Obama gracie Chelsea Manning
Le président américain sortant Barack Obama a décidé de réduire la peine infligée à la lanceuse d'alerte Chelsea Manning : celle-ci sortira de prison en mai. Accusée d'avoir transmis des documents militaires américains portant sur la guerre en Irak à la plate-forme de divulgation Wikileaks, elle avait été condamnée en 2013 à 35 ans de détention. Cette grâce marque-t-elle le triomphe de la justice ou bien celui de la naïveté ?
La justice l'emporte sur la vengeance
La réduction de la peine de Manning est un signe de la grandeur des Etats-Unis, selon The Times :
«Chelsea Manning méritait d'être poursuivie en justice. Ce qu'elle a fait était clairement illégal et, au minimum, dangereusement téméraire. Elle n'avait aucun moyen de garantir que les informations relatives aux agents, aux dissidents et autres ne soient pas transmises, par le biais [du porte-parole de Wikileaks] Julian Assange, à des gouvernements ennemis et antidémocratiques. ... Cette remise de peine signale que l'on croit à la justice et non à la vengeance ; que l'on a la grandeur, la confiance, la bonté et l'assurance requises pour prendre une telle décision. Laissons Assange, depuis son petit bout d'Equateur, et Snowden, dans son repaire russe truffé de micros, ruminer la question de savoir si les endroits où ils se sont retranchés sont vraiment préférables à l'Amérique qu'ils fustigent tant.»
Chapeau bas, Chelsea !
La grâce accordée à Manning est louable car la lanceuse d'alerte a révélé des informations primordiales, se réjouit Aftonbladet :
«L'administration Bush voulait vendre la guerre en Irak comme une guerre de libération et un conflit moderne, 'propre'. Les victimes civiles ne cadraient pas avec ce concept. Ce n'est qu'en 2010 que le monde apprenait, grâce à la lanceuse d'alerte Chelsea Manning, qu'au moins 60 pour cent des 109 000 morts comptabilisés en Irak par l'armée américaine étaient des civils. C'est bien davantage que ce que le gouvernement américain avait reconnu jusque là. Le plus troublant dans le matériel divulgué par Manning, c'était une vidéo montrant des soldats américains abattre douze civils irakiens à Bagdad, en pleine rue, sans raison. ... Sans Chelsea Manning, notre connaissance des évènements survenus en Irak serait bien plus lacunaire. Le risque de voir ce type d'offensives se reproduire dans d'autres pays aurait ainsi été bien plus important.»
Un cadeau naïf fait à la gauche
En graciant Chelsea Manning, Obama ne rend pas service aux démocrates, assure Die Welt :
«Cette décision contribuera surtout à éloigner les Américains un peu plus et de façon un peu plus durable des démocrates. Obama ne voit-il pas à quel point il s'est éloigné du centre politique dans son pays, pour lequel la haute-trahison est tout sauf une gaminerie - et pas qu'en raison de la menace terroriste ? Il ne s'agit pas d'un simple voleur de pommes. Il existe au sein des démocrates une aile gauche qui considère Manning comme une sorte de martyr. Ce cadeau n'est donc pas seulement à l'intention de Manning mais aussi et surtout à celle des alliés de gauche. Il s'agit d'un acte naïf que l'on n'aurait pas attendu d'un président américain.»
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