Les négociations chypriotes peuvent-elles aboutir ?
Sous l’égide de l’ONU, Chypriotes grecs et Chypriotes turcs négocient à nouveau dans la station suisse de Crans-Montana. Les médias des pays concernés examinent les probabilités de réussite de ce sommet qui sera peut-être celui de la dernière chance pour la réunification de l’île.
Faire prévaloir l’intérêt général
Anastasiades et Akıncı devraient se soucier davantage de l'avenir de Chypre que de leur carrière politique, rappelle Hürriyet Daily News :
«Les parties ne se sont mises d'accord sur aucun des points essentiels. Et dès les années 1970, le mantra des négociations portant sur Chypre était le suivant : 'soit l'on trouve un accord sur tous les points, soit il n'y a pas d'accord du tout'. ... Tout compromis atteint lors de cette dernière étape des négociations aura sans doute un impact sur l'avenir politique des deux chefs d'Etat chypriotes, notamment en vue de l'élection présidentielle prévue du côté grec en février 2018. Mais les deux dirigeants devraient garder à l'esprit que sans véritable compromis, aucun avenir commun n'est envisageable sur l'île. Toute solution réelle sera impopulaire dans les deux camps et risque de miner les positions de leader d'Anastasiades et d'Akıncı. Mais ce sont les décisions de cette envergure qui forgent les véritables leaders. »
La déloyauté du camp grec
Havadis dénonce la fourberie d'Anastasiades :
«L'enlisement du début [des négociations] a été débloqué par un ensemble d'approches proposées par le secrétaire général de l'ONU António Guterres. ... Mais dès que celui-ci quitte Crans-Montana, le camp grec se remet à hésiter. ... Se sentant subitement libre, Anastasiades a voulu revenir en arrière. Les Chypriotes grecs ont soumis des documents qui ne remplissaient pas les critères du secrétaire général. ... Pourtant, on les avait seulement priés de reprendre certains passages. ... Hier, Anastasiades est entré en scène en accusant le camp turc de ne pas respecter les critères imposés par le secrétaire général. C'est une forme de projection, un jeu consistant à renvoyer sa propre faute sur les autres. Sa méthode habituelle.»
Expulser les Turcs de Chypre
Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Çavuşoğlu a déclaré cette semaine qu'Ankara ne retirerait pas ses troupes stationnées depuis 1974 dans la partie Nord de Chypre. Une solution pacifique du conflit est impossible, estime To Vima :
«Les Turcs ne quitteront jamais Chypre. Le seul moyen possible est qu'ils partent comme ils sont venus : en les expulsant par le recours à la violence militaire. Les moyens politiques et pacifiques n'y parviendront jamais. Il faut se rendre à l'évidence. Et ceci n'implique pas de signer une 'solution' qui légitime l'occupation et renforce les puissances garantes. Il n'y a qu'une seule issue : convaincre les alliés de la Grèce et de Chypre, et surtout les entreprises qui investissent dans les ressources naturelles, qu'aucune solution n'est possible en collaborant avec la Turquie.»
Le modèle fédéral ne fonctionne pas
La question de la répartition des compétences est la principale pomme de discorde, selon T24 :
«Quel droit de vote, et pour quelle partie, une fois Chypre réunie sous le statut de fédération ? ... Les Turcs réclament une participation active, mais les deux camps sont profondément divisés quant à la forme que celle-ci doit prendre. Du point de vue turc, les deux camps, réunis au sein d'un même Etat binational, devront toujours être associés au processus décisionnel. Les Grecs le refusent, car cela voudrait dire que la partie la moins peuplée administrerait de facto la partie la plus peuplée. ... Il convient de comprendre enfin ce que ne cessent de nous révéler les négociations infructueuses depuis 1974 : il est impossible de réunir Chypriotes grecs et Chypriotes turcs dans un régime fédéral. Il faut trouver une formule qui repose sur le statu quo.»
Anastassiadis doit faire des concessions
The Cyprus Mail appelle le président chypriote Nikos Anastassiadis à produire un véritable compromis :
«Bien entendu, c'est beaucoup demander que de réclamer la signature d'un compromis appelé à susciter moult résistance. Mais Anastassiadis doit réfléchir à ce que signifierait l'éventualité de ne parvenir à aucun accord : les négociations s'achèveraient et l'ONU jugerait que le conflit chypriote est insoluble. Le moment est venu pour le président de se clarifier l'esprit, de renoncer aux petits jeux stratégiques et aux effets de communication, et d'employer toute son énergie à l'obtention d'un accord qui garantisse un avenir sûr, pacifique et prospère au pays.»
La Turquie doit rester une puissance garante
Il ne peut y avoir d'accord avec Ankara si le statut de "puissance garante" n'est pas assurée à la Turquie, souligne Hürriyet Daily News :
«Mettre fin au système des garanties établies en 1960 n'aurait quasiment aucun effet sur la Grèce et sur les intérêts britanniques, mais ceci aurait des conséquences graves pour la Turquie. Le maintien de la garantie turque constitue pour la sécurité des Chypriotes turcs la condition indispensable à un accord. ... Tous les aspects du problème chypriote sont interdépendants : répartition des pouvoirs, rotation de la présidence, prérogatives de la police, compétences des tribunaux, taille du territoire turc, question de la propriété et restriction du retour des Chypriotes grecs dans la partie Nord - tout cela est indissociable de la question sécuritaire.»
Nicosie doit hausser le ton face à Ankara
Dans Cyprus Weekly, Levon Arakelian, avocat et ex-conseiller du gouvernement chypriote, croit que la ligne d'Ankara bougerait si Nicosie se montrait plus incisive :
«Peut-on faire quelque chose pour que la Turquie renonce à son calcul stratégique ? Je crois que oui. La Turquie pense actuellement qu'elle se trouve dans une situation 'gagnant-gagnant'. ... La direction chypriote grecque devrait signifier à la Turquie que si le problème chypriote persiste, elle s'efforcera de dissoudre l'Etat chypriote et d'intégrer les territoires contrôlés par le gouvernement au sein d'une grande puissance, au lieu de se contenter d'assister à la transformation de sa patrie en un simple satellite turc. Il faut montrer à la Turquie qu'un 'scénario perdant' serait aussi une éventualité, afin que ses dirigeants en fassent des nuits blanches.»
La décision ne revient pas aux Chypriotes
Les Chypriotes des deux bords sont soumis à la volonté des puissances, explique Havadis :
«Ce sont les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Turquie et la Grèce qui écrivent le scénario. Les Etats-Unis résoudront la question chypriote - avec le soutien de l'UE - en cédant à la Turquie et la Grèce un plus grand contrôle sur le Proche-Orient et l'espace méditerranéen. Les Chypriotes turcs n'ont pas d'autre choix que d'accepter ce plan, car c'est Ankara qui a le dernier mot dans les décisions les concernant. Venons-en aux Chypriotes grecs : face à la menace de l'ONU de retirer les casques bleus déployés dans l'île, le président Nikos Anastassiadis ne peut prendre le risque que les Chypriotes grecs se retrouvent confrontés aux soldats turcs.»
Le pistolet sur la tempe
Phileleftheros redoute un résultat négatif :
«Pas besoin d'être un génie de la politique pour savoir que la pression exercée sur la partie chypriote grecque a pour but d'imposer une demi-solution, qui perpétue la présence de l'armée turque sur l'île. En d'autres termes, Nicosie se retrouve à nouveau avec le pistolet sur la tempe. Il est d'ores et déjà évident qu'il n'y aura que deux possibilités lors du nouveau sommet de Genève : un rejet de la proposition, c'est-à-dire un échec qui couvrira Nicosie de honte ; ou bien une solution dictée par la Turquie, mais qui serait rejetée par les Chypriotes grecs. Ces deux options sont catastrophiques. C'est la conséquence inévitable de la politique d'improvisation choisie par le camp chypriote grec.»