Pas de réconciliation après les élections en Irlande du Nord ?
Aux élections régionales en Irlande du Nord, le parti unioniste protestant DUP est à nouveau devenu la première force du pays, juste devant les nationalistes catholiques du Sinn Féin. La coalition formée par les deux partis s'était délitée en janvier en raison d'un scandale autour de la chef de file du DUP. En vertu des accords de paix de 1998, les deux formations sont néanmoins tenues de former un gouvernement afin de soutenir le processus de paix. Les camps religieux sont-ils une nouvelle fois en train de s'éloigner l'un de l'autre en Irlande du Nord ?
Les réflexes partisans subsistent
Le DUP, pourtant ébranlé par un scandale, n'a pas vraiment perdu de voix, tandis que le Sinn Féin progresse. Un constat qui montre bien combien les fronts sont figés entre protestants et catholiques, déplore The Irish Times :
«Le scrutin en Irlande du Nord n'a rien apporté. Il n'a fait que montrer une fois de plus que les institutions et la culture politique sont bloquées dans l'impasse des réflexes ethno-religieux. Ce n'est pas juste que les électeurs restent malheureusement fidèles à leurs partis nationaux respectifs - ce soutien s'avère même de plus en plus infaillible. La dynamique spécifique au sein des communautés empêche la moindre prise de responsabilité en interne. L'unionisme et ses électeurs sont mus par le désir de triompher à tout prix du Sinn Féin. Ils ne sont visiblement pas en mesure de mettre de l'ordre dans leur propre camp.»
La fin des camps ethno-religieux
Pour sa part, taz tire des conclusions positives du résultat électoral :
«Pour la première fois, certains signaux permettent de penser, prudemment, que les lignes de partage entre catholiques-nationalistes et protestants-unionistes sont en train de s'estomper. Le Democratic and Labour Party (SDLP) et l'Ulster Unionist Party (UUP), qui dominaient récemment encore la vie politique nord-irlandaise, avaient respectivement appelé les électeurs de certaines circonscriptions à donner leur seconde voix à l'autre parti, afin de renforcer les groupes modérés au Parlement régional. Ceci a plus ou moins bien fonctionné. Peu d'électeurs ont suivi cet appel, mais ils ont fait la différence dans certaines circonscriptions, de telle sorte que le DUP [protestant] y a perdu des sièges. Autre élément positif : le fait que le DUP n'ait pas obtenu les 30 sièges nécessaires pour pouvoir faire valoir un veto. Désormais, l'Irlande du Nord pourrait théoriquement entrer pleinement dans le XXIe siècle, et par exemple légaliser les unions homosexuelles ou l'avortement - ce que le DUP avait rejeté jusque-là.»
La réunification de l'Irlande devient une alternative
Les problèmes internes que connaissent les unionistes pro-Londres et la perspective prochaine du Brexit pourraient pousser de nombreux Nord-Irlandais à se détourner de Londres et à regarder vers Dublin, pressent The Times :
«L'unionisme est en crise. Sa solidarité et la base de son pouvoir s'érodent, tandis que les nationalistes irlandais assistent tranquillement au spectacle. Les électeurs nord-irlandais ont sorti la tête des tranchées et cherchent des alternatives. Le gouvernement britannique leur fait des promesses superficielles, mais ne leur garantit pas que la sortie de l'UE, du marché commun et vraisemblablement de l'union douanière ne se soldera pas par la restauration d'une frontière réelle entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, pour empêcher la libre circulation des services et des marchandises. L'alternative évidente, dans ce cas, c'est une stricte limitation des voyageurs en provenance d'Irlande ou d'Irlande du Nord, ce qui favoriserait le sentiment d'appartenance.»