Le verdict contre Mladić et le bilan du TPIY
L'ancien chef militaire serbe de Bosnie Ratko Mladić a été condamné, mardi, en appel, à la perpétuité par le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux. Commandant responsable de la prise de Srebrenica et du massacre perpétré dans cette ville, il a été condamné pour génocide et dix autres chefs d'accusation, crimes commis pendant la guerre de Bosnie. La presse européenne évoque ce verdict et fait le bilan du Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, qui a fermé ses portes en 2017.
La justice a triomphé
Pour Večer, ce verdict était la seule décision équitable :
«Il ne pouvait pas et il ne devait pas en aller autrement. La peine de prison à perpétuité prononcée contre le commandant militaire serbe de Bosnie Ratko Mladić, la sentence maximale, a été confirmée en appel par le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux à La Haye. La justice a triomphé, comme lors de la condamnation similaire du leader politique des Serbes de Bosnie-Herzégovine, Radovan Karadžić, et d'autres individus portant la responsabilité du pire massacre commis en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ce verdict apporte une certaine satisfaction aux survivants, même si aucun tribunal ne pourra leur rendre les proches qu'ils ont perdus.»
Quand le crime paie
Le verdict contre Mladić est prononcé bien trop tard, fustige Večernji list :
«Pour les proches des personnes assassinées par son armée sanguinaire dans les années 1990, en Croatie d'abord puis en Bosnie-Herzégovine ensuite, la confirmation de la peine de prison à vie n'est plus source de satisfaction. Elle n'est que déception pour eux, car dans ce procès, les magistrats de La Haye n'ont pas assuré leur mission fondamentale ni rempli leur fonction, qui est de rendre rapidement justice, et, comme à Nuremberg, de veiller à ce que le crime ne paie pas. Avant même la guerre et la désintégration de la Yougoslavie, Mladić était probablement déjà un cas psychiatrique ; pendant la guerre, il n'a fait que perfectionner ce 'talent' pour la cruauté et les tueries sans scrupule.»
Le terrorisme et les migrations continuent
On aurait tort de voir dans ce verdict une preuve du bon fonctionnement de la justice internationale, lit-on dans Der Tagesspiegel :
«Ce n'est un secret pour personne : la communauté mondiale assiste sans broncher aux guerres, au terrorisme et aux déplacements de populations - en Syrie, en Libye, au Yémen, en Ukraine, au Bélarus, en Birmanie ou en Afrique subsaharienne, où sévissent des milices islamistes. Parallèlement, une idée fait son chemin : qu'ils se débrouillent tout seuls pour résoudre leurs conflits et traduire en justice les auteurs des faits. ... Dans les milieux de gauche, on entend parfois le terme d''impérialisme des droits de l'homme' : l'universalisme des droits de l'homme s'y trouve remis en cause, au même titre que la justice internationale. Dans les discours de realpolitik, les droits de l'homme jouent un rôle subalterne. Tant que l'on tolérera de telles aberrations, le droit de veto des puissants restera un obstacle infranchissable.»
Une source d'espoir
Hospodářské noviny s'efforce de faire le bilan de la justice internationale :
«La fin de la guerre froide et la pression de l'opinion publique, croissante au fur et à mesure que surgissaient les images des massacres commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda, avaient permis la création des tribunaux pénaux internationaux. Ceux-ci ont poursuivi en justice et puni des crimes commis dans des pays où ce travail judiciaire était entravé par les gouvernements locaux ou rendu impossible par les conditions sur place. Le verdict contre Mladič fait espérer qu'à l'avenir également, les crimes graves seront poursuivis en justice. Même si les perspectives peuvent paraître très incertaines aujourd'hui - avec la Syrie, protégée par Moscou au Conseil de sécurité de l'ONU, ou la Birmanie, dont la junte militaire est défendue par Pékin.»
Pas de réconciliation en vue
Si ce volet judiciaire est un succès, il n'est toutefois pas accepté par tous, juge NRC Handelsblad :
«Les juristes louent l'action du TPIY. ... De nouvelles normes ont été forgées en droit pénal international. Les jugements rendus sur le génocide et le viol ont des répercussions sur d'autres tribunaux de guerre et cours nationales. Mais tout n'a pas fonctionné. ... Si le TPIY a rendu possibles une jurisprudence et une historiographie importantes, il n'a pas permis la réconciliation. Les verdicts sont peu reconnus en Serbie et en Croatie, l'animosité entre les groupes de population n'a pas disparu. Et les criminels de guerre qui retournent chez eux après avoir purgé leurs peines sont accueillis en héros par leurs familles et par les leaders politiques nationalistes.»