Assange sera-t-il extradé aux Etats-Unis ?
La justice britannique doit se décider sur une possible extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis. Le cofondateur de Wikileaks y est accusé d'avoir mis en péril la vie d'informateurs et de dissidents en raison de ses divulgations. Les défenseurs d'Assange y voient pour leur part une manipulation politique. La presse européenne évoque un précédent de poids.
Sanctionner le vol, mais pas la diffusion de données
Il est dans l'intérêt de tous que les médias diffusent des informations sensibles, y compris contre la volonté des dirigeants, fait valoir The Times :
«Aucune agence de presse ne devrait prendre à la légère la publication de documents volés. Mais sans elle, une longue liste d'articles qui sont clairement dans l'intérêt général n'auraient jamais vu le jour - du scandale des frais de parlementaires britanniques aux Pentagon Papers [sur la guerre du Vietnam]. Dans certains cas, le vol de données peut et devrait être criminalisé. Les lanceurs d'alerte comme Chelsea Manning ont parfois raison et parfois tort, et parfois ils ne sont tout simplement pas en mesure de trancher. Mais criminaliser ceux qui se font l'écho des alertes lancées serait un précédent dangereux. Même s'ils sont parfois d'une maladresse déconcertante.»
Bien réfléchir avant de procéder à des divulgations
Il ne faut pas traiter avec trop de légèreté les informations fuitées, fait valoir La Croix :
«Les méthodes de Wikileaks sont discutables. Peut-on mettre des centaines de milliers de documents sur la place publique sans se soucier des conséquences graves que cela peut avoir pour la sécurité de nombreuses personnes ? Sans s'interroger sur le bénéfice que peuvent en tirer des ennemis de la démocratie ? Le métier d'informer doit s'accompagner d'un grand esprit de responsabilité. Mais il ne faut pas qu'une chape de plomb empêche la vérité d'émerger lorsque des faits graves sont en jeu.»
En toile de fond, le piratage du serveur des démocrates
Dans un entretien accordé à Ekho Moskvy, Konstantin Remtchoukov, rédacteur en chef de Nezavissimaïa Gazeta, estime que les données issues du serveur mail des démocrates et publiées par Wikileaks avant les dernières présidentielles ont été le moteur de l'affaire Assange :
«On avait appris alors que la direction du parti s'était déclarée contre Bernie Sanders et en faveur de Hillary Clinton. Cette révélation avait tant ébranlé les Américains de sensibilité démocrate que beaucoup d'entre eux n'étaient pas allés voter, privant le parti de voix cruciales pour pouvoir l'emporter. C'est alors qu'ont commencé les incessantes accusations à l'encontre de la Russie, selon lesquelles celle-ci aurait favorisé l'élection de Trump. ... Dans la même veine, à en croire certaines rumeurs, Trump aurait récemment proposé un deal à Assange : qu'il affirme que les données du serveur démocrate n'auraient pas été fournies par les Russes. En contrepartie de quoi il aurait été gracié et n'aurait pas eu à aller en prison. Une offre qu'Assange aurait rejetée.»