Syrie : dix ans de guerre et pas de répit en vue
Il y a dix ans avaient lieu en Syrie les premières manifestations anti-Assad sur fond de printemps arabe. La répression du mouvement a débouché sur une guerre meurtrière : au moins 388 000 personnes auraient perdu la vie selon l'opposition, des millions de personnes ont été contraintes à l'exil et des dizaines de milliers d'autres sont en prison ou portées disparues. Les médias fustigent le rôle des "protagonistes étrangers" dans ce conflit.
Le pays n'a jamais assez interessé l'Ouest
Jusqu'à l'entrée en guerre de la Russie en Septembre 2015, l'Occident aurait eu à plusieurs reprises la possibilité d'apporter un secours militaire aux Syriens, souligne le correspondant au Proche-Orient Carsten Kühntopp sur le site tagesschau.de :
«Or la Syrie n'a jamais été assez importante aux yeux de l'Ouest. Les Etats occidentaux ont ainsi pu se retrancher derrière le 'non' opposé par les Russes au Conseil de sécurité de l'ONU. Jusqu'à aujourd'hui, Poutine a mis au moins 15 fois son veto pour protéger son client Assad. On a toujours préféré le laisser faire que de passer outre le Conseil de sécurité et d'agir dans l'intérêt de millions de Syriens. Le droit international et les règles du jeu de l'ONU ne nous intéressent, en Occident, que lorsqu'ils nous conviennent. Les Etats-Unis n'en ont eu cure en 2003 quand ils ont décidé d'envahir l'Irak. Le droit international d'un côté, la responsabilité de protéger un peuple de l'autre : ce n'est pas vraiment un dilemme.»
La Syrie dévoyée en terrain d'exercices militaires
Tygodnik Powszechny fait lui aussi un sombre constat :
«La Syrie est devenue pour plusieurs pays (Russie, mais aussi Iran et Turquie, qui étaient encore inexpérimentés dans ce domaine) un terrain d'exercice sur lequel ils peuvent mener la guerre à faible coût et sans danger, et accumuler expériences militaires et politiques. ... Ils considèrent la guerre et le chaos comme un état de fait naturel et permanent. La guerre en Syrie a montré comment affaiblir et contourner les règles de l'ordre mondial. ... La guerre en Syrie (à l'instar d'autres conflits actuels, mais de façon nettement plus marquée) constitue le triomphe du chaos sur l'ordre.»
La politique de sanctions occidentale
Washington et Bruxelles continuent de tabler sur les sanctions pour tenter de renverser Assad, peut-on lire sur le site T24 :
«Les Etats-Unis intensifient depuis un certain temps leur recours aux sanctions économiques afin de provoquer le changement de régime auquel ils aspirent tant. Et l'UE, qui à certains niveaux se rallie à la politique étrangère américaine, ne fait pas preuve de plus de retenue. Pas plus tard que la semaine dernière, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a ouvertement affirmé que 'l'UE ne renoncera pas aux sanctions vis-à-vis de ce pays tant qu'il n'y aura pas de changement de régime'. Ce qui montre bien que la politique de sanctions est amenée à se poursuivre.»
Il ne reste rien de la Syrie de jadis
Assad a peut-être remporté la guerre mais il a perdu son pays, commente Milliyet :
«Si l'on observe le territoire sur lequel se joue la guerre civile syrienne pour la 10e année consécutive, on est confronté à un tableau des plus chaotiques, un ensemble morcelé et divisé entre les régions situées à l'ouest et à l'est de l'Euphrate dans le nord du pays, et celles contrôlées par le régime d'Assad dans la partie centrale et sud de la Syrie. ... Pour résumer, on peut dire qu'aux niveaux politique, social, économique, culturel et scientifique - ou même à n'importe quel niveau - toute la richesse de la Syrie a été anéantie par ce conflit sanglant et dramatique. De la Syrie de jadis, il ne subsiste rien à part celle d'Assad.»
Une indifférence coupable
La communauté internationale a observé le développement du conflit sans rien faire, déplore La Stampa :
«Nous nous sommes habitués à un sentiment erroné : croire que le pire était derrière nous, que la guerre était finie, et penser qu'il s'agissait d'un véritable désastre, mais qu'on n'y pouvait pas grand-chose au fond. Or la guerre continue à faire des victimes. ... Les prisons du régime sont toujours pleines ; la moitié des Syriens ont quitté leur domicile pour trouver refuge soit à l'étranger soit dans une autre région du pays ; 90 pour cent de la population vit dans la pauvreté et fait la queue pour avoir du pain. ... Les 400 000 morts du conflit, nous les avons vus chaque soir dans les JT et nous les avons laissé s'amonceler année après année comme des ballots de chiffons. Sans ressentir aucune pitié. Et cela aussi, c'est un crime.»
Faire des offres à Assad
Au lieu de rester les bras croisés, Européens et Américains feraient mieux de reprendre l'initiative, préconise Süddeutsche Zeitung :
«Ils pourraient s'atteler à faire des propositions limitées mais concrètes au régime : du blé en échange d'éclaircissements sur le sort des disparus, des médicaments en contrepartie de la libération de prisonniers, et ce tout en maintenant les sanctions visant les armes et les mafieux proches du régime. Ce serait sans nulle doute une entreprise délicate ; jusque-là en effet, Assad a su canaliser l'aide venant de l'étranger de telle sorte qu'il était le premier à en profiter. L'alternative toutefois, c'est que la misère se poursuive jusqu'à ce que la faim ait fauché ceux qui ont réussi à survivre à la guerre.»