La Suède veut expulser des dizaines de milliers de migrants
La Suède a déclaré vouloir expulser presque la moitié de tous les demandeurs d'asile arrivés sur son territoire l'an dernier. Le gouvernement a annoncé qu'entre 60.000 et 80.000 néo-arrivants devraient quitter le pays. Pour les commentateurs européens, cette décision émet un signal fort.
L'Europe devient un archipel de ghettos
La politique d’expulsion menée par la Suède atteste des menaces qui pèsent sur les démocraties européennes, déplore le quotidien de centre-gauche la Repubblica :
«Face à la crise migratoire d’un côté et la menace terroriste de l’autre, le futur de l’UE n’est pas le seul motif d’inquiétude aujourd’hui. ... On savait déjà, en effet, que cette entité n’était qu’une coquille vide, dépourvue d’âme et d’orgueil, bien avant le double défi qui se présente désormais à elle. Ce qui est remis en cause aujourd’hui, c’est le caractère même de nos démocraties, sans exception. Plus précisément, ce qu’il adviendra des valeurs de liberté et de tolérance ancrées dans nos constitutions et fièrement exhibées au monde comme un modèle de civilisation. La pulsion xénophobe, particulièrement présente entre la Baltique et la mer Noire, gagne aujourd’hui les deux principales démocraties continentales : la France et l’Allemagne. Dans toute l’Europe prédomine désormais la pratique de l’expulsion des migrants, suivant une dynamique rigoureuse Nord-Sud. L’UE risque de se transformer en archipel de ghettos, aussi isolés qu’hostiles.»
Les dirigeants allemands et suédois n'ont plus qu'à jeter l'éponge
Sous la pression de l’opinion, l’Allemagne et la Suède, pays initialement favorables à l’accueil des réfugiés, commencent à se raviser, constate le rédacteur en chef du quotidien libéral Mláda fronta Dnes, Jaroslav Plesl, qui ne cache pas sa satisfaction :
«L’Allemagne offre le spectacle d'une classe politique complètement déboussolée, qui se cramponne au pouvoir avec les dernières forces qui lui restent. S’agissant de la chancelière, la seule question qui subsiste est celle de sa relève. … Quant aux Suédois, eux aussi sont revenus de leur grande naïveté. Le gouvernement a réagi à une situation absolument intenable et explosive sur le plan social. … Les élites politiques de ces pays se sont fourvoyées et tôt ou tard, elles devront démissionner. Contrairement à la majorité des dirigeants politiques des PECO, qui ont su évaluer les risques et la gravité de la situation, réagir de manière appropriée, et résister à la pression de dirigeants contre lesquels s’insurgent aujourd’hui les populations concernés.»
Les expulsions : une entreprise délicate
Le projet du gouvernement socialiste-écologiste sera difficile à mettre en œuvre, et ce pour plusieurs raisons, analyse le quotidien Expressen :
«Les déboutés seront fortement tentés de rester clandestinement en Suède, c’est pourquoi la mise en application des expulsions nécessitera une coercition. … Où trouvera-t-on les policiers pour escorter à bord des avions de rapatriement, en soutien au personnel navigant, ceux qui opposeront une résistance à leur expulsion ? Sur ces 80 000 personnes, il suffit qu’une infime minorité se montre violente pour compromettre le projet. Il faut envisager bien plus de mesures : il est déconcertant que la Suède n’ait pas conclu d’accords de reprise avec l'Afghanistan, pays qui perçoit la plus grande part de l’aide au développement alloué par notre pays. Un levier d’action que notre gouvernement pourrait enclencher. Les tribunaux ont eux aussi besoin de davantage de personnel. Le gouvernement doit définir une politique cohérente.»