées contre Daphne Caruana Galizia, ce qui en dit long sur la férocité des élites politique et économique maltaises envers les journalistes critiques.

La société maltaise souffre d’une profonde polarisation, qui se concrétise par une couverture provocatrice notamment sur les sujets clivants de l’immigration ou de l’IVG. Beaucoup de journalistes travaillant sur la corruption ou la criminalité rapportent avoir été à plusieurs reprises la cible d’hostilités ou de menaces.

A chaque milieu son média
Au regard du nombre d’habitants, Malte présente pourtant un paysage médiatique d’une incroyable diversité. On y trouve en effet un grand nombre de quotidiens et hebdomadaires, chaînes de télévision nationales, stations de radios et sites d’information.

Alors que les publications en langue anglaise ont une orientation commerciale, les journaux d’expression maltaise sont subventionnés par les deux grands partis politiques du pays. La rentabilité est moins importante que la volonté d’affirmer sa présence sur la scène médiatique.

L’influence institutionnelle s’exerce par le truchement de nombreux vecteurs : le parti Labour, au pouvoir depuis 2013, possède un hebdomadaire, une chaîne de télévision et une station radio. Le Nationalist Party, dans l’opposition, publie un quotidien. L’Eglise détient sa propre chaîne de radio ainsi qu’un portail d’informations en ligne. Le syndicat GWU s’est lui aussi doté d’un quotidien, d’un hebdomadaire et d’un site d’informations. Une diversité qui illustre une tradition : chaque milieu a ses médias, qui lui tiennent lieu de porte-voix.

Entre 1814 et 1964, Malte était sous domination britannique ; c’est ce passé qui lui vaut d’avoir l’anglais comme deuxième langue officielle, en plus du maltais. Le patrimoine colonial se ressent aussi dans les médias : la moitié de la presse écrite, deux quotidiens et cinq hebdomadaires sont publiés en anglais. Le journal qui présente le plus fort tirage depuis 1935 est le titre anglophone Times of Malta, qui tient lieu de journal de référence. Les tirages de la presse écrite maltaise sont tous en recul, tandis que les offres en ligne enregistrent une croissance rapide. En comparaison avec les autres pays membres de l’UE, Malte présente un taux d’utilisation des médias sociaux très élevé.


Classement pour la liberté de la presse (Reporters sans frontière) : rang 84 (2023)

Mise à jour : avril 2023
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