Quel bilan peut-on tirer de la COP 23 ?
La conférence de l'ONU sur le climat, qui a réuni près de 200 Etats, se termine ce vendredi à Bonn. Les désaccords ont notamment porté sur la forme que doit prendre l'aide aux pays plus pauvres par les pays industrialisés. Les commentateurs fustigent le manque de solidarité des pays riches et émettent des avis divergents sur la sortie du charbon préconisée par certains pays.
Les innocentes victimes de notre opulence
Les résultats de Bonn sont décevants, regrette Avvenire :
«Nous voyons à l’œuvre la politique classique du deux poids deux mesures. D’un côté les règles contraignantes - hard law – pour protéger les entreprises, de l’autre des règles non contraignantes - soft law – pour protéger les personnes. … Les pays riches évitent de faire des promesses qui les engagent, celles-ci pouvant être interprétées comme un aveu implicite de leur part de responsabilité dans les dommages causés à l’environnement. ... Le Green Climate Fund, fonds créé à cet effet, a autorisé jusqu’ici 54 projets et mis à disposition 131 millions de dollars. C’est trop peu pour éviter que d’autres innocents ne paient les pots cassés de la surabondance dans laquelle nous vivons. Ceci confirme sans appel l'indifférence scandaleuse et le déni de responsabilité qui ne font que renforcer la crise et l‘injustice.»
Une lueur d'espoir, en dépit de Trump
Une vingtaine d'Etats, dont le Canada et le Royaume-Uni, ont formé à Bonn une alliance en faveur d'une sortie du charbon. Corriere del Ticino salue cette réponse adéquate à la politique de Donald Trump en matière d'environnement :
«Bonn a également montré le peu de cas que le locataire actuel de la Maison-Blanche faisait de la situation catastrophique de la pollution atmosphérique. L'administration américaine a organisé un seul événement dans le cadre de la COP 23, dont le titre semble être une farce : 'Le rôle de combustibles fossiles plus propres et plus efficaces et de l'énergie nucléaire pour atténuer le changement climatique'. Mais même si Trump a atteint son objectif et fait sortir les Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat afin de promouvoir l'industrie du charbon aux Etats-Unis, la lutte contre le changement climatique continuera. Cet engagement a été affirmé sans ambiguïté lors de la COP 23.»
Sortir du charbon : le revers de la médaille
Le quotidien Die Welt se montre pour sa part bien peu impressionné par l'initiative en faveur d'une sortie du charbon :
«Grâce aux énormes ressources naturelles dont dispose le Canada, figure de proue de cette initiative, le pays peut s'approvisionner à 60 pour cent en énergie hydraulique et se contenter de produire huit pour cent seulement de son électricité à partir du charbon. … Dans ce cas, c'est facile d'y renoncer. ... La plupart des pays de cette alliance anti-charbon ne peuvent pas non plus servir d'exemple, car à la différence de l'Allemagne, ils n'ont pas renoncé à sortir du nucléaire, ce qui leur permet d'autant plus maintenant de se repaître dans la gloire du sauveur du climat. Ceci s'applique aussi au Canada, qui a sérieusement modernisé une partie de ses réacteurs très vieux. ... Les militants écologistes qui saluent cette initiative sont prompts à fermer les yeux sur les dangers des alternatives au charbon.»
Les 'émissions négatives' sont indispensables
Il faut davantage développer les émissions dites négatives, réclame The Economist :
«L'accord de Paris part du principe qu'on trouvera des moyens d'extraire artificiellement le dioxyde de carbone de l'air. Car dans les scénarios réalistes, il sera impossible de réduire suffisamment vite les émissions de gaz à effet de serre pour maintenir la quantité totale de dioxyde de carbone dans l'atmosphère à un niveau suffisamment bas permettant de limiter la hausse des températures. Mais nul ne semble se soucier de savoir comment obtenir ces 'émissions négatives' supplémentaires. ... Tant que cela ne changera pas, il est pratiquement certain que la promesse de limiter les dommages causés par le changement climatique ne sera pas tenue.»
Plus de temps à perdre
15 000 scientifiques du monde entier ont signé un appel, publié lundi dans la revue spécialisée BioScience, enjoignant les décideurs d'agir pour le climat. Dans son éditorial, Le Monde relaye cet appel :
«L’absence de courage politique, la perméabilité à l’influence des intérêts contrariés par les mesures à prendre pèsent sur les discussions multilatérales. L’accord de Paris sur le climat de 2015 n’évitera pas, en l’état des engagements des signataires, un réchauffement de trois degrés Celsius par rapport à la période préindustrielle. … C’est la grande différence entre 1992 et aujourd’hui : la dégradation de l’environnement produit des effets de plus en plus tangibles que plus personne – à l’exception d’un groupe d’irresponsables qui a pris le pouvoir à Washington – ne peut nier.»
La créativité humaine pour sauver le climat
La conférence de Bonn entre dans une phase déterminante, souligne Berlingske, estimant qu'il est urgent de prendre des mesures énergiques :
«Il ne faut pas se laisser aveugler par les 'bénédictions' de la technologie ou le battage du capitalisme. Pour arriver à créer un monde meilleur, il faudra une synergie de lois et d'accords d'un côté, des initiatives individuelles de l'autre. ... Sur le plan scientifique, il est indéniable que l'humanité pollue la planète, qu'elle contribue à son réchauffement et à la hausse du niveau des eaux. Nous devons donc faire tout notre possible pour protéger notre génération et les suivantes des conséquences néfastes de ce phénomène. Or renoncer à manger de la viande certains jours et passer ses vacances à bicyclette ne peuvent être des solutions efficaces. Notre espoir, c'est la fantastique capacité de l'être humain à innover et à trouver de nouvelles idées.»
Prendre exemple sur la Chine
La République populaire, par ses efforts dans le sens de la protection climatique, doit servir de modèle à d'autres pays, estime The Financial Times :
«L'ambition de Pékin mérite d'être reconnue. D'autres gouvernements, ainsi qu'un certain nombre d'Etats et d'ONG aux Etats-Unis - en raison de l'irresponsabilité de l'administration Trump - sont maintenant appelés à emboîter le pas à la Chine et à intensifier leurs efforts. Comme l'ont constaté les Nations unies, le fossé entre le volume des réductions d'émissions qui s'imposent et les engagements pris par les différents gouvernements est énorme. Plus on tardera à prendre les mesures indispensables pour résorber cet écart, plus il sera difficile d'atteindre le but.»
Les propositions trop timorées de l'UE
L'UE a décidé de réduire, à compter de 2021, le nombre de certificats délivrés au niveau européen dans le cadre de l'échange des droits d'émission de CO2, ce qui aura pour corollaire d'en augmenter le prix. Dagens Nyheter réclame des mesures plus énergiques :
«L'intensification et le développement de la politique climatique européenne est l'un des grands thèmes auxquels l'UE doit impérativement s'atteler. L'accord trouvé jeudi sur le mécanisme des droits d'émission est insuffisant. Les durcissements qu'il prévoit ne sont pas en adéquation avec les objectifs formulés dans l'accord de l'ONU et avec les recommandations des climatologues. Le président français Emmanuel Macron a remis sur le tapis une vieille idée, proposant la réintroduction d'une taxe carbone. Les obstacles pratiques, politiques et juridiques qu'elle comporte ont toutefois un effet dissuasif. L'UE ne devrait pas moins envisager et examiner d'autres mesures en ce sens.»
Les récentes catastrophes peuvent-elles changer la donne ?
Le journal économique français Les Echos préconisait une dénonciation publique des grands pollueurs mettant en péril notre climat. Amid Faljaoui, rédacteur en chef de Trends-Tendances, abonde dans le même sens :
«Au fond, ce que préconisent ces experts, c'est que les citoyens prennent le pouvoir écologique. Les plus optimistes diront que les dernières images des ouragans dans les Caraïbes ont donné un avant-goût terrible de ce que nos petits-enfants subiront si nous ne faisons rien. Et en cela, les images de la télévision ont été salvatrices. Mais, hélas, les plus cyniques diront que les citoyens sont comme les poissons rouges, qu'ils n'ont aucune mémoire et que le temps de faire le tour du bocal, ils ont déjà tout oublié. Autrement dit, à une indignation succédera une autre et ainsi de suite, au gré des soubresauts des réseaux sociaux. Espérons que la deuxième option soit fausse !»
Toutes et tous responsables
Les citoyens et les gouvernements doivent mettre un terme à leur politique de l'autruche ainsi qu'à leurs vieilles habitudes, exhorte l'auteure Eva-Maria Bachinger dans Wiener Zeitung :
«Lorsque les choses se gâtent, nous ne changeons pas de cap : la troisième piste de l'aéroport doit à tout prix être construite, n'en déplaise aux protecteurs de l'environnement. Le prochain vol à bas prix est déjà réservé, et samedi prochain, nous irons faire notre shopping, comme prévu. ... Seuls quelques écologistes romantiques versent une larme sur des espèces animales et végétales en voie de disparition. ... Lors du sommet sur le climat à Paris, 195 Etats se sont mis d'accord sur l'objectif visant à limiter le réchauffement climatique à deux degrés grâce à des mesures qui s'imposent. Ils ont convenu d'aider les Etats concernés sur le plan financier. Ils se sont également engagés à aider les migrants climatiques. Pourtant, de nombreux politiques disent qu'il faut construire des murs pour mettre un frein à l'immigration. ... Ne savent-ils pas ce qu'il se passe réellement dans le monde ?»
Les villes et les entreprises se mettent au vert
Dans la lutte contre le réchauffement climatique, une grande responsabilité revient aux villes et aux entreprises, souligne Helsingin Sanomat :
«Jusqu'ici, 169 Etats ont ratifié l'Accord de Paris. La décision des Etats-Unis de se retirer de cet accord est un revers dont les conséquences se font nettement sentir au niveau du financement de la recherche. … Mais outre les Etats, les entreprises et les villes, elles aussi, doivent jouer un rôle important dans la mise en œuvre des mesures climatiques. Aux Etats-Unis aussi, nombreuses sont celles qui ont pris cette responsabilité au sérieux et qui ont commencé à agir. Une économie rentable à long terme est impossible si l'on ne tient pas compte des impacts sur l'environnement. L'évolution de cette prise de conscience est également guidée par les attitudes des consommateurs.»
Epingler publiquement les sabordeurs de la planète
Le journal économique Les Echos appelle à sévir contre les ennemis du climat :
«Faute de pouvoir sanctionner les mauvais élèves, la Convention pour le climat devrait commencer à mettre chacun devant ses responsabilités en élaborant des stress tests climatiques, puis en publiant des indicateurs simples de conduite écologique, à l'image de ce qu'a fait, au printemps, le WWF pour les Etats européens. L'enjeu est de permettre à l'opinion publique mondiale de dénoncer et condamner, sur le modèle du 'name and shame' anglo-saxon, les sabordeurs de la planète. Peut-être un BalanceTonPollueur permettrait-il, là aussi, de rendre transparent ce qui était caché. Les citoyens doivent prendre le pouvoir écologique, c'est aussi cela qui est en jeu à Bonn.»
On peut encore sauver le climat
Avant l'ouverture de la COP 23, les rapports et les reportages soulignant la gravité du réchauffement climatique et de ses conséquences se multiplient. Mais il est encore possible de sauver le climat, assure Sydsvenskan :
«Contrairement à ce que de nombreux observateurs redoutaient, les négociations climatiques s'avèrent plus prometteuses que prévues. Lorsque Donald Trump avait annoncé la sortie des Etats-Unis de l'accord de Paris, on craignait que d'autres pays ne lui emboîtent le pas. Cela ne s'est pas produit. Au contraire, d'autres pays ont rallié les négociations et la Chine - responsable de la majeure partie des émissions de CO2 - se montre à nouveau disposée à assurer un leadership. ... Bien entendu, le processus censé stopper le réchauffement climatique avance à une lenteur frustrante. Mais dans l'ensemble, les chercheurs croient qu'il peut fonctionner. Il n'y a tout simplement pas d'alternative.»
L'Allemagne doit apprendre des autres
Contrairement à l'image qu'elle veut donner d'elle-même, l'Allemagne est mauvais élève en matière de protection climatique :
«C'est précisément parce que les politiques allemands, Angela Merkel en tête, se sont donnés un profil aussi progressiste sur la scène internationale qu'ils ont pu se permettre de négliger le véritable boulot à la maison. Il aurait notamment fallu développer un approvisionnement énergétique bon marché et exempt d'émissions de CO2, assurer la reconversion des régions minières et s'opposer avec fermeté aux lobbyistes de Daimler et consorts. ... En cas de trouble narcissique de la personnalité, une psychothérapie peut aider le patient à changer certains aspects de sa personnalité. Mais le sommet sur le climat n'est pas une thérapie. Il offre du moins l'occasion de suivre l'exemple d'autres pays : de l'essor de la voiture électrique en Norvège, du paradis cycliste danois ou des lois fiscales britanniques, qui favorisent les véhicules écologiques davantage que les grosses cylindrées.»