Relativisation, indifférence, désintérêt : telles furent les réactions de journalistes et d’éditeurs roumains très en vue quand des reporteurs du site d’investigation recorder.ro ont divulgués, l’an dernier, que des partis politiques versaient de copieuses sommes d’argent aux entreprises médiatiques qui les employaient.
Roumanie : qui paie le « prix du silence » ?
Corruption et auto-censure
27 pour cent des Roumains seulement jugent les médias roumains dignes de confiance. Mais cette perte de crédibilité ne date pas des récentes publications d’Expert Forum, l’érosion a commencé il y a longtemps. Lecteurs, auditeurs et téléspectateurs ne sont pas dupes, ils ressentent clairement que les rédactions suivent des consignes.
Les chaînes privées de télévision et les stations de radio sont souvent la propriété d’entrepreneurs controversés qui se servent de leurs groupes médiatiques pour faire pression sur le législateur ou pour s’arroger des avantages sur leurs concurrents. Plusieurs d’entre eux sont visés par des enquêtes pour malversation, corruption ou fraude fiscale. Certains ont déjà écopé de peines de prison.
Beaucoup de journalistes ne se révoltent plus contre la vénalité de ceux qui les financent. Sur son blog hébergé sur le site roumain de Deutsche Welle, la journaliste Sabina Fati écrit en 2022 qu’au fil des années, ils ont appris à s’auto-censurer. Ceux qui, au contraire, s’attachent à débusquer la vérité, doivent s’attendre à des intimidations et à des diffamations, comme ce fut le cas de la journaliste Emilia Șercan, après avoir révélé que plusieurs politiques au gouvernement s’étaient rendus coupables de plagiat.
Ainsi, depuis des années, journalistes et responsables de la radio-télévision publique ont peur de dénoncer ouvertement le contrôle de leur travail par la politique, faillant ainsi à leur devoir d’indépendance dans la couverture de l’actualité.
Un paradis pour la télévision
La télévision est le média préféré du pays, qui compte plus de 550 chaînes. Les plus importantes sont Pro TV, Antena 1 et Digi 24. Les stations de radio de prédilection des Roumains sont Radio Europa FM et Radio România. A en croire les enquêtes d’opinion auprès des auditeurs, ce sont aussi les plus dignes de confiance. Si la télévision continue de vivre rondement des recettes publicitaires - sans parler des pots-de-vin que leurs versent les partis – la presse écrite pour sa part est en chute libre. Tous les journaux imprimés enregistrent depuis des années une chute dramatique de leur tirage. Ceci vaut pour les quotidiens, comme Libertatea ou Adevărul, pour le journal à sensation à forte distribution Click, mais aussi pour le journal sportif Gazeta Sporturilor ou encore le journal financier Ziarul Financiar. S’ils jouent encore un rôle dans le paysage médiatique ou sur le marché publicitaire, ils le doivent à leurs sites Internet, généralement gratuits.
Il existe toutefois des équipes de rédaction indépendantes, notamment recorder.ro, g4media.ro ou riseproject.ro, qui font un véritable travail de journalisme d’information et d’investigation. Ils tâchent de joindre les deux bouts grâce aux dons et aux recettes publicitaires. Ils refusent catégoriquement les enveloppes de partis de gouvernement.
Classement pour la liberté de la presse (reporters sans frontières) : Rang 56 (2022)
Mise à jour : avril 2023