L'UE cherche à sauver le commerce international
Après l'accord passé entre le président américain Donald Trump et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, le risque imminent d'escalade sur les droits de douane semble être écarté. Des commentateurs rappellent toutefois que Trump va remonter à la charge, parce qu'il a de bonnes raisons de le faire. D'autres soulignent qu'il faut veiller à ne pas susciter l'ire de l'Asie en faisant des concessions aux Etats-Unis.
Les USA ont de bonnes raisons
Sur le portail Ziare, le politologue Petrisor Peiu donne pleinement raison à Trump sur le débat des droits de douane :
«Trump ne fait rien d'autre que d'être à l'écoute du mécontentement croissant des paysans, des métallurgistes et des employés de l'industrie automobile, et d'en tirer profit. ... Comment en effet expliquer au contribuable américain qu'il doive financer la sécurité des dix millions d'emplois de l'industrie automobile européenne, et que les Européens les remercient en exigeant des droits de douane quatre fois supérieurs [à ceux prélevés par les Etats-Unis] ? ... C'est justement ce que l'Europe reproche à Trump : qu'il n'ait pas la bêtise de se laisser agacer, critiquer et moquer par des gens qui bénéficient de la protection de l'armée américaine et qui prospèrent grâce à l'accès au marché américain, mais qui claquent la porte au nez des exportations américaines !»
La Chine est presque aussi importante
Les négociations avec les Etats-Unis ne doivent pas nous faire perdre de vue l'importance du commerce avec la Chine, rappelle Diena :
«Le problème de l'Europe est le fait que le rôle de la Chine dans notre économie n'est guère plus faible que celui qu'y jouent les Etats-Unis. L'Europe de l'Est est notamment liée à la Chine par une série de projets prometteurs. Bien que l'Europe ait toujours eu beaucoup d'objections à l'expansion économique de la Chine, elle n'a jamais sérieusement envisagé d'engager une guerre commerciale contre elle. Il y a aujourd'hui fort à parier que l'évitement d'un conflit commercial avec les Etats-Unis se fasse au prix d'une guerre commerciale avec la Chine. Laquelle des deux serait la pire ? On en reste réduit aux conjectures.»
La Chine peut s'accrocher au bastingage
Berlingske voit dans la rencontre entre Juncker et Trump une bonne nouvelle pour l'économie des deux côtés de l'Atlantique, mais aussi un avertissement à la Chine :
«Il est extrêmement important que les menaces de nouveaux obstacles commerciaux aient cédé la place à une déclaration d'intention dans le sens d'une suppression des droits de douane et des obstacles au commerce. Il est tout aussi important de se pencher sur la réforme de l'organisation mondiale du commerce (OMC), notamment par la conclusion d'un accord contre la piraterie commerciale. C'est un signal clair à l'attention notamment de la Chine : l'Europe et les Etats-Unis se trouvent désormais dans le même camp, celui de la lutte pour le libre-échange.»
Ne pas jeter la pierre aux USA
C'est l'UE et non les Etats-Unis qui met un frein au libre-échange, critique Die Presse :
«Si le dialogue entre Juncker et Trump a désamorcé les tensions, il a aussi clairement montré qui, au chapitre de la suppression des barrières commerciales, appuyait sur la pédale de frein. Très clairement, le fauteur de trouble est européen. Car si Trump est de facto prêt à abolir toutes les barrières douanières, Juncker souhaite dans un premier temps limiter la levée aux produits industriels. 'Il se peut qu'au final, ce conflit commercial nous ait été profitable', a déclaré avec optimisme Christian Helmenstein, économiste en chef de l'Industriellenvereinigung [organisation patronale autrichienne]. Or pour y parvenir, l'Europe devrait trouver une ligne commune et éviter les frictions nées d'intérêts particuliers. Car la lutte intestine entre le lobby agricole français et l'industrie automobile allemande est préjudiciable au site économique européen.»
Trump fin stratège
Právo est presque admiratif de Trump, estimant prématuré le soulagement de l'Europe, qu'il présente comme le dindon de la farce dans la guerre commerciale que Trump a engagée avec la Chine :
«Pour l'instant, seuls les Etats-Unis gagnent au change. L'Europe est encore dans l'expectative. Si Trump réussit à obtenir de la Chine des concessions, il aura toute latitude pour régler ses comptes avec l'UE. Et il ne se fera pas prier. Autrement dit, au lieu de se réjouir des résultats obtenus par Juncker dans les négociations, les Européens feraient mieux de veiller à ne pas se laisser embobiner par Trump dans son bras de fer avec la Chine. Une fois que Trump l'aura remporté sur le front asiatique, il s'occupera des Européens.»
Juncker au sommet de son art
L'annonce de suppression de tous les droits de douane entre l'UE et les USA envoie une onde de choc dans les relations commerciales internationales selon 24.hu :
«Les accords de cette envergure nécessitent d'ordinaire des années de travail en amont. La conclusion d'accords de libre-échange avec d'autres pays ou groupes de pays est une des priorités que Jean-Claude Juncker s'est fixé pour son mandat. Rien ne semble plus important pour le président de la Commission, qui remporte ainsi une grande victoire personnelle. Elle a bien sûr un prix, mais celui-ci n'est pas exorbitant. Juncker s'est engagé à intensifier la collaboration en matière d'énergie, ce qui implique que l'Europe achètera davantage de gaz en provenance des Etats-Unis. En se rendant à Washington, Juncker voulait conclure un bon accord. Il a réussi son coup.»
Pourquoi Trump tend la main à Juncker
Trump a finalement dû accepter les réalités économiques, explique Corriere del Ticino :
«Les analystes économiques américains l'avaient déjà indiqué, la guerre commerciale récemment initiée par le locataire de la Maison-Blanche aurait des conséquences négatives, et ce non seulement sur les entreprises européennes et les autres, de par le monde, concernées par la croisade de Trump, mais également sur les entreprises américaines. Celles du secteur automobile seraient frappées de plein fouet. De fait, une hausse des droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium entraîne un coût de production supérieur et donc des marges de bénéfices moindres. C'est probablement la raison pour laquelle Trump a jugé préférable hier de tendre la main à Juncker. L'avenir nous dira ce que vaut le dialogue qui a été mis en place.»
L'UE et l'économie mondiale gagnent du temps
L'accord décroché par Jean-Claude Juncker sur le litige commercial tient de l'exploit, se félicite Der Standard :
«Sans avoir fait de véritables concessions, le président de la Commission a réussi à dissuader Donald Trump de frapper de nouveaux droits de douane les importations de véhicules européens - la menace qu'il brandit depuis des semaines. A la place, dans les mois et les années à venir, les Etats-Unis et l'UE négocieront une baisse des barrières commerciales - ce que les entreprises appellent de leurs vœux depuis le début. ... Il est peu probable que toutes ces négociations aboutissent à une réussite rapide. Car bien trop de groupes d'intérêt leur tireront dans les pattes. Mais ce n'est pas le plus important. L'essentiel est que les menaces aient cédé la place au dialogue. L'UE, et du même coup l'économie mondiale, a gagné du temps. Trump peut se chercher d'autres bêtes noires. Combien de temps cette trêve durera-t-elle ? Le président des Etats-Unis est probablement le seul à le savoir. »
Le Trumpisme a de beaux jours devant lui
El País estime également qu'il est trop tôt pour donner le signal de fin d'alerte :
«Les États-Unis ne se réduisent pas à Trump, même si le phénomène Trump ne passera pas de sitôt, parce qu'il reflète un changement profond aux États-Unis. Tout comme la montée du populisme et du nationalisme dans les grands pays européens exprime un changement fondamental dans l'UE. Le Trumpisme a encore de beaux jours devant lui. Et pourtant, avant d'enterrer la relation transatlantique, il serait bon d'évaluer le coût de sa disparition et de se demander comment combler le vide qu'elle laissera derrière elle. ... Seule une Europe forte et unie, capable de protéger ses citoyens, peut traiter avec Trump sur un pied d'égalité et peser de tout son poids pour sauver l'alliance transatlantique. »
Rira bien qui rira le dernier
L'accord entre Trump et Juncker laisse Delo sceptique. A terme, les litiges commerciaux profiteront à la Chine :
«Certains s'étaient réjouis : Trump passait pour l'annonciateur d'un grand chamboulement de l'ordre mondial et du déclin du 'grand impérialiste' - un Etat qui avait créé le système des règles internationales et défendu pendant sept décennies la mondialisation et le libre-échange. Voici que tout le monde court-circuite Washington et conclut des accords pour sauver le système. Il semblerait pourtant que la Chine, qui est le premier responsable des problèmes du commerce international, soit en position de force.»