Pologne : adoption de la loi controversée sur les médias
Le président polonais a signé jeudi la loi controversée sur les médias adoptée par le gouvernement national-conservateur PiS. La semaine prochaine, la Commission tiendra un débat sur la situation de l'Etat de droit dans le pays. Si certains commentateurs voient dans les critiques bruxelloises un complot des élites européennes, d'autres réclament la création d'une grande alliance occidentale pour ramener Varsovie à la raison.
Pourquoi l'UE juge la Pologne 'autoritaire'
Alarmée par l'influence croissante du gouvernement national-conservateur du PiS sur les médias et la justice, la Commission européenne veut examiner si l'Etat de droit est menacé en Pologne. Pour le quotidien roumain Evenimentul Zilei, ce projet est une attaque perfide : "Le PiS est un parti eurosceptique, mais pro-américain. ... C'est la raison pour laquelle Bruxelles veut compromettre le parti en le qualifiant d''autoritaire'. Les dirigeants de l'UE s'inquiètent de ce que le nouveau pouvoir à Varsovie contribue à élargir le fossé entre l'Est et l'Ouest au sein de l'UE. Ils souhaitent que [le parti battu] Plate-forme civique (PO) garde une part du pouvoir. L'influence du PO sur les institutions européennes et la presse du continent est énorme. Sans oublier que le très 'civique' Donald Tusk préside le Conseil européen. ... Par conséquent, les mauvaises langues de la presse européenne clament que la Pologne s'oriente vers une dictature."
La nécessité d'un front occidental
Le nouveau gouvernement polonais ne lèvera le pied que lorsque les critiques émaneront d'une grande alliance occidentale, assure le chroniqueur Timothy Garton Ash dans le quotidien de centre-gauche The Guardian : "Si nous laissons cette tâche à Bruxelles et aux Allemands, il sera très facile pour les pro-Kaczyński d'affirmer que Bruxelles donne ses ordres à la Pologne, comme le faisait jadis le Kremlin, et de jouer sur un ressentiment germanophobe latent. Il est nécessaire que les alliés traditionnels de la Pologne se fassent entendre eux aussi : historiquement, il s'agit entre autres de la France (la Pologne est l'unique pays à ma connaissance à faire une référence positive à Napoléon dans son hymne national), mais aussi et surtout des Etats-Unis. Car la Pologne se prépare à accueillir un important sommet de l'OTAN cet été et réclame la création d'une base permanente de l'organisation sur son territoire."
L'UE ne peut discipliner Varsovie
La ratification de la loi controversée sur les médias par le président Andrzej Duda scelle l'atteinte polonaise à la liberté des médias et l'UE ne peut rien y faire, déplore le quotidien libéral Jutarnji list : "Si la Pologne avait encore le statut de candidat, les négociations d'adhésion seraient vraisemblablement suspendues provisoirement au motif du non-respect des valeurs fondamentales européennes. Mais face à un membre à part entière, l'Union européenne ne dispose que de peu d'instruments de sanctions, pour ne pas dire aucun. C'est aussi le sens sans équivoque des propos tenus hier par le président de la Commission, Jean-Claude Juncker. Au lieu d'exprimer ses critiques, il a préféré faire profil bas et indiquer qu'il ne fallait pas dramatiser la question. La Pologne a donc toute latitude pour introduire les mécanismes qui lui permettront selon elle de restaurer les valeurs catholiques polonaises originelles, prétendument menacées par l'idéologie de la gauche libérale."