Italie : le Kremlin a-t-il financé la campagne de la Ligue ?
Le Premier ministre italien, Giuseppe Conte, entend prendre position ce mercredi au Sénat italien sur les enquêtes ouvertes contre Matteo Salvini, vice-Premier ministre et chef de file de la Ligue, dans le dossier russe. Un proche collaborateur de Salvini se serait rendu à Moscou pour y rencontrer des Russes - qui n'ont pas encore été identifiés - et négocier un accord de financement illégal du parti d'extrême droite. La somme négociée dépasserait les 60 millions de dollars.
Comme si de rien n'était...
A l'instar de l'Autriche, l'Italie se retrouve elle aussi avec un "Ibizagate" sur les bras, juge le quotidien de gauche Népszava :
«Si les affaires autrichienne et italienne se ressemblent de prime abord, il existe cependant une grosse différence. En Autriche, la vidéo fuitée a entraîné le démantèlement du gouvernement composé de l'ÖVP (droite conservatrice) et du FPÖ (extrême droite). Le FPÖ a été 'envoyé au piquet', et même aux élections de septembre, il devrait avoir du mal à revenir aux affaires. Dans les rangs de l'ÖVP, on est très réticent à la perspective d'une nouvelle coalition avec le parti d'extrême droite. En Italie en revanche, la vie continue, comme si de rien n'était. Matteo Salvini, plus bruyant et plus agressif que jamais, a lancé une contre-offensive, et a ouvertement remis en cause la coalition conclue il y à peine plus d'un an avec le Movimento 5 Stelle (M5S).»
Qui tire les ficelles dans l'ombre ?
Lucia Annunziata, rédactrice en chef du portail Huffington Post Italia, croit savoir comment les 'contacts italiens' de la Russie ont été révélés à l'opinion publique :
«La main invisible, qui travaille des plus efficacement contre les souverainistes italiens, pourrait être allemande. Il pourrait s'agir d'une 'réactivation' de la stratégie allemande visant à défendre l'Europe de la résurgence du nationalisme et des agissements de Poutine. Berlin romprait ainsi avec le 'leadership réticent' qui a été la caractéristique de l'Allemagne d'après-guerre. ... Le pays veut-il jouer un nouveau rôle sur la scène européenne, en s'opposant aux souverainistes et en cessant de se limiter à un rôle purement technique de garant du traité de Maastricht ?»
Un homme d'honneur au-dessus de tout soupçon
La Repubblica ne croit pas les affirmations de Salvini et le raille :
«Matteo Salvini jure n'avoir jamais 'accepté un rouble, un euro, un dollar ou un litre de vodka de Russie'. Et Salvini est un homme d'honneur. Nous n'avons donc aucune raison de remettre en cause sa parole. ... Les Américains auront mal compris ; la bande son de l'enregistrement aura été falsifiée. Ou peut-être découvrira-t-on un jour qu'il ne s'agissait que d'un complot orchestré par Soros, la capitaine Carola et [l'humoriste] Maurizio Crozza - cette histoire du parti italien qui se vend au tsar de la nouvelle Russie pour démanteler l'UE et faire de Moscou le barycentre politique du continent.»
Le chef de file de la Ligue a désormais les mains liées
Huffington Post Italia dresse des parallèles avec l'Ibizagate autrichien :
«Deux histoires qui ont pour fil conducteur de sales affaires entre des partis dits souverainistes et la grande mère Russie. Et qui se sont terminées de la même façon : la publication de documents sonores et vidéos enregistrés par on ne sait qui on se sait où. ... Se peut-il que Salvini, faisant l'objet d'un chantage, ait décidé de continuer à gouverner avec le M5S plutôt que de rompre avec celui-ci et de réclamer des élections anticipées ? ... Tandis que l'on cherchera une réponse définitive à cette question, il faudra se contenter d'un constat : il est certain qu'après la divulgation de cette affaire, Salvini sera en échec politiquement.»