Depuis le début de l’offensive à grande échelle de la Russie contre l’Ukraine, le 24 février 2022, le pays est en état d’urgence.
Ukraine : la guerre et son cortège de restrictions
Avant le début de l’offensive de grande envergure, le paysage médiatique ukrainien était d’une grande diversité, mais les chaînes télévisées, surtout celles de diffusion nationale, étaient entre les mains de politiques et d’oligarques influents, qui les instrumentalisaient dans le débat politique.
Dès le 24 février, toutes les grandes chaînes ont décidé de former un télémarathon, intitulé « les informations unies », diffusant un programme unique, ce qu’elles continuent de faire à ce jour.
Les médias accusés de divulguer de la propagande russe ou d’être proches des adversaires politiques du président Zelensky ont été suspendus. Depuis août 2021, le portail d’information Strana a été bloqué sur décision du Conseil de défense et de sécurité nationale. En outre, les chaînes de télévision inféodées à l’ex-président Petro Porochenko, Priamy et 5e chaîne, ont été exclues de la télévision câblée, de même qu’espreso.tv, propriété de Nikolaï Knachitzky, un compagnon de route de Porochenko. La première fortune d’Ukraine, Rinat Akhmetov, s’est vu obligé, en septembre 2022, de remettre à l’Etat toutes ses licences de chaînes télévisées et de médias papiers et de faire cesser les activités de ses médias en ligne.
Les voix critiques sont mal vues
En décembre 2022, le Parlement a adopté une loi sur les médias accordant au président de vastes pouvoirs. Il peut nommer quatre des huit membres du Conseil national de l’audiovisuel. Les quatre autres sont nommés par le Parlement, où le parti du président « Serviteurs du peuple » dispose de la majorité.
Ce conseil a le pouvoir d’infliger des amendes et, au bout de quatre violations grossières, de bloquer un média en l’espace d’un mois lorsque celui-ci est inscrit au registre des médias, en présence d’une décision de justice en ce sens. Un média non inscrit au registre pourra, au bout de cinq infractions, être bloqué par ce conseil pour une durée de 14 jours, même sans décision de justice.
Dans ce contexte, Telegram, YouTube et Facebook gagnent en importance. Une part importante de la population préfère en effet se tourner vers les réseaux, plus intéressants que le « télémarathon » qui passe sur toutes les chaînes.
Manque d’argent et restrictions
Mais même avant février 2022, les journalistes avaient la vie dure en Ukraine. La pandémie de Covid-19 avait rapidement entraîné la fermeture de beaucoup de kiosques et de points de vente de produits de presse.
Une réforme administrative avait entraîné un remembrement des communes et des régions. Cela avait placé beaucoup de journaux régionaux devant un grand défi, puisque du jour au lendemain, indépendamment de leur volonté, leur lectorat avait changé. Une réforme de la poste ukrainienne, Ukrposhta, en position de monopole pour la livraison de journaux, a eu un impact négatif sur la survie des médias papier. Les frais de port ont été majorés à raison de 40 pour cent du prix de l’abonnement, et beaucoup de bureaux de poste qui étaient chargés de distribuer les journaux ont été fermés.
A plusieurs reprises ces dernières années, les autorités ukrainiennes s’en sont prises à des médias « dérangeants ». En septembre 2019, le Conseil national de la télévision a retiré sa licence de diffusion à la chaîne 112.ua. Autre exemple, redoutant un emprisonnement, Igor Gouchva, le rédacteur en chef du journal numérique d’opposition Strana s’est réfugié en janvier 2018 en Autriche, où il a obtenu l’asile politique la même année.
Journaliste, un métier dangereux
En l’an 2000, un meurtre avait fait la une des journaux internationaux : celui de Heorhij Honhadse (Georgi Gongadze), fondateur d’Ukraïnska Pravda. Après les manifestations du Maïdan en 2014, le chroniqueur russophile et ex-rédacteur en chef du quotidien Segodnya, Oles Busina, et le directeur d’Ukraïnska Pravda Pavel Cheremet, originaire du Bélarus, ont été assassinés, respectivement en 2015 et en 2016. Enfin, le meurtre du journaliste d’investigation Vadim Komarov avait suscité un grand émoi. Agressé le 4 mai 2019, il devait succombé à ses blessures six semaines plus tard.
Le marché des quotidiens s’est fortement contracté. Le seul quotidien politique de qualité est le journal Den. Du côté des hebdomadaires, le journal NV s’est imposé comme premier magazine d’analyse de l’actualité.
Classement pour la liberté de la presse (Reporters sans frontières) :
rang 79 (2023)
Mise à jour : mai 2023