La France suspend sa taxe numérique
Afin d'éviter une guerre commerciale, la France et les Etats-Unis ont réglé le litige qui les opposait sur la taxation des GAFA. Paris a en effet décidé de reporter le paiement des acomptes de sa taxe numérique à décembre 2020. De leur côté, les Etats-Unis renonceront à taxer en retour des produits comme le fromage et le vin. Cette taxe est-elle appelée désormais à devenir un projet européen ?
Un retrait bien avisé
Macron a bien réagi dans un conflit qui aurait pu devenir explosif, commente Thomas Hanke, correspondant de Handelsblatt à Paris :
«Sur ce dossier, le gouvernement américain n'a pas une attitude destructrice. Le président américain, Donald Trump, a levé le blocus que son prédécesseur Barack Obama avait mis en place en œuvrant pour une taxation internationale des transactions numériques. Mais quelques mois avant les présidentielles, Trump ne veut pas soumettre au vote du Congrès une nouvelle forme de redevance qui affecterait en première ligne les géants numériques américains. ... Paris ne renonce à rien de façon définitive. Si, au lendemain des élections américaines, aucune solution internationale ne se dessinait, la France pourrait réactiver l'application de la taxe GAFA en fin d'année. Tout ce à quoi Paris renonce est le paiement des acomptes - quelques centaines de millions d'euro.»
Une mise négligeable dans le jeu du pouvoir
NRC Handelsblad reconnaît au président français un talent pour la politique de pouvoir :
«Il y a fort à parier que Macron n'est pas insatisfait. Sa taxe n'était pas étrangère à certaines considérations de politique intérieure : il s'agissait en effet d'une revendication des gilets jaunes. Ils réclamaient une plus forte taxation du grand capital. Macron avait toutefois dit dès le début que la taxe numérique ne serait pas nécessairement permanente et que dès que l'OCDE aurait présenté un projet valable, elle serait caduque. L'annulation de cette taxe n'est donc qu'une somme négligeable que Macron a su jouer sans prendre trop de risques dans l'âpre duel politique avec Trump - un jeu que Macron est l'un des rares dirigeants européens à savoir jouer. Et maintenant, à l'OCDE de remplir son contrat.»
La possibilité d'une solution européenne
Après avoir temporairement renoncé à sa taxe numérique, la France entend promouvoir une solution internationale. La probabilité d'un projet européen se renforce, estime Les Echos :
«L'Irlande est devenue le 'hub' européen de la tech américaine, et sera donc particulièrement dure à convaincre. Mais la pression politique pourrait la faire plier - notamment en cette période de Brexit où elle a tant à perdre et claironne le besoin de solidarité entre les 27. Des miracles de cet ordre, Bruxelles en a déjà vécu. Qui aurait pu penser qu'il réussirait à convaincre le Luxembourg de lever le secret bancaire, lui qui tient toute sa puissance de ses établissements financiers ? Par souci de réputation, sous la pression politique, le grand-duché avait finalement cédé aux injonctions bruxelloises. Il n'est pas interdit de rêver d'un scénario identique en Irlande.»