Après le vote sur le Brexit, quelle évolution pour l'UE ?
Après le vote sur le Brexit, on ne sait toujours pas quand débuteront les négociations officielles de sortie ni quelle sera la nature des nouveaux rapports entre la Grande-Bretagne et l'UE. La presse propose des pistes de réflexion pour une refonte de l'Europe.
Après le Brexit, l'UE doit se recentrer sur l'essentiel, d'après Tahar Ben Jelloun
Après le Brexit, l’Europe doit se réinventer en se débarrassant de ce qui l'entrave inutilement, écrit l’écrivain Tahar Ben Jelloun dans Ouest-France :
«Ce départ n'est peut-être pas une si mauvaise nouvelle qu'on le dit. Ce serait même une bonne opportunité pour que l'Europe se ressaisisse et se réinvente sur des bases solides et cohérentes. La famille devrait suivre un régime d'amaigrissement… Des pays ont rejoint le noyau dur et n'ont pas su le consolider ni l'enrichir. Au contraire, certains se sont vite alignés sur la politique américaine, comme la Pologne. D'autres ont fermé leurs frontières face à la détresse des migrants, contribuant ainsi à malmener l'âme de l'Europe, ses valeurs, ses principes. Revenir à l'essentiel, bannir la bureaucratie, en finir avec le gaspillage, la langue de bois et les discours non suivis d'effets. L'Europe est une nécessité, surtout si elle se refait une beauté dans le miroir de l'exigence et de la réalité tout en restant modeste et concrète.»
L'UE n'a nullement besoin de se réinventer, par Peter Sloterdijk
Au lendemain du Brexit, de nombreux politiques européens ont appelé à réformer l’UE. Dans une tribune au journal Handelsblatt, le philosophe Peter Sloterdijk rejette cette demande :
«Ce que nous appelons 'Europe' est depuis plus d’un demi-siècle un processus qui est devenu en grande partie autonome, qui s’est affranchi des volontés exprimées par ses membres et des sautes d’humeur de ceux-ci. C’est la force même de l’Europe que de former un système de coopération fondé sur le partage d’avantages objectifs et de valeurs communes, sans se laisser influencer par les turbulences et les humeurs du moment. Cette Europe régie par des processus poursuivra la voie que lui trace le système, quoi que les 'nouveaux fondateurs' et d’autres rêveurs puissent dire de sa désunion en matière de finance, d'immigration, de sécurité ou sur d'autres questions. … La force de l’Europe réside dans la résistance aux humeurs de ses institutions. Dans l'histoire, l’UE est après l’Eglise catholique la première institution capable de résister au populisme.»
Des droits sociaux maximum pour tous les Européens
Si l’Europe veut subsister en tant que communauté, il est impératif d'harmoniser les standards de protection sociale disparates existant dans les différent pays européens, préconise Dnevnik :
«Le fond du problème n'est pas le dilemme entre, d’une part, ceux qui veulent moins d’Europe et davantage de compétences rétrocédées aux Etats et, d’autre part, ceux qui veulent davantage d’Europe avec des institutions supranationales. Un peu plus d’imagination serait profitable au projet de nouvelle Europe. Si l’on veut préserver l’unité européenne, il faut en faire une communauté unie. Il est nécessaire d’uniformiser les directives sur les salaires et de définir des planchers minimaux pour le système de santé publique ainsi que des droits sociaux maximum à l’échelle du continent. On distingue au moins deux Europe. Dans l’une, les citoyens bénéficient de droits sociaux en plus du travail ; dans l’autre, ils ont perdu et les droits sociaux et le travail. Il est extrêmement simple d’assurer la cohésion de l’Europe. Il faut rendre l’Europe de l’Est attirante pour les travailleurs venant de l’Europe de l'Ouest.»
Plus aucun pays ne voudra de l'euro
Après le Brexit et après les déboires de la Grèce l'année dernière, l'élargissement de la zone euro risque de marquer le pas, écrit Večernji list :
«Il y a un an, la BCE avait empêché les citoyens, les travailleurs et les retraités grecs de retirer leur épargne personnelle de leurs comptes privés, jusqu'à ce que le gouvernement hellénique accepte les réformes réclamées par la Commission européenne. ... Aucun peuple ne peut accepter pareil chantage. Les peuples européens ont accepté l'Union monétaire car celle-ci leur garantissait une protection contre les chantages et les attaques, un apport équitable en liquidités et la libre circulation des flux monétaires. Cette promesse a été grossièrement bafouée il y a un an, et après la Grèce et le Brexit, il est peu probable que l'un des huit Etats non-membres de l'UEM veuille prendre place sur l’échafaud de l'euro.»
La nécessité de partis paneuropéens
Seule l'émergence de partis européens transnationaux pourra garantir la survie de l'UE. C'est l'un des enseignement du vote sur le Brexit, affirme le militant pro-européen Niccolo Milanese dans The Independent :
«Le caractère apolitique de la Commission européenne est allé en grandissant. L'institution peut mener des procédures juridiques mais elle ne peut intervenir dans le débat public afin de s'engager pour l'Europe et ses citoyens. Ce rôle devrait bien entendu revenir au Parlement européen, mais celui-ci est paralysé par des partis politiques artificiels, qui ne sont pas réellement européens - il s'agit d'assemblages plus ou moins cohérents de partis nationaux. Le Parlement européen, dans sa conception, est donc bien loin des personnes qu'il est censé représenter. ... Il ne devrait pas y avoir un seul parti, ou un seul leader, parlant pour l'Europe - il devrait y en avoir plusieurs. ... De véritables partis transeuropéens, à la hauteur des citoyens européens qu'ils représentent.»
L'UE va-t-elle devenir une simple union commerciale ?
Les rapports entre l'UE et la Grande-Bretagne après le Brexit seront déterminants pour l'avenir de l'Union, selon Večernji list :
«La question de savoir comment se déroulera la séparation de la Grande-Bretagne de l'UE sera déterminante, notamment pour la survie de l'UE. La question-clé est la suivante : la Grande-Bretagne négociera-t-elle un accord commercial judicieux et bénéfique ? Si elle réussit dans cette entreprise, ce serait la fin du projet européen, né sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale. Si elle réussit dans cette entreprise, il ne fait aucun doute que d'autres Etats membres riches et développés voudront suivre cet exemple. Le cas échéant, l'UE passerait du statut d'une union politique, garante des libertés fondamentales et du principe d'une solidarité européenne, à celui d'une simple union commerciale.»
L'Europe de l'Est a le vent en poupe
Dans une UE sans Grande-Bretagne, une importance accrue reviendra aux PECO, assure l’ex-Premier ministre hongrois János Martonyi dans l’hebdomadaire Heti Válasz :
«Le centre de gravité du processus d’intégration européenne se déportera vers l’Est, et l’importance géopolitique et économique de l’Europe centrale est appelée à augmenter. C’est un processus qui ne date pas d’hier : la réunification allemande, le choix de Berlin comme nouvelle capitale de l’Allemagne, la réunification de l’Europe de l’Ouest et de l’Europe de l’Est, l'accélération de la croissance économique en Europe de l’Est, l’importance accrue de l’Europe de l’Est en matière de politique de sécurité. Comme souvent, la question clé porte sur l’Allemagne, la 'conditio Germaniae'. Suite au Brexit, en raison de facteurs économiques et sécuritaires, l’Allemagne doit davantage se tourner vers l’Europe centrale. Il semblerait que la politique allemande en ait conscience.»
La Roumanie doit monter au créneau
Le président Klaus Iohannis a appelé les partis à engager un débat sur l’attitude que le pays doit adopter face à la décision du Brexit. La Roumanie devrait dire haut et fort l’importance qu’elle accorde à l’UE, exige le journaliste Ion Ionita dans Adevărul :
«Le pays devrait rapidement prendre parti dans le débat sur les réformes de l'UE - un débat qui a commencé juste après le Brexit avec la rencontre des six Etats fondateurs de la Communauté. Jusqu’à présent, la Roumanie s’est tenue timidement en retrait des grands débats européens, elle ne s’est pas prononcée sur l’avenir de l’UE. Ni sur sa volonté de faire partie ou non de la zone euro. Elle s’est surtout signalée par son suivisme. Il faut que cette attitude change. L’idée d’une Europe à deux vitesses nous convient-elle ? Si la réponse est non, que faut-il faire pour intégrer le premier groupe ?… Il est temps d’agir.»
L'intégration européenne est possible sans les Britanniques
Lors du premier sommet européen consécutif au vote sur le Brexit, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE se sont montrés unis et résolus, écrit Adelina Marini sur son blog. Elle y voit une source d'espoir pour l'avenir :
«L'UE maintiendra le cap. On continuera de parler d'une Europe 'à plusieurs vitesses', il y aura toujours des drames, des crises et des divisions - au Nord et au Sud, à l'Est et à l'Ouest, inédits ou non. Le point positif, c'est que le Brexit a permis à l'UE de se remémorer l'objectif originel de sa fondation et de prendre la mesure des enjeux actuels. La rencontre des 28 et 29 juin restera dans l'histoire comme le premier sommet lors duquel l'UE a été, pour la première fois peut-être, réellement et inconditionnellement unie. L'UE poursuivra son chemin, par petites avancées timides et incertaines, jusqu'à ce que les différences économiques et sociales entre les Etats membres se soient estompées. Dès lors, elle pourra avoir un pas plus rapide et plus assuré. »
Le Brexit pourrait briser l'unité de Visegrád
Sur la question de la réorganisation de l'UE, l’unité tant évoquée ces dernières années des quatre Etats de Visegrád (V4) - Pologne, Tchéquie, Slovaquie et Hongrie - pourrait aller à vau-l’eau, souligne le quotidien Magyar Nemzet :
«Alors qu’au lendemain du Brexit, l’Europe doit se redéfinir intégralement, les gouvernements de Pologne et de Hongrie essaient de tirer un capital politique de l’insatisfaction croissante à travers l’Europe : ils appellent à une Union d’Etats souverains et condamnent la toute-puissance de Bruxelles. … Pendant ce temps, Prague essaie de désamorcer ce climat de guerre en entonnant un discours plus constructif. … Les lignes de faille entre les Etats de Visegrád ne s’ouvriront réellement que le jour où ils devront se positionner dans le cadre d’une UE à deux vitesses. Ce jour-là, l’unité du V4 sera gravement fracturée, car la Slovaquie, en tant que membre de la zone euro, insistera pour faire partie du noyau dur de l’Europe.»
Une lutte commune contre l'immigration
Après le référendum sur le Brexit, l'Europe doit clairement faire valoir les avantages de l'adhésion à l'UE, préconise Berlingske :
«Les chefs d'Etat et de gouvernement doivent maintenant trouver des réponses aux problèmes que rencontrent les populations. Il faut freiner l'afflux de migrants en provenance d'Afrique du Nord. Si on ne le fait pas, l'Autriche fermera tôt au tard le col du Brenner et l'Italie s'effondrera. Il faut empêcher que les travailleurs immigrés ne puissent percevoir des prestations sociales dans les semaines suivant leur arrivée. La collaboration au sein de la zone euro devra être soumise à une révision. ... La réponse à donner à ces défis doit être collective, car ils sont internationaux et ne peuvent être efficacement résolus par un seul Etat-nation. C'est précisément la raison pour laquelle leur résolution doit permettre de montrer aux populations que l'on est plus fort au sein d'une communauté.»
Ne pas céder à la colère
Dans une lettre ouverte envoyée à l'Europe, The Guardian espère la coopération la plus constructive possible entre la Grande-Bretagne et l'UE :
«Vous pensiez que le pragmatisme britannique triompherait, et nous sommes tout aussi bouleversés que vous. Aussi tentant que cela puisse être, ne nous reniez pas complètement. Beaucoup de Britanniques cherchent désormais à assurer un partenariat le plus proche possible avec l’Union Européenne, et il est plus urgent que jamais de poursuivre la coopération par tous les moyens possibles. … Le Royaume-Uni ne peut pas s’attendre à frapper immédiatement à la porte qu’elle vient de claquer. Cela serait dangereux politiquement pour elle, et demanderait beaucoup de générosité de votre part. Mais tous ceux qui font face au Brexit avec réticence espèrent qu’un jour ils pourront réintégrer le club. S’il-vous-plaît, faisons-nous nos adieux dans la douleur, et non dans la colère ; et pour notre intérêt à tous, ne verrouillez pas la porte à double tour.»
Engager un tournant social et écologique
Après le vote sur le Brexit, l’Europe est appelée à se transformer complétement, préconisent les économistes Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak sur leur blog hébergé par le site Mediapart :
«Il faut changer l’Europe, en repenser en profondeur tant le cadre institutionnel que les politiques menées. Selon nous, cela demande en priorité un tournant vers une autre politique tournée vers le plein emploi, la réduction concertée des déséquilibres entre pays, une mise en cause de la domination de la finance sur l’économie, une politique industrielle active organisant la transition écologique, l’harmonisation vers le haut des systèmes sociaux nationaux, une harmonisation fiscale mettant fin à l’évasion fiscale des plus riches et des firmes multinationales, enfin une démocratisation des institutions nationales et européennes redonnant des pouvoirs aux peuples au détriment des technocraties nationales et européennes. Ce n’est que dans ce cadre que des progrès institutionnels pourront être réalisés et acceptés par les peuples.»
La Haye doit soutenir Berlin
Après la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE, les Pays-Bas devraient se ranger du côté de l’Allemagne pour contrebalancer l'hégémonie française, analyse l’ex-commissaire européen libéral-conservateur Frits Bolkestein dans De Volkskrant :
«La Grande-Bretagne a toujours constitué un contrepoids à l’axe Paris-Berlin, ce qui était également dans l’intérêt des Pays-Bas. Les Français n’aiment pas la concurrence, et il s'agit d'un sentiment pluriséculaire. Il existait déjà avant Jean-Jacques Rousseau. La libre concurrence, c’est la loi de la jungle. Elle court-circuite l’Etat, ce qui est inacceptable aux yeux des Français. Les Allemands ne partagent pas ce sentiment, mais ils sont moins ouverts au marché que nous le sommes aux Pays-Bas. En cas de controverse avec les Français, les Allemands plient toujours. Les Pays-Bas doivent désormais se ranger du côté des Allemands et les appuyer, afin que ceux-ci résistent à la pression française. Dans ce nouveau défi, nous serons soutenus par les Scandinaves et les Baltes, mais pas par les pays méditerranéens.»
Dans l'UE, il y a la place pour deux Europe
Après le vote en faveur du Brexit, il faut permettre une Europe à deux vitesses, réclame le diplomate Antonio Armellini dans le quotidien Corriere della Sera :
«Le concept d’un approfondissement de l’intégration ne vaut que pour certains Etats membres, pas pour tous, comme vient de le montrer le référendum britannique. Il serait absurde désormais de parler d’une communauté qui poursuive uniformément le même objectif. Il est temps de reconnaître qu’il existe deux Europe au sein de l’UE : une Europe qui aspire à poursuivre l’intégration politique (celle de l’ex-commissaire européen Altiero Spinelli), et une Europe qui lorgne sur l’économie et le marché unique (celle de Margaret Thatcher). Une Europe avec un penchant supranational d’un côté, et une Europe éminemment intergouvernementale de l’autre. Deux entités distinctes mais perméables, parallèles mais non conflictuelles. … Reconnaître une telle réalité impliquerait de procéder à la tâche épineuse de revoir un certain nombre de traités, mais après ce qui vient de se passer, cela paraît inévitable.»
Le libre-échange est indispensable à la croissance
L’UE doit être à tout prix renforcer le libre-échange pour préserver la paix et la prospérité et endiguer le nationalisme, exige l’économiste Lars Christensen dans une tribune au quotidien conservateur Dziennik Gazeta Prawna :
«La libre circulation des marchandises, des capitaux et du travail est une grande réussite de l’UE. Se détourner de ces acquis aurait une influence extrêmement néfaste sur tous les Européens – tout autant sur ceux qui font partie de l’UE que sur ceux qui n’en sont pas membres. C’est pourquoi il est crucial d’empêcher que le nationalisme et le protectionnisme ne l’emportent à nouveau. C’est le seul moyen de préserver la paix et la prospérité en Europe. Il est notoire que le nationalisme est une conséquence de la stagnation, consécutive à la crise de 2008. C’est pourquoi les forces libérales et démocrates doivent aujourd’hui s’unifier et forger ensemble un programme de croissance. Le libre-échange et les réformes économiques doivent en constituer le noyau dur.»
Pour une Europe des Etats-nations
Après le vote en faveur du Brexit, l’économiste Charles Wyplosz appelle dans Le Temps à abolir la libre circulation des personnes, entre autres mesures, pour sauver l’UE :
«Revenir sur cette liberté serait un déchirement, souvent perçu comme un retour en arrière, voire un reniement. Pourtant, les barbelés ont déjà poussé un peu partout et les accords de Schengen sont 'suspendus'. Au-delà de cet exemple, il existe beaucoup de sujets qui fâchent, sinon les gouvernements, du moins les électeurs. Bien souvent d’ailleurs, les gouvernements utilisent cyniquement l’Europe comme un moyen de se faire forcer la main pour adopter des mesures qu’ils savent impopulaires. Renationaliser ces sujets serait pour beaucoup une révision déchirante, mais une Europe plus modeste dans ses attributions et dans ses ambitions a peut-être plus de chance de survie que la version actuelle. Qui sait, la Grande-Bretagne n’aurait plus besoin de sortir.»
Retrouver la dimension morale de l'Europe
Ce dont l’Europe a besoin aujourd'hui pour se relancer, c’est d'un engagement social et moral, réclame Rafael Company i Mateo, directeur du Museu Valencià de la Illustració i de la Modernitat, dans El Huffington Post :
«Comment être favorable à l’intégration alors que le racisme se généralise partout et qu’il devient normal de voir l’extrême droite siéger au Parlement ? La réponse n’est pas simple, mais nous devons développer cette dimension, qui, par simple pragmatisme, a été moins développée que la dimension économique. L’Europe comme une construction sociale, comme un oui résolu en faveur de la liberté, où le bien-être social n'est pas réduit au rôle d’emballage superflu. Il faut que notre génération défende l’héritage des ces hommes et de ces femmes européistes et refonde l’Union européenne. De nouveaux langages, de nouveaux compromis, de nouveaux défis moraux et économiques. De nouveaux leaders, de grâce ! … L’européisme repose sur deux piliers : l’économie et la morale. Il ne saurait exister sans l’un des deux.»
Cameron humilié par les dirigeants de l'UE
Dans Diário de Notícias, Bernardo Pires de Lima désapprouve l’acharnement des responsables de l’UE envers la Grande-Bretagne :
«Jusqu’à ce que les négociations de sortie soient achevées, la Grande-Bretagne reste un membre de l’UE à part entière. … Or le chef de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, le président du Parlement européen Martin Schulz et le président du Conseil, Donald Tusk traitent d’ores et déjà la Grande-Bretagne en paria de l’Europe, et ils rivalisent de déclarations débridées. Ce faisant, le président de la Commission oublie sa responsabilité de gardien des traités. L’humiliation infligée au Premier ministre britannique Cameron ne peut signifier qu’une chose : ils veulent que ce référendum ait force exécutoire, qu'il soit irréversible et la pire des blessures que l’UE ait jamais connue de son histoire. C’est une erreur patente. L’histoire a montré que les référendums n’étaient pas inexorablement irréversibles et qu’il existe des possibilités de négocier les statuts sans compromettre l’appartenance à l’UE.»
De grâce, pas de 'super-Etat' européen !
Au lendemain du référendum sur le Brexit, les ministres allemand et français des Affaires étrangères ont appelé de leurs vœux une intensification de la coopération au sein de l’UE. Gość Niedzielny fulmine :
«Sans laisser aux émotions suscitées par le résultat du référendum britannique le temps de se décanter, voici déjà que l’Allemagne et la France lancent un ultimatum aux autres Etats : la création d’un 'super-Etat', doté d’un gouvernement, d’une armée, de services secrets uniformes et d’une politique commune en matière de visas. Il faut accepter, sinon c'est 'Auf Wiedersehen' et 'Au revoir'. Il s’avère que ce document, qui définit les grandes lignes des Etats-Unis d’Europe, doit avoir été rédigé bien avant le référendum. … On a du mal à le comprendre, mais il semblerait que les élites de l’UE n’aient tiré aucun enseignement du scrutin britannique. On a l’impression que les dirigeants, à Bruxelles, en Allemagne et en France, n’attendaient que le Brexit pour se débarrasser d’un Etat membre opposé à la poursuite de l’intégration.»
L'UE doit devenir plus sociale
Le Brexit doit être pour l’UE l’occasion d’évoluer dans de nombreux domaines, exige Pravda :
«Si l’Union veut sortir renforcée de cette crise, elle doit saisir ce moment pour embrasser des visions politiques courageuses. Nous avons besoin d’une UE qui relève le niveau de vie et le niveau des droits de l’homme. Alors que le capital est multinational, la politique ne peut s’épuiser au niveau local. … L’Union doit améliorer les droits des travailleurs, réduire les disparités salariales, améliorer les conditions de travail, uniformiser les systèmes sociaux et aligner les retraites sur les salaires. Il est inadmissible que les investisseurs internationaux exigent des subventions mais ne paient pratiquement pas d’impôts et ne versent que de faibles salaires. Nous avons un choix à faire : soit nous abandonnons l’UE à l'insécurité - dans laquelle un membre après l’autre succombera aux discours fallacieux des populistes - soit nous transformons l’UE à l’avantage de tous.»
Sans les Britanniques, les Baltes sont esseulés
Le Brexit pose un problème de sécurité aux Etats baltes, explique Neatkarīgā :
«L’agression russe en Ukraine ne sera plus la priorité des intérêts européens, car toutes les ressources seront consacrées à la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE. Même les sanctions économiques prises contre la Russie, prolongées juste avant l’organisation du référendum et dont les Britanniques étaient le principal soutien, pourraient être assouplies dès l’automne prochain. … L'économie russe est en crise, en raison des sanctions européennes, mais aussi de la chute des prix du pétrole et du gaz, qui continueront de baisser après le Brexit. … Si les choses se poursuivent ainsi et que la Russie ne parvient pas à résoudre ses problèmes, le pays pourrait bientôt se remettre à la recherche d’un nouvel ennemi, afin de détourner l'attention de la situation. Moscou s’est déjà servi à plusieurs reprises des Etats baltes dans sa volonté de se trouver des ennemis extérieurs. … Le terrain est fertile aujourd’hui, et la graine pourrait germer.»
Le Brexit doit être rapidement mis en œuvre
L’UE et la Grande-Bretagne doivent entamer le plus rapidement possible les négociations sur la mise en œuvre du Brexit, assène Die Presse :
«Le départ de la Grande-Bretagne constitue un précédent dangereux pour l’Union. L’UE doit tenir la dragée haute aux Britanniques, car si même après une sortie, ils ont la garantie de privilèges et de conditions préférentielles, cela poussera d’autres Etats membres à se bousculer vers la sortie. C’est pourquoi il faut que le Brexit coûte cher à la Grande-Bretagne. Pourtant, l’idée de vouloir 'faire un exemple' en sanctionnant la deuxième économie d'Europe est le produit d’une illusion, de la colère et de l’aveuglement. L’UE se tirerait une balle dans le pied en agissant de la sorte. Il faut réfléchir à tête reposée pour parvenir à un compromis équilibré. Pour éviter trop de terre brûlée, les négociations devraient commencer bientôt. Il incombe au successeur de Cameron de les mener, si possible avant l’automne. L’heure est venue pour Boris Johnson de sortir de l’ombre et d’assumer ses responsabilités.»
Proposer le Bremain aux Britanniques
L’UE devrait tendre la main aux Britanniques, qui sont manifestement pris de court par le Brexit, prône Berlingske :
«Le chaos qui caractérise le débat national quant à la marche à suivre après le choc du vote favorable au 'Leave' montre que le camp du Brexit ne sait absolument pas que faire de cette victoire. … Toute une série de gouvernements - en tout premier lieu le grand pays qu’est la France - font face au sérieux problème de l'euroscepticisme dans leur population. Quand la fumée se sera quelque peu dissipée et que les esprits auront retrouvé le calme, il serait judicieux d’envisager de renoncer à la confrontation avec les Britanniques et de leur tendre la main, en leur proposant un nouvel accord qui leur permette de rester dans le giron européen. Dans cette optique, on peut envisager des promesses de changements concrets au niveau de la coopération, qui aillent dans le sens des critiques et soient applicables dans tous les pays. Cette option impliquerait bien sûr que les Britanniques retournent aux urnes.»
L'UE se regroupera autour d'un noyau dur
La perspective d’une "Europe à deux vitesses" est inévitable, redoute l’hebdomadaire Revista 22 :
«Nous connaîtrons dans l’avenir proche une institutionnalisation du noyau dur de l’Europe, lequel sera doté d’un Parlement, d’une politique budgétaire et financière commune, et d’un 'super-ministère' des Finances. Cette région sera vraisemblablement composée des six Etats fondateurs, auxquels s’associeront l’Autriche, la Finlande, le Danemark, la Suède et la Slovénie. Les pays du groupe de Visegrád [Hongrie, Tchéquie, Slovaquie, Pologne] feront office d’antichambre, dont l'incorporation s'effectuera dès que les données économiques le permettront. Le rôle d’institutions comme la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) se développera considérablement afin de piloter les programmes censés réduire l’écart entre les marges et le centre de l’UE. … Les conséquences du Brexit seront donc plus perceptibles à la périphérie de l’Union, dans des Etats faiblement développés comme la Roumanie et la Bulgarie.»
L'Europe doit être à l'écoute des peuples
Le juriste Etienne Dujardin énumère dans Le Vif/L'Express les mesures qui s’imposent pour réorganiser l’UE :
«Le citoyen n'est pas contre l'Europe, mais désire une autre Europe : une Europe qui protège tant sur le plan économique, social, que sur le plan migratoire et qui n'a pas peur de défendre ses racines et son identité. Une Europe qui donne du souffle sur le plan culturel, qui casse les barrières en matière d'enseignement, qui additionne les énergies sur le volet du développement et de la recherche. … Les Anglais ont envoyé un dernier coup de semonce. Le projet européen peut être sauvé, mais il doit changer de gouvernance et ne pas oublier qu'il est là pour les peuples. Si cette crise peut apporter un véritable changement, le projet européen pourra être préservé et en sortira certainement renforcé.»
Museler les puissants
La survie du projet politique européen passe par la démocratisation de l’UE, selon le quotidien catholique Avvenire :
«Il s’agit d’un projet politique certainement propre à la tradition de la démocratie occidentale, mais limité uniquement à certaines des composantes de cette dernière. … Or cette étroite coalition politique ne dispose pas d'une base sociale suffisamment large : ce projet hégémonique ne parvient pas à inclure les perdants de la mondialisation et n’offre une reconnaissance qu’à ceux qui ont adopté pleinement ses valeurs radicales. … Pour l’Europe, la seule façon de sortir de la crise passe par la restructuration et l’élargissement d’un projet hégémonique qui, s’il n’est pas autoritaire, présente certains aspects obscurs et invasifs. Il convient de se montrer plus ouvert vis-à-vis des différences nationales, en considérant les patriotismes locaux comme une richesse et non comme une menace, et en valorisant l’apport des grands courants idéologiques et intellectuels qui ont façonné l’Europe.»
Paris pourrait devenir un nouveau centre financier
Pour garantir la prospérité de l'économie, il est indispensable que les établissements financiers européens quittent la City de Londres et reviennent sur le continent, souligne l’économiste et essayiste Edouard Tétreau dans Les Echos :
«L'Europe continentale ne pourra pas exister comme marché efficient, comme économie prospère et ensemble de nations souveraines, si elle consent à se financer off-shore comme un mafieux. Le centre financier des Etats-Unis est à New York, pas à Nassau (Bahamas). De même, la nouvelle Union européenne se donnera les moyens de relocaliser son centre financier sur son territoire. Pas dans les parages de MM. Boris Johnson et Nigel Farage. Dans cette relocalisation, la France, l'Italie et l'Allemagne, avec Paris, Milan et Francfort, ont une carte exceptionnelle à jouer. Il va revenir à Valérie Pécresse, à Anne Hidalgo et à un futur président de la République en 2017 qui, lui, 'aimera la finance' et les emplois à forte valeur ajoutée, à Paris plutôt qu'à Londres, de créer les conditions fiscales pour une telle relocalisation.»
L'Allemagne veut redonner sens à l'Europe
L'Allemagne devrait être le moteur qui donne un nouveau souffle à l'UE, demande la radio publique Deutschlandfunk :
«Berlin, fait notable, prend activement en main l'avenir de l'Europe, sans perdre de temps et en essayant de prévenir d'éventuelles discordances trop criantes. La rencontre revêt une grande force symbolique : les représentants des Etats fondateurs des organisations qui ont précédé l'Union européenne concluent dans le jardin de la villa Borsig [à Berlin] à une résolution commune faisant état d'une Europe à différents niveaux d'ambitions. C'est l'aveu que cette UE doit continuer à évoluer à des vitesses et à intensités différentes, mais nullement unie. Et c'est en quelque sorte l'aveu que l'Allemagne est plus encline que beaucoup d'autres pays à chercher à redonner sens à l'Europe.»
Berlin doit prendre les devants dans un esprit européen
Naftemporiki appelle l’Allemagne à jouer un rôle central dans la construction de l’UE de demain :
«Les Européens sont nombreux à croire que leur voix est sans valeur, que dans les institutions européennes, personne n’assume de responsabilités, et que l’UE n’existe que pour servir les intérêts de l’élite et de la bureaucratie bruxelloise. Peut-on voir une chance dans cette crise ? La tâche d’administrer l’ère post-Brexit incombe aux grands de l’UE, en tout premier lieu à l’Allemagne. Or continuer sur la voie d’une 'germanisation' de l’Union, guidée par des obsessions monétaires monolithiques, entraînera la dissolution de l’UE. … Au contraire, la démocratisation de l’UE et l’'européanisation' de l’Allemagne sont les maîtres mots si l'on veut mettre fin au séparatisme par le biais de l’Union politique ; cette approche engendrera de nouvelles impulsions qui nourriront la vision de l’intégration européenne.»
Une Union affaiblie vis-à-vis de Moscou
Les conséquences géopolitiques du Brexit, notamment la position future de l'UE vis-à-vis de la Russie, inquiète Gazeta Polska Codziennie :
«Le Brexit est une très mauvaise nouvelle pour la Pologne, car parmi les quatre Etats majeurs de l'UE, l'Etat qui quitte la communauté est justement celui dont le regard sur Moscou a toujours été le plus réaliste, tandis que l'Allemagne, la France et l'Italie détournaient plutôt le regard. Il est sûr et certain que le départ de Londres affaiblira la position de l'UE face aux Etats-Unis, à la Chine et surtout la Russie. L'UE renouvellera sans doute en cours de semaine les sanctions à l'encontre de Moscou. Mais conséquence pratique du Brexit, cette décision sera la dernière de ce genre. A partir du mois de janvier 2017, de telles sanctions ne seront sans doute plus prononcées, mais plus probablement suspendues ou restreintes.»
Implémenter la sortie dans les meilleurs délais
Les deux camps britanniques, celui favorable à la sortie comme celui favorable au maintien dans l’Union, manquent de figures responsables, critique l’eurodéputée ADLE Sylvie Goulard dans Le Point :
«Présenter Boris Johnson, ancien élève du prestigieux collège d’Eton, comme un candidat anti-establishment relève de la gageure. Louer le génie de Cameron qui a été jusqu’à donner aux membres de son gouvernement la liberté de le torpiller revient à confondre leadership et manque de cohérence. Et ils continuent. Depuis la publication des résultats, les vainqueurs jouent avec l’idée de ne "pas se précipiter" (Johnson). David Cameron a annoncé qu’il n’entend pas, de son côté, déclencher immédiatement la procédure de sortie prévue à l’article 50 du traité UE, traitant ses partenaires comme une quantité négligeable. Réalisent-ils combien cette attitude désinvolte est éloignée du sens des responsabilités et du respect de la parole donnée qu’on pourrait attendre d’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU ?»
Ne pas précipiter la Grande-Bretagne vers la sortie
En prônant un Brexit rapide, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et le président du Parlement européen Martin Schulz ont versé de l'huile sur le feu, critique The Independent :
«Ce n'est pas un coup habile de la part de l'UE, dont l'un des problèmes majeurs est un déficit en matière de démocratie - non seulement envers les Britanniques, mais envers les citoyens de tous les Etats membres. Une telle attitude face à l'expression d'une opinion démocratique relève de la folie. Toute tentative d'intimidation est plus à même d'encourager des ressentiments antieuropéens dans d'autres pays de l'UE que de les diminuer. La Grande-Bretagne, quel que soit son choix sur le Brexit, doit rester en bons termes avec ses voisins européens. Mais l'UE a tout autant intérêt à garder les meilleures relations possibles avec ce grand Etat riche situé devant ses côtes. Juncker et Schulz devraient lever le pied.»
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