Poutine invité au mariage d'une ministre autrichienne
Le président russe Vladimir Poutine était présent samedi au mariage de la ministre autrichienne des Affaires étrangères, Karin Kneissl. En Autriche comme à l'étranger, son invitation avait fait l'objet de vives critiques. L'attitude de Poutine lors des festivités lui vaut toutefois aussi les éloges de certains commentateurs.
Poutine sort des sentiers battus
Pour Ria Novosti, la présence de Poutine en Styrie pour des noces ministérielles est la prolongation de l'offensive de charme entamée avec la Coupe du Monde de football en Russie :
«Dans un monde en proie à une surenchère de confrontations, aux ruptures de contacts, aux disputes sans fin et aux scandales, Moscou (et Poutine en personne) rappelle aux puissants de ce monde que l'on peut tout aborder sous un angle complètement différent. Que le monde est plein de joie, de bonté et d'amitié et qu'un dialogue calme et constructif peut venir à bout de tous les antagonismes. Sur fond d'aggravation des conflits de par le monde, qui se manifestent de la manière la plus grossière et la plus vile, au plus haut niveau, la Russie donne un exemple de décence dans les comportements humains : hospitalité, chaleur et joie partagée.»
Chef de guerre et danseur de talent
Eesti Päevaleht juge le comportement de Poutine scandaleux :
«C'est chose faite : le monde entier sait désormais enfin que le président russe a le sens de la fête et qu'il est capable, en plein cœur de l'Europe, de danser avec la mariée pour remonter le moral de tout le monde (en temps de guerre, pensez-y !). Accompagné par de fougueux cosaques, comme le veut la tradition observée depuis Napoléon des empereurs russes quand ils se rendent en Europe. C'est un geste choquant dans le jeu qui porte depuis longtemps le nom de guerre de propagande hybride.»
Un péché mignon
Si l'invitation de Karin Kneissl était déplacée, elle n'appelle pas une démission, juge Die Presse :
«Au début de la présidence autrichienne de l'UE, la 'diplomatie nuptiale' peu conventionnelle de [Karin] Kneissl souligne symboliquement les sympathies pro-russes de l'Autriche, un terrain où le FPÖ est chez lui depuis son pacte d'amitié avec le parti au pouvoir au Kremlin. Kneissl aurait dû réfléchir quelques secondes de plus avant d'inviter Poutine. ... Y voir un motif de démission, comme l'a évoqué un représentant européen des Verts, est ridicule. Elle n'a pas proposé à Poutine d'annexer l'Autriche et d'en faire la 23e république de la Fédération de Russie, elle l'a tout simplement convié à trinquer à son mariage et à goûter au poulet frit à la viennoise. Une façon de faire peu orthodoxe et qui écorne l'image de médiatrice que l'Autriche s'attache à donner d'elle sur le dossier ukrainien, mais qui peut théoriquement être judicieuse sur le plan diplomatique.»
Un coup de pouce à l'extrême droite
Le fait que Poutine apparaisse à ce mariage en Autriche vise surtout à soutenir l'extrême droite en Europe, critique Vitali Portnikov sur newsru.com :
«La visite de Poutine est la poursuite d'une vieille tradition : la haine contre la démocratie et les valeurs du monde libre ainsi que le désir de revanche et d'élargissement de l'empire poussent sans cesse le Kremlin dans le camp des fous, et font de la Russie la protectrice de ces derniers. A la fin des années 1930, les nazis. Après la guerre, les terroristes d'extrême gauche, formés dans des camps spéciaux des services secrets soviétiques. … Le voyage de 'l'invité d'honneur' en Autriche montre que le cœur de Poutine appartient aux politiques européens d'extrême droite – les mêmes que ceux contre lesquels nos grands-pères se sont battus.»
Embarrassant
Kurier s'interroge sur les raisons de cette invitation :
«Dans le meilleur des cas, il s'agit d'un acte de gloriole d'une nouvelle venue en politique, qui veut célébrer sa difficile percée. Dans le pire des cas, il s'agit d'une tentative du FPÖ de courtiser Vladimir Poutine, dirigeant autoritaire apprécié du parti, avec toutes les conséquences négatives que ceci implique. Ceux qui voulaient se présenter en 'jeteurs de ponts' entre la Russie et l'Ukraine ne peuvent que constater les dégâts : l'ex-agent du KGB Vladimir Poutine peut se pavaner.»
La continuation d'une sombre tradition
L'Autriche a toujours davantage coopéré avec la Russie que d'autres Etats, relève Dennik N :
«Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale déjà, le pays s'efforce d'entretenir de bonnes relations avec Moscou. Au début, il n'avait pas le choix : il était occupé. Mais depuis, l'Autriche n'a eu de cesse de mettre à profit au plan économique sa neutralité et sa collaboration avec le camp communiste et les différentes dictatures de l'Est. C'est pourquoi elle est devenue une place forte de la diplomatie, un centre financier et un nid d'espions. Inviter Vladimir Poutine au mariage de la ministre des Affaires étrangères, désignée à ce poste par le parti d'extrême droite FPÖ, ne constitue donc pas une rupture dans la politique autrichienne ; il s'agit au contraire de la continuation d'une sombre tradition.»