La commémoration de l'Holocauste ternie par les polémiques historiques
La perception de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale fait l'objet d'un litige entre la Pologne et la Russie. Varsovie estime que le pacte germano-soviétique de 1939, qui prévoyait le dépeçage de la Pologne entre l'Allemagne nazie et l'URSS, a été un élément déclencheur de la guerre. Poutine affirme de son côté que la Pologne a été complice de l'Allemagne nazie, notamment pour le déroulement de l'Holocauste. En raison de la dispute, le président polonais, Andrzej Duda, ne s'est pas rendu aux commémorations de Yad Vashem, en Israël, et Vladimir Poutine n'était pas présent à celles d'Auschwitz.
Solidaires de la Pologne !
Pologne et Ukraine doivent agir de concert contre le révisionnisme russe, fait valoir Vassil Bondar, vice-ministre ukrainien des Affaires étrangères, dans Dzerkalo Tyjnia :
«L'histoire, ancienne et récente, nous enseigne que Moscou exploite nos divisions. Le Kremlin agit depuis des siècles selon le principe 'diviser pour mieux régner', qui sert ses visées impériales. La menace venant de l'Est a toujours été des plus dangereuses lorsque nous étions minés par les rivalités et désunis. ... Poutine et ses acolytes ont lancé une vaste campagne de propagande, visant à taxer la Pologne d'antisémitisme et à l'accuser du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. La réaction de l'Ukraine à ces fausses accusations doit être claire et nette : nous sommes solidaires de la Pologne ! »
Un simple dérivatif
En faussant la perception des évènements historiques, Poutine détourne l'attention de l'opinion mondiale des projets qui lui tiennent réellement à coeur, commente Polityka :
«Stratégiquement parlant, Poutine peut y voir un succès, car il a contraint la Pologne à jouer sur une autre scène, à Auschwitz plutôt qu'à Yad Vashem. Mais le monde occidental n'a pas gobé ses fantaisies historiques et a défendu la position de la Pologne. Nous, les Polonais, nous sommes toutefois tellement focalisés sur notre propre défense que nous n'avons pas remarqué que la partie se jouait sur un autre terrain. Nous n'étions plus là lorsque Poutine a montré que ceux qui ont une influence sur la politique internationale, ce sont ceux qui la font, et non ceux qui attendent la prise de position de la Maison-Blanche pour pouvoir fixer leur ligne politique.»
L'histoire ne tolère pas les poncifs
Les deux parties se rendent coupables de simplifications historiques, déplore le chroniqueur Konstantin Sonine dans Ekho Moskvy :
«Lorsque le Premier ministre polonais affirme que l'Allemagne et la Russie ont déclenché la Seconde Guerre mondiale, il s'agit d'une forme de propagande à usage national. Mais lorsqu'un représentant du ministère russe des Affaires étrangères déclare que la Russie n'a pas attaqué la Pologne et qu'elle n'a pas participé à l'anéantissement de l'Etat polonais, c'est un mensonge. On cherche ici à nous imposer un choix binaire entre deux propositions : 'La Russie a été l'agresseure pendant la Seconde Guerre mondiale' et 'La Russie a été la victime d'une agression'. Or il s'agit d'une alternative pernicieuse entre deux propositions incorrectes. La Russie a été l'agresseure de la Pologne, mais la Russie a aussi été victime de l'agression allemande qui a marqué le début de la Seconde Guerre mondiale.»