Navires de sauvetage en mer : une Odyssée sans fin ?
Après presque trois semaines d'impasse, le navire de secours Open Arms a pu accoster sur l'île de Lampedusa, en Italie. Le ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini, s'y était opposé jusque-là, bien que six Etats de l'UE se soient déclarés prêts à accueillir les migrants. Mardi, le procureur d'Agrigente, en Sicile, a finalement ordonné que les réfugiés soient débarqués. Les médias européens se penchent sur cette nouvelle passe d'armes.
Des querelles indignes
Matteo Salvini n'est pas le seul à être responsable de l'odyssée de l'Open Arms, souligne Wiener Zeitung :
«Il n'existe pas de solutions simples dans ce dossier, seulement des solutions infiniment complexes et coûteuses. Il faut tout d'abord rappeler que le sauvetage en mer est une compétence qui devrait être l'apanage des autorités publiques, et non celui d'organisations et d'initiatives privées. Notamment parce que celles-ci, se finançant par les appels aux dons, exploitent à leur profit la charge émotionnelle de ces opérations. Certaines questions peuvent être résolues sous l'effet d'un tollé médiatique - mais le sauvetage en mer n'est pas l'une d'entre elles. Si la communauté internationale décidait de se concerter pour affréter et coordonner les navires de sauvetage, il serait plus facile d'assurer la prise en charge des migrants sur la terre ferme. Et ceci mettrait un terme aux passes d'armes indignes et purement symboliques auxquelles donne lieu, dans les médias et le débat public, le sauvetage du moindre navire de réfugiés en Méditerranée.»
Un révélateur des faiblesses de l'Europe
ABC déplore que l'Espagne ait envoyé un navire militaire pour accueillir à son bord les migrants de l'Open Arms, alors que le navire de sauvetage a finalement été autorisé à accoster à Lampedusa :
«L'absence de coordination entre les deux gouvernements est lamentable et digne d'un piètre vaudeville. Le fait que l'Espagne affrète un navire militaire sans même anticiper les décisions de l'Italie montre que lorsqu'il faut combattre l'immigration clandestine, ou répondre avec dignité et efficacité à une tragédie humanitaire, il y a beaucoup de choses à revoir en Europe. L'Open Arms n'a pas agi avec responsabilité, mais il a le mérite d'avoir révélé l'inaptitude de l'Espagne et de l'Italie.»
La criminalisation de l'aide humanitaire n'arrêtera pas les migrants
The Times of Malta s'offusque du cap emprunté par Matteo Salvini :
«Cette politique cruelle pourrait marquer la fin des opérations de sauvetage dans les eaux italiennes - ou la fin des organisations qui les entreprennent. Nous assistons ici à la criminalisation des secours en mer - une entreprise horrible, inhumaine, et qui ne pourra être justifiée et poursuivie à terme. ... Bien entendu, la perspective d'un sauvetage probable ou possible contribue à rendre les traversées maritimes plus faciles à vendre pour les passeurs et les trafiquants. Mais, de façon similaire, l'absence d'opérations de recherche et de secours n'empêchera pas les migrants bloqués en Libye de tenter de partir, elle ne les empêchera pas de mourir en mer et elle ne les empêchera pas de chercher à rallier des côtes étrangères.»