Irlande du Nord : après le Brexit, le retour des troubles ?
L'Irlande du Nord a été le théâtre de troubles et d'affrontements entre groupes de jeunes pour la quatrième nuit consécutive. Dans l'ouest de Belfast, les émeutiers ont jeté des pierres et des cocktails molotov sur la police, qui a riposté à l'aide de canons à eau. Pour les éditorialistes, ces violences ne sont pas uniquement liées à la recrudescence des tensions politiques entre partis loyalistes et républicains.
La pauvreté favorise le chaos
Ces émeutes sont liées à des problématiques sociales, estime The Spectator :
«Il faut que les politiques unionistes trouvent le moyen de rétablir le contact avec leur base en colère et de mettre fin à ces violences contreproductives. Que le Premier ministre irlandais, de son côté, persiste à refuser de faire cause commune avec les partisans fondamentalistes (du Nord pour la plupart) de l'unité irlandaise, favorables à l'organisation d'un vote sur la question frontalière, qui ne ferait qu'accroître les divisions. ... Que le gouvernement britannique, pour sa part, adopte de toute urgence des mesures visant à aider économiquement les quartiers défavorisés d'Irlande du Nord. ... Que le gouvernement nord-irlandais, enfin, s'attache à arracher de la rue les jeunes protestants des classes populaires, et leur permette de transformer leur potentiel en source de richesse.»
Des jeunes qui veulent jouer à la guerre
L'ennui est aussi l'une des causes de ces émeutes, croit savoir The Irish Independent, qui évoque l'individu qui a lancé le premier cocktail molotov lundi soir :
«Si l'on demandait à ce jeune maigrichon et à ses camarades quels sont selon eux les avantages et les inconvénients du protocole nord-irlandais, ils ne sauraient quoi répondre. Nos actuels accords de commerce ne font pas partie de leur conversation quotidienne. ... La plupart des émeutiers ne sont que des enfants désabusés, qui cherchent à se distraire dans des quartiers où ils se plaignent de n'avoir rien d'autre à faire. Rester dehors tard le soir et jouer les gros bras, cela sera pour eux le clou d'une terrible année de confinement. ... Cette situation est le résultat de ce qui semble être une longue tradition, qui consiste à infliger des tourments au plus grand nombre, en nuisant aux perspectives futures des jeunes qui y prennent part.»
Des troubles orchestrées
Pour Il Manifesto, les jeunes
«sont victimes d'une rhétorique incendiaire et paranoïaque, attisée par des peurs qui projettent une ombre funeste sur l'avenir d'une communauté qui se croit de plus en plus assiégée. Des peurs qui semblent trouver leur origine dans deux évènements : le protocole nord-irlandais d'un côté, qui, pour éviter le retour d'une frontière tangible entre les deux Irlande, 'délocalise' de facto la frontière douanière en mer ; de l'autre, la décision de la police nord-irlandaise de ne pas sanctionner le non-respect présumé des règles sanitaires par des membres du Sinn Féin, à l'occasion des obsèques du leader républicain Bobby Storey, l'été dernier. Une décision délibérément présentée comme un acte de favoritisme vis-à-vis des républicains, alors qu'elle n'était en réalité que le résultat d'une enquête qui n'a pas permis d'établir des responsabilités ou des violations quelconques.»
A Downing Street, une passivité dangereuse
Boris Johnson ne semble pas disposé à vouloir agir, souligne The Guardian :
«Boris Johnson a autorisé le principe de contrôles frontaliers entre la Grande-Bretagne et l'Irlande du Nord afin de sauver son accord de Brexit avec l'UE. Il était clair dès le départ que faire passer cette concession auprès des loyalistes serait pour le moins un immense défi. Mais plutôt que de s'y atteler à bras le corps, son gouvernement a surtout cherché à étouffer le problème. Le mois dernier, le Royaume-Uni a unilatéralement prolongé d'un mois le délai transitoire prévu avant la mise en œuvre pleine et entière de contrôles sur les marchandises entrant en Irlande du Nord. A Londres, on semble refuser de façon pusillanime d'aborder résolument la question.»
La petite Angleterre plutôt que la Grande-Bretagne ?
Pour Christine Heuer, correspondante de Deutschlandfunk à Londres, l'Irlande du Nord n'est que la partie visible de l'iceberg des problèmes que le Brexit a provoqué :
«La question nord-irlandaise est particulièrement manifeste, car la division entre nationalistes et unionistes ne date pas d'hier ; parce que c'est à cet endroit que le Brexit se matérialise le plus concrètement, et que les nerfs y sont particulièrement à vif. Mais le mécontentement bouillonne depuis longtemps également dans d'autres régions. Le mois prochain, les Ecossais élisent un nouveau Parlement. S'ils confirment le gouvernement nationaliste, alors ce sera une première étape en vue d'un nouveau référendum d'indépendance. Même au Pays de Galles, favorable au Brexit, de plus en plus de citoyens songent à se séparer de Londres. L'Angleterre pourrait finir par se retrouver seule avec son Brexit : la petite Angleterre plutôt que la Grande-Bretagne.»