Schulz peut-il mener le SPD à la victoire ?
Le SPD a officiellement désigné dimanche Martin Schulz candidat aux législatives du mois de septembre, où celui-ci affrontera Angela Merkel. Selon les premiers sondages, Schulz a fait progresser son parti de trois points dans les intentions de vote (24 pour cent) - dans l'hypothèse d'une élection directe du chancelier, l’ex-président du Parlement européen recueillerait même 41 pour cent des suffrages, soit autant que Merkel. L’occasion pour la presse d’évaluer les chances de succès de Schulz.
Les carences de Schulz bientôt visibles
La satisfaction du SPD après la nomination de Martin Schulz pourrait être de courte durée, commente Der Standard :
«Les louanges adressées à Schulz montrent combien ce parti jadis si fier avait besoin d’un porteur d’espoir. Après avoir été pendant trois ans le partenaire mineur de la coalition de la chancelière Angela Merkel, le SPD est découragé, car il ne décolle toujours pas dans les sondages. Et voilà qu’arrive Martin Schulz – et si la CDU et le SPD ne se retrouvent pas subitement au coude à coude dans les sondages, le candidat du SPD progresse dans les enquêtes évoquant le scénario fictif d'une élection directe. … Mais une fois l’enthousiasme retombé et la routine installée, les faiblesses se feront jour : le fait, par exemple, que Schulz ne peut prendre la parole au Bundestag, et le fait également qu’il incarne une Europe honnie. Les contours de la politique qu’il entend mener au niveau fédéral restent flous. 'Saint Martin' sera bientôt amené à sortir de son chapeau quelques éléments concrets de son programme électoral.»
Un nouveau visage ne suffit pas
Un simple changement de responsable à la tête du parti ne suffira pas à impulser un nouveau départ au SPD, selon Pravda :
«Schulz essaie peut-être de jouer les mêmes accords que Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne ou Bernie Sanders aux Etats-Unis. En plus de Benoît Hamon, qui a remporté les primaires de la gauche française, ce serait une bonne nouvelle pour l’Europe. Mais Schulz n’est ni Corbyn, ni Sanders, ni Hamon. Il n’incarne pas l’aile gauche du SPD mais son courant dominant. … Pour que le SPD redevienne une alternative, il faudra davantage qu’un simple nouveau visage. Le parti a joué les complices à un moment où le pays est certes devenu champion du monde des exportations, mais où les Allemands ont aussi davantage ressenti les injustices sociales. Veut-il vraiment se libérer de cet héritage, revitaliser cette vision surannée ? Ou bien seulement obtenir un meilleur résultat électoral ? Il est difficile de croire à la première option.»
Un adversaire coriace pour Merkel
Schulz est un adversaire sérieux pour Angela Merkel et la CDU, pense en revanche Lidové noviny :
«Celles-ci étaient conscientes des faiblesses du prédécesseur de Schulz, Sigmar Gabriel. En tant que vice-chancelier, celui-ci devait par ailleurs faire preuve de loyauté envers Merkel. Schulz en revanche, de par sa position extragouvernementale et extraparlementaire, peut mener la lutte contre Merkel. … Très apprécié par les membres du SPD, il est perçu comme un authentique social-démocrate. Celui qui était jusque-là le président du Parlement européen a toujours clairement pris ses distances d’une politique d'austérité budgétaire essentiellement associée à Merkel, en Allemagne comme dans les Etats endettés de la zone euro. Schulz y voit un cap néolibéral et il a à plusieurs reprises défendu ostensiblement les Grecs, par exemple, face à l’application de cette politique – s’opposant ainsi clairement à Berlin.»
Deux personnalités de haut vol
Avec Martin Schultz et Angela Merkel, la campagne électorale allemande sera dominée par deux politiques de qualité, dont la carrure fait trop souvent défaut en Europe aujourd'hui, lit-on dans El País :
«Martin Schulz, qui sera l’adversaire d’Angela Merkel aux législatives, est un politique énergique, qui se démarque des cadres du SPD participant actuellement à la grande coalition. Il était peu impliqué jusque-là dans la politique de son pays, car il a choisi ces 20 dernières années de se consacrer à sa carrière internationale. … Vu l’actuel délitement de l’Europe, force est de constater que le pays dispose de deux personnages en mesure d’occuper pleinement la scène politique. Certes, il s’agit de l’Allemagne ; certes, nombreux sont ceux qui craignent une Europe dominée par l’Allemagne ; mais alors que d’autres s'effacent - on peut évoquer les déchirements politiques français, les difficultés italiennes, le rôle modeste joué par l'Espagne et la discrétion de la Commission - il est préférable que quelqu’un prenne les choses en main.»
Un candidat qui a des atouts en main
Candidat sans passif au niveau national et Européen convaincu, Martin Schulz est un bon choix pour le SPD, se réjouit taz :
«Le SPD ne suit pas la vieille logique qui consiste à choisir la figure de proue la plus en vue. Il ne tombe pas dans le schéma Clinton et envoie dans la course un nouveau candidat. Contrairement à Angela Merkel, Sigmar Gabriel, Cem Özdemir et Kathrin Göring-Eckardt [têtes de liste des Verts], Martin Schulz n’est pas un dinosaure de la politique allemande. Il a au moins une petite chance de devenir chancelier, parce qu’il est bien moins impliqué dans la grande coalition que les personnes qui en sont les protagonistes. Martin Schulz a à son actif une biographie percutante qui lui confère une grande aura : il s’est sorti de l’alcoolisme pour devenir maire de Würselen avant de gravir les échelons jusqu’à la présidence du Parlement. Il reste la seule personne qui ait acquis une certaine notoriété à ce poste. Dans la première année du mandat de Trump, les convictions de Martin Schulz le mèneront inexorablement à faire campagne pour une Europe ouverte. C’est déjà beaucoup.»
Des chances infimes, mais pourquoi ne pas tenter ?
Si la renonciation de Sigmar Gabriel est un grand soulagement, elle ne garantit nullement la réussite du SPD, analyse Der Standard :
«Gabriel, qui détient derrière Willy Brandt le record de longévité à la fonction de premier secrétaire du parti, rend son tablier et préfère passer au ministère des Affaires étrangères car au bout de huit ans, il n’a pas réussi à sortir le parti de l’ornière. Une décision qui se comprend, car comment en effet aurait-il pu expliquer aux gens qu’il avait une véritable chance de devenir chancelier ? Compte tenu des alternatives qui se présentent, Schulz est un bon candidat parce qu’il est populaire, il sait faire campagne, il vient de Bruxelles, de l’extérieur, et ne faisait pas partie du cabinet d’Angela Merkel ces dernières années. Il peut donc la contester avec davantage de crédibilité. Au demeurant, Schulz se situant plutôt dans l’aile conservatrice du parti, une alliance SPD-die Linke-Verts est difficilement concevable sous sa houlette. Son entrée en lice n'en apporte pas moins un vent nouveau, selon la devise : même si tes chances sont extrêmement ténues, lance-toi.»
Autres opinions