Vers un affrontement turco-américain en Syrie ?
La Turquie est en train d'amasser ses troupes à la frontière syrienne. Elle entend lancer une opération contre les troupes kurdes dans l'enclave d'Afrin, où les Etats-Unis soutiennent la mise en place d'une 'Force kurde de sécurité aux frontières'. Les commentateurs sont divisés quant à l'éventualité d'une confrontation directe entre Washington et Ankara, alliées au sein de l'OTAN.
Les Etats-Unis cèderont
Dans Cyprus Mail, le chroniqueur Gwynne Dyer se penche sur la stratégie des Américains en Syrie :
«L'objectif principal des Etats-Unis consiste à empêcher une victoire totale des Russes en Syrie. ... Les Kurdes sont victimes d'une nouvelle trahison ; car si leur but est d'établir un Kurdistan indépendant pour les 20 millions de Kurdes, sa réalisation implique le 'prélèvement' de pans de la Turquie, de l'Iran, de la Syrie et de l'Irak. ... Or ces pays feront tout pour l'empêcher. ... La probabilité d'affrontements direct entre Turcs et Américains reste néanmoins limitée. Car comme Obama avant lui, Trump suit une politique trop veule pour être crédible. Tout le monde part du principe qu'il ne fait que bluffer et qu'il finira par trahir les Kurdes.»
Ankara et Téhéran ne resteront pas les bras croisés
Avec la création d'une force frontalière kurde, la guerre en Syrie pourrait entrer dans une nouvelle phase dangereuse, souligne dans Le Jeudi l'écrivain Jean Portante, inquiet :
«Ainsi, en Syrie, les Etats-Unis ont-ils, pour limiter l'influence iranienne, chargé les Forces démocratiques syriennes [SDF] composées essentiellement par les Kurdes de l'YPG de contrôler les frontières d'une partie du territoire dernièrement repris à Daech, au nord du pays, à la frontière avec la Turquie. Ce qui réjouit Riyad et Tel Aviv, mais est inacceptable non seulement pour l'Iran, mais également, et surtout, pour La Turquie qui voit mal son ennemi numéro 1 que sont les Kurdes parader à ses frontières. ... Les verrous tombant en Syrie, rien ou presque ne s'interpose plus à une confrontation directe avec l'Iran et la Turquie, et donc, étant donné les rapports de force, également avec la Russie. Une guerre dont personne ne saurait prédire l'issue.»
Ankara n'a pas d'autre choix
Le portail T24 salue l'opération, jugeant que la Turquie ne peut tolérer l'existence du front kurde d'Afrin :
«Afrin est d'une importance cruciale pour la protection des frontières turques. Afrin est par ailleurs le QG du PYD, pendant du PKK en Syrie. Les Etats-Unis y rassemblent des soldats et des armes lourdes - une aide considérable pour le PYD. Il a été prouvé à maintes reprises que les Etats-Unis livrent depuis longtemps des armes au PYD. Ils flirtent avec une organisation terroriste, la soutiennent aux dépens de leur allié turc. ... Cela paraît difficile à croire, mais la confrontation entre la Turquie et les Etats-Unis est en train de se transformer en guerre. Ankara peut tout à fait compter les Etats-Unis parmi ses ennemis, dans la mesure où ceux-ci soutiennent une organisation terroriste. ... Il n'y pas d'autre choix que de mener une opération militaire à Afrin.»
Moscou se réjouit de ses nouvelles alliances
Le Kremlin pourrait approuver l'intervention turque dans le nord de la Syrie, assure Ria Novosti :
«Les Etats-Unis tentent de favoriser la sécession du Kurdistan irakien, contrairement à la Russie, qui défend pour sa part l'intégrité territoriale de la Syrie. ... L'administration russe a confirmé le droit de la Turquie à réagir à cette menace sécuritaire. Tout le monde comprend qu'il faut se débarrasser du séparatisme kurde, et il est préférable que ce soit l'armée turque qui s'en charge plutôt que l'armée syrienne, déjà active sur de nombreux fronts. Par ailleurs, la dégradation des relations turco-américaines n'est pas pour déplaire à Moscou. Car elle contribuera à arracher la Turquie de l'orbite occidentale, et à la rapprocher, bon gré mal gré, de la Russie et de l'Iran.»
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