Le World Press Photo fait-il le jeu des terroristes ?
La photo du policier qui a tué l’ambassadeur russe à Ankara a été désignée photo de l’année au World Press Photo 2017. Le photographe turc Burhan Özbilici, de l’agence de presse AP, s’est vu décerner le prix prestigieux. Certains médias déplorent un choix douteux, jugeant que l’image fait l'apologie du terrorisme. D’autres estiment que cette photo démythifie au contraire la mise en scène de la violence.
Un choix douteux
Pohjalainen ne parvient pas à comprendre la décision du jury :
«Le tireur a encore le pistolet en main et il montre le ciel de son index. Derrière lui gît le corps sans vie de l’ambassadeur. La photographie, lauréate du concours World Press Photo, est abjecte - on ne peut que s’étonner du fait qu’elle ait été désignée meilleure photo de presse de l’année. Bien entendu, cette image documente notre époque, dans laquelle le terrorisme et les attentats commis par des groupes radicaux sont devenus monnaie courante. Elle a été vue par des millions de personnes sur Internet. Si nous y voyons un terroriste fanatique et une victime impuissante, certains y verront en revanche un héros.»
La déconstruction d'une mise en scène
Cette image ne peut servir de propagande aux terroristes et elle contribue en outre à dénoncer la glorification de la violence :
«Nombreux sont ceux qui ont vu autre chose dans la pose prise par l'assassin : glamour, réminiscences cinématographiques (de John Travolta dans Saturday Night Fever à Pulp Fiction en passant par Men in Black) - ce qui est intolérable dans un contexte aussi tragique. Si l’on ne savait pas que le corps gisant à terre est réellement celui d’une personne qui vient d’être assassinée, l’invraisemblable netteté et luminosité de la scène pourrait alors faire penser une quelconque mise en scène postmoderne, à une performance artistique. Mais n’est-ce pas précisément ce qu’a été cet assassinat, un show sanglant ? Le policier homicide a planifié son attaque sur une scène déjà préparée médiatiquement, celle de l’inauguration - ce qui n’est pas fortuit - d’une exposition photographique, à Ankara. Cette photo n’invente pas la 'glamourisation' de la violence terroriste - elle la raconte, au contraire, pour mieux la dénoncer et la démasquer.»