Karsruhe suspend le plan de relance européen, l'UE en émoi
Le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, ne peut pas ratifier pour l'instant le plan d'aide de l'UE. Ainsi en a décidé la Cour constitutionnelle allemande, suite à une demande expresse déposée par un groupe mené par l'ex-chef de file de l'AfD, Bernd Lucke. Celui-ci estime contraire à la loi que l'Allemagne contracte des dettes au niveau européen. Les journalistes européens s'inquiètent d'un recours qui pourrait avoir selon eux un impact funeste.
La Cour ne fait que son travail
Personne ne devrait s'étonner du fait que les juges allemands veuillent procéder à un contrôle préalable, juge l'ex-banquier Jean-Michel Naulot dans Le Figaro :
«Ce traitement comptable ignore un pilier du Traité de l'Union européenne, l'article 5, qui énonce qu'une compétence non attribuée, en l'occurrence le recours à l'emprunt, n'existe pas. Il contourne les deux articles qui interdisent explicitement le recours à l'emprunt (articles 310 et 311 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne). Faut-il s'étonner que la Cour constitutionnelle allemande suspende la ratification de l'accord européen en attendant de l'examiner de manière approfondie ? Elle fait son travail. ... le plan de relance européen est une nouvelle illustration du déficit démocratique de l'Union européenne.»
Des conséquences difficiles à évaluer
L'enjeu de la décision de Karlsruhe dépasse le cadre du simple contretemps, juge le chroniqueur Ovidiu Nahoi sur l'antenne roumaine de RFI :
«Dans le meilleur des cas, la Cour confirmera la validité du plan de relance, même si l'on ignore quand elle rendra sa décision. L'attente pourrait par ailleurs se prolonger si les juges allemands demandaient l'avis de la CJUE, ce qui serait susceptible de retarder de quelques mois de plus l'entrée en vigueur de ce plan tant attendu. Bien sûr, on ne peut pas non plus exclure un verdict qui annule tout le programme d'aide, ce qui aurait des conséquences difficiles à évaluer.»
Les eurosceptiques disposent d'un inépuisable arsenal
Il est révoltant de constater ce que les groupes populistes sont prêts à faire, déplore Contributors :
«Espérons que cette initiative ne fasse pas d'émules dans d'autres pays. ... L'arsenal dont disposent les partis eurosceptiques est inquiétant et ils ne reculent devant aucun recours pour freiner l'UE. Ils en avaient déjà fourni la preuve pendant la pandémie de coronavirus, avec la propagation de fake news et de désinformation, et voici qu'ils remontent à la charge avec des messages populistes d'une portée telle qu'ils ralentissent l'entrée en vigueur du plan de relance de l'UE.»
La Cour constitutionnelle allemande a besoin de nouveaux juges
Financial Times condamne la conception du droit dépassée des juges constitutionnels :
«Ces vingt dernières années, la Cour de Karlsruhe a porté des jugements extrêmes sur le droit de vote et le principe de la souveraineté budgétaire nationale - deux fondements immuables de la Constitution allemande - alors qu'elle minimise d'autres éléments de la Constitution, permettant ainsi la délégation de pouvoirs à l'UE en vue de l'intégration européenne. La pensée doctrinaire de la Cour se démarque nettement de la pensée dominante en Europe. Il n'y a pas de solution facile au problème compte tenu de la difficulté à modifier la Loi fondamentale. L'espoir le plus prometteur est peut-être la relève de la Cour elle-même et la nomination de juges qui fassent une interprétation plus modérée de la Constitution et des moyens de la concilier avec les obligations de l'Allemagne envers l'UE.»