France : la mobilisation contre les violences policières se poursuit
De grandes manifestations ont à nouveau eu lieu en France le week-end dernier pour protester contre le projet de loi 'sécurité globale', qui vise à limiter la diffusion de photos de policiers lors de leurs interventions. Paris a une fois de plus été le théâtre de violents affrontements. Comment expliquer cette spirale de la violence et comment l'enrayer ?
Sous Macron, une violence sans fin
Les troubles actuels s'inscrivent dans une série d'évènements violents, constate Der Standard :
«Quelle que soit la réponse apportée à la question - in fine politique - des causes et des responsabilités de ce phénomène, force est de constater que la présidence Macron est placée depuis plus de deux ans sous le signe de la violence. Gilets jaunes, manifestations contre les projets de réforme et aujourd'hui contre les violences policières - la spirale de la violence ne cesse de s'amplifier en France. ... L'accroissement des tensions politiques et sociales en France, de surcroît à l'heure des impondérables de la crise du coronavirus, est préoccupante. Il n'est pas exclu que le mandat de Macron se finisse en eau de boudin.»
Le droit de manifester en péril
Dans son éditorial, Le Monde appelle à mettre fin à la spirale de la violence :
«Le droit fondamental de manifester pacifiquement est aujourd'hui mis en péril. Non seulement par la pandémie de Covid-19, mais surtout par la violence qui transforme presque systématiquement les défilés revendicatifs en affrontements avec les forces de l'ordre et les cortèges en émeutes. … Il faut stopper d'urgence cette spirale, qui nourrit une dangereuse tentation autoritaire. … Il s'agit d'abord, à rebours de la militarisation et de l'isolement croissant des policiers français face aux manifestants, de mettre en œuvre la stratégie de dialogue et d'apaisement adoptée avec succès par de nombreuses polices européennes. Mais il s'agit aussi d'une désescalade politique rompant avec la verticalité arrogante trop souvent de mise.»
Nous devons tous lutter pour nos droits fondamentaux
Sur le portail Contrepoints, la journaliste libérale Nathalie Meyer appelle les citoyens dans leur ensemble à se mobiliser contre l'article 24 :
«En ce qui me concerne, pas envie de laisser à la seule gauche le soin de lutter pour la préservation de nos libertés et pour la défense de l'Etat de droit. Les policiers ne sont pas tous des salauds, loin de là. Les forces de l'ordre sont là pour nous protéger, pas pour se protéger entre elles par une sorte de loi du silence et de l'aveuglement volontaire. Autant il est délirant et malfaisant de penser d'un côté que 'All cops are bastards', autant il est tout aussi délirant et malfaisant de penser de l'autre côté que l'institution forme un tout parfait qui n'a jamais tort et devant lequel les individus doivent plier.»
Confiance et transparence vont de pair
Le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung souligne la part de responsabilité de la police dans les violences qui ont entaché les manifestations pacifiques ces derniers temps :
«Les actes de violence policière documentés par vidéo de cette seule année permettent de conclure qu'il ne s'agit pas de faits isolés. Si, en France comme ailleurs, la grande majorité des policiers font leur travail au service de la société, certains estiment néanmoins pouvoir décider eux-mêmes ce qu'ils considèrent être légitime. Pour ne pas les laisser impunis et que de telles agressions ne deviennent pas monnaie courante, il faut continuer à autoriser la documentation des violences policières. Avoir confiance en la police implique en effet que son travail se fasse dans la transparence.»
Le visage de démocratie macronienne
Le passage à tabac de Michel Zecler a ouvert les yeux aux gens, écrit l'hebdomadaire de gauche Dromos tis Aristeras :
«De nombreux policiers étaient descendus dans la rue avec le feu vert de Macron pour réprimer la foule des Gilets jaunes. Ils ont vu leurs efforts récompensés par l'adoption de cette incroyable loi sur la sécurité globale, interdisant notamment aux citoyens de filmer les policiers en action. De plus en plus de gens comprennent désormais pourquoi une 'majorité parlementaire' qui n'est pas proche du peuple adopte de telles lois. Comme l'ont montré les récentes manifestations anti-gouvernementales et la brutalité avec laquelle les gros bras de Macron les ont réprimées, l'ère de l'acceptation sous conditions est révolue. ... L'affaire Zecler n'est pas un incident malheureux mais la règle. Elite et démocratie ne font pas bon ménage.»
Avant tout une crise de l'autorité
Le Figaro blâme l'Etat pour, selon lui, avoir perdu le contrôle :
«Impuissants face aux périls concrets de l'insécurité, nos pouvoirs publics compensent leur inquiétante faiblesse par la frénésie législative … . Pour les braves gens, les libertés élémentaires, comme vient de le reconnaître le Conseil d'État, sont bafouées. … L'article 24, en réalité, devrait moins occuper nos esprits que la crise de l'autorité qui ébranle notre pays. Le policier qui déshonore son uniforme, le casseur qui souille sa manifestation en sont les plus graves symptômes. Mais les lâchetés publiques face à la violence ordinaire, la faillite de l'école, la dislocation des sociabilités, la bureaucratie ne sont pas moins coupables. Quand l'autorité ne repose plus que sur le décret, elle recueille l'indiscipline dans les faits.»
Bonheur privé contre méfiance publique
Dans les colonnes de La Stampa, l'historien et sociologue français Marc Lazar propose l'analyse suivante :
«La confiance ? C'est le mot clé. La suspicion qui règne envers la police n'est que le symptôme d'un phénomène plus large. Les enquêtes révèlent toutes un contraste saisissant entre un degré élevé de satisfaction au niveau privé et une méfiance générale à l'égard de l'ensemble des institutions publiques et de leurs représentants. La France de 2020, c'est le bonheur privé et la méfiance publique. C'est inquiétant pour l'état de la démocratie française.»