Irlande : référendum sur la levée de l'interdiction du blasphème
Les Irlandais se prononceront vendredi sur la suppression de l'interdiction du blasphème, laquelle est inscrite dans la Constitution du pays. Les déclarations jugées blasphématoires sont ainsi toujours passibles d'amendes pouvant aller jusqu'à 25 000 euros. Le gouvernement entend mener cette réforme afin d'améliorer 'l'image internationale de l'Irlande'. Le blasphème doit-il rester passible de peine ?
Une relique du Moyen-Age
L'interdiction du blasphème n'a rien à faire dans une constitution moderne, argumente The Irish Times :
«S'il est important de protéger les religions, cette disposition existe déjà ; la liberté de religion reste garantie par l'article 44.2.1. Il est fort peu probable que l'interdiction du blasphème soit appliquée à qui que ce soit, mais là n'est pas la question. Une constitution ne fait pas partie du code pénal ; elle est l'expression des valeurs de la société. Dès lors, le blasphème n'a pas à y figurer. A travers le monde, des régimes répressifs utilisent de telles lois pour persécuter, emprisonner et tuer les membres de minorités religieuses. Il s'agit d'un crime moyenâgeux qui n'a pas sa place dans une république pluraliste.»
Le respect de la religion reste justifié
L'interdiction du blasphème est une expression de la tolérance religieuse et l'essence de l'Irlande moderne, souligne pour sa part The Irish Independent :
«Cette disposition n'a quasiment jamais provoqué de débat public ni entraîné de restriction de la liberté d'expression dans le pays. Jusqu'à aujourd'hui, personne n'a été poursuivi ni condamné pour blasphème. Mais là n'est pas la question. On nous dit qu'il faut renoncer à ces lois car elles donneraient un mauvais exemple à d'autres Etats, comme le Pakistan, qui prévoit des peines draconiennes pour les blasphémateurs. La proposition réactionnaire et régressive contenue dans ce référendum ne reflète pas la valeur que l'Irlande moderne incarne aujourd'hui : la tolérance. Une tolérance qui inclut également la tolérance des personnes religieuses et des croyances qui sont sacrées à leurs yeux.»
Une disposition qui favorise les fondamentalistes à l'étranger
L'interdiction du blasphème est un principe anachronique, souligne The Irish Independent :
«La loi sur le blasphème a malheureusement eu un impact plus important à l'étranger qu'en Irlande. Elle a été notamment été invoquée à l'ONU par le Pakistan comme un argument en faveur d'une interdiction de la 'diffamation de la religion'. Notre Cour constitutionnelle a déjà reconnu en 1999 dans un verdict que la loi constituait un anachronisme qui ne pouvait être mis en application. ... Le 26 octobre, les Irlandais vont enfin pouvoir confirmer ce que les tribunaux et la législation ont déjà acté depuis longtemps : au XXIe siècle, il n'y pas de place pour une interdiction du blasphème dans la Constitution irlandaise.»
Le diable soit de ce référendum !
Cette consultation est absolument superflue, s'insurge The Irish Times :
«Au chapitre de la liberté d'expression en Irlande, il y aurait vraiment d'autres priorités. La législation actuelle sur le blasphème a un impact bien moindre sur ce que les gens peuvent dire et entendre que n'en a le niveau toujours élevé des pénalités et des indemnités pour dommages et intérêts dans les affaires de diffamation, ou encore les sommes considérables qu'il faut débourser pour pouvoir faire valoir le droit à la liberté d'information et d'autres droits devant les tribunaux en général. Nous pourrions également organiser un débat référendaire sur des sujets importants, par exemple sur le droit de vote pour les immigrés ou sur des restrictions spéciales pour accéder à la propriété privée à dessein de dissuader la spéculation foncière, ou encore sur la nationalisation de toutes les écoles primaires.»