Les raisons du non au référendum de Renzi
Les électeurs jeunes et habitant le Sud de l'Italie ont majoritairement rejeté la réforme constitutionnelle de Renzi. Certains commentateurs évoquent une occasion manquée pour les Italiens. D'autres imputent la responsabilité de ce fiasco à un Premier ministre qui a surévalué ses chances de réussite.
Les politiques européens manquent d'intuition
Renzi et sa surestimation de soi sont caractéristiques d’un type de politique très répandu en Europe à notre époque, souligne le politologue Valentin Naumescu sur le portail Contributors :
«L’intuition est un élément important du talent, de la compétence et de la valeur de tout leader politique, que ce soit au niveau national ou européen. Avant d’agir, on serait bien avisé de définir l’opportunité, les modalités et le calendrier de son action. On n’appuie pas sans discernement sur n’importe quelle touche, juste pour voir ce qui va se passer. Autant Renzi que [l’ex-Premier ministre britannique David] Cameron ont montré leur piètre sens de l’intuition politique. … L’un comme l’autre, ils n’auraient jamais organisé leur référendum s’ils en avaient connu l’issue. Il en résulte que tous les leaders qui tablaient sur le soutien de leurs électeurs et sur la gloire qu’ils tireraient de leur victoire corroborent l’impression que l'actuelle génération de politiques européens est autiste.»
Renzi a perdu la mesure des choses
Le résultat du référendum en Italie montre que le Premier ministre Renzi s'est trompé sur toute la ligne dans sa perception du pays, analyse De Groene Amsterdammer :
«Dans un délire égoïste qui aura duré presque trois ans, Matteo Renzi a perdu le contact avec son pays et ses habitants. Il se croyait dans une Italie imaginaire. Le Premier ministre non élu n'avait de cesse de saluer des succès qui n'existaient pas. Car les conditions de vie des gens ne se sont pas améliorées. Ni le chômage ni les impôts n'ont baissé. Au contraire. ... D'où la sédition d'un peuple réduit à l'esclavage. ... Dans la partie méridionale du pays, 81 pour cent des chômeurs âgés de 18 à 34 ans ont dit non. Une région dans laquelle les organisations mafieuses sont les seules pourvoyeuses d'emplois. ... Pas une seule fois Renzi n'a prononcé le mot de mafia, bien que la moitié de la péninsule italique, longue de 2 000 km, soit noyautée par ces réseaux criminels. »
Une simplification qui a été fatidique à Renzi
Le Premier ministre italien est la victime de sa propre stratégie, analyse La Repubblica :
«La simplification absolue de la politique a été comme une nouvelle langue inventée par Renzi après la fin des idéologies - la distinction entre les camps de droite et de gauche. Au moment où la simplification avait atteint sa forme extrême, à savoir la logique propre au référendum - la réduction du discours politique à un choix entre oui et non - elle s’est cabrée avant de se débarrasser de son cavalier. … Car elle a déclenché une simplification comparable dans le camp adverse, mais sur un mode bien plus radical et plus extrême. … Le front du non a même présenté la réforme comme une tentative de coup d’Etat, d’acte d’autoritarisme. ... Cette mise en scène de Renzi en monstre a fait de lui l’ennemi du peuple et de la démocratie, le fils naturel de Berlusconi ; il est pourtant indiscutable que si le Premier ministre a tous les défaut du monde, il n’a pas une seule des anomalies du Cavaliere.»
Le Premier ministre victime de ses propres erreurs
Malgré quelques erreurs de parcours, Renzi peut se targuer d’un bilan honorable, salue El País :
«Renzi a commis un certain nombre d’erreurs. Premièrement, une réforme constitutionnelle ne saurait être présentée comme un projet personnel, elle doit au contraire s’appuyer sur un large consensus. … Le pire c'est qu’au début, il avait présenté le référendum comme un genre de vote sur sa personne. Il ne lui a été d’aucun secours de revenir sur cette déclaration par la suite. Troisièmement, il ne faut pas confondre réforme constitutionnelle et modification de la loi électorale - ce dont l’Italie a le plus besoin. Renzi a malgré tout obtenu 40,89 pour cent des voix. Dans d’autres circonstances, cela aurait été jugé un résultat méritant.»
Les Italiens ont freiné les réformes
Le Premier ministre Matteo Renzi a beau être un politique habile, il s’est fourvoyé sur la question du référendum, écrit Dnevnik :
«Il a milité en tant que politique qui voulait renouveler le Parti démocrate (PD) en termes de personnel et remplacer l’ancienne garde par une équipe 30 ans plus jeune. Il a introduit dans la législation du travail des changements néolibéraux que Berlusconi n’aurait jamais osé proposer. Il s’est attelé à des réformes radicales du système politique, qui auraient remplacé un système parlementaire lent et sclérosé par davantage d'indépendance pour le gouvernement, doublée d’une concentration du pouvoir entre les mains du Premier ministre. Il voulait passer pour un politique résolu qui introduit des changements rapides et radicaux. Mais à Rome, il y a encore le Vatican. Les Italiens n’aiment pas les changements rapides et dramatiques. Ces 20 dernières années, les changements ont toujours entraîné une dégradation du niveau de vie.»